Chapitre 23

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-Abigail ! Cela fait des semaines que tu habites chez nous et bien que j'apprécie énormément ton soutien et ta présence, je pense qu'il est temps que tu retournes auprès de ton mari et de tes obligations.

La jeune femme retint un froncement de sourcils et jeta un coup d'œil à sa sœur qui brodait tranquillement près de la fenêtre.

-Mais justement, maman, je trouve que c'est trop tôt... Que pensera-t-on si l'on apprend que je rentre déjà...

-On y pensera le plus grand bien, affirma avec aplomb sa mère en se resservant une tasse de thé. Si c'est cela qui te retient, je t'en prie n'y pense pas. Cela me fait de la peine de te voir aussi pâle, raison de plus pour que tu sortes plus souvent et change d'air. Je comprends qu'avec ce long deuil, tu t'inquiètes pour nous et je comprends également ta tristesse mais la vie continue... Harriet n'aurait pas voulu que tu t'abimes la santé de la sorte.

Abigail pinça les lèvres et hocha une seule fois la tête. Les conseils de sa mère étaient précieux mais elle avait tort sur certains points. Bien sûr, la jeune femme s'inquiétait pour ses parents et souhaitait encore prendre un peu de temps pour elle mais ce n'était pas tout. Cela paraissait extrêmement égoïste et absurde mais elle ne voulait tout simplement pas retrouver James. Il ne lui a plus rendu visite depuis ce jour fatidique et elle n'avait eu aucune nouvelle de lui mis à part quelques bouquets de fleurs par ci par là.

Mais après tout, ce retour lui ferait du bien. Car outre l'atmosphère pesante qui régna durant un long moment au sein de sa famille, l'indifférence de son père avait été le coup de grâce dans le chagrin d'Abigail. C'est à peine s'il s'était présenté à de nombreuse visite d'amis compatissant qui venaient aux nouvelles.

Colin sortait rarement de son bureau, seulement pour donner des ordres aux domestiques ou bien souper rapidement. Mais les rares fois où il se présentait à table aboutissaient à une Milicent qui quittait la table prétextant un mal de tête ou bien Abigail affirmant qu'elle n'avait plus faim.

La jeune femme reposa sa tasse en retenant un soupir et monta dans sa chambre. Elle ouvrit sa fenêtre pour l'aérer. Les oiseaux gazouillaient chaleureusement dans le jardin mais elle n'avait aucune envie de s'extasier devant eux. Elle avait bien d'autres chats à fouetter. Retourner chez elle ne l'enchantait guère, revoir le visage de son traitre de mari et de partager le même air que lui. Les bouquets de fleurs qu'il lui avait envoyés avait manqué de la faire vomir et elle les jetait tous un à un sous le regard surpris des domestiques. Elle ne comprenait pas pourquoi son mari s'obstinait à lui en envoyer. Était-ce pour faire bonne figure ? Afficher une tendresse qu'il était loin de ressentir l'enfonçait plus profondément dans son hypocrisie qu'Abigail se surprit à adorer détester.

Mais voilà, il fallait bien qu'elle rentre chez elle et même si cela lui coûtait, elle savait très bien qu'elle obéirait bien vite à sa mère. Alors qu'elle commençait à organiser ses affaires, lançant des indications aux domestiques, quelques coups frappés à sa porte la divertit.

-Entrez !

Milicent se présenta à sa porte et Abigail faillit en lâcher une robe. Les deux sœurs se toisèrent, si proches et pourtant si loin et le silence s'étira si longtemps et parut si lourd que les domestiques quittèrent la chambre à la hâte.

L'ainée soupira et vint s'installer près de la coiffeuse. Abigail la jaugea un instant, figée incapable de bouger le moindre le muscle. Le moment qu'elle attendait tant était-il enfin arrivé ?

Quand elle comprit que Milicent ne parlerait pas tant qu'elle se tiendrait immobile et hébétée, elle reprit ses esprits et vint s'installer sur son lit, laissant une bonne distance entre elles. Depuis quand ce fossé existait-il ?

AshtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant