PROLOGUE

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CAMILLE

Le cerveau est cartographié en plusieurs zones spécialisées qui ont des fonctions précises. Ces zones correspondent aux régions qui traitent la motricité et la sensibilité du corps humain.

Sillon central. Lobe occipital. Lobe temporel. Aire auditive. Aire visuelle. Émotionnelle. Intellectuelle...

Bordel de merde !

Je referme le bouquin qui pèse une tonne, trois mètres de long et qui est composé de trucs plus complexes les uns que les autres. Je le repose lourdement sur mon bureau et recule ma chaise. Il est temps de faire une pause, je l'ai bien mérité !

Mais aujourd'hui, je n'ai pas le temps de faire de pause. Je n'ai le temps de plus rien à vrai dire. Mes heures sont comptées, ma vie est sous pression et ma réussite est comme le drapeau dans Super Mario Bros. Je le vois, mais il faut que je me bouge les fesses pour l'attraper.

Je ferme les yeux et inspire profondément tout en pensants au fonctionnement de mes poumons, à l'oxygène qui y passe. Même en essayant de faire une micro-pause, rien n'y fait, je pense toujours à mon travail et à tout ce qui l'en compose.

Levant la tête, je jette un coup d'œil vers le mur ou est accroché ma pendule. Ce dernier est d'ailleurs défraîchi, mais ce n'est qu'un détail maintenant. Il est tard, je n'ai pas mangé et je n'ai plus de quoi bien travailler. Je suis à sec.

Me redressant finalement, je retiens de justesse un juron pour témoigner de la douleur lancinante qui irradie dans tout mon corps. Bien évidemment, ça fait au moins quatre heures que je suis posé sur cette foutue chaise à essayer de faire rentrer la composition du cortex cérébral dans mon propre cerveau. De quoi en perdre la raison.

Je tangue un instant, ma tête tourne et ma vue n'est pas nette. Les effets secondaires sûrement. Le manque se fait ressentir peu à peu. Connaissant parfaitement les symptômes, la bouche pâteuse, les mains qui commencent à trembler et quand j'arrive devant mon miroir, je constate que mes yeux sont bel et bien rouges.

J'attrape une banane, mon sac et mon manteau, puis je dégage d'ici. Un bol d'air frais, juste cinq petites minutes et je mis remet. Les marches grincent toutes sans exception quand je descends les trois étages de mon bloc. La porte fait aussi un bruit inhumain quand je la franchis, c'est vraiment la merde, mais ça ne sert à rien que je ressasse, je le sais déjà.

La fraîcheur de la nuit me frappe de plein fouet. Mes joues me picotent et mon nez se transforme presque en glaçon.

Merci Paris en hiver ! Et encore, il ne neige pas.

Je m'arrête juste devant le pallier de mon immeuble et lève la tête vers le ciel tout en fermant les yeux. Profitons de ces moments de répit, ils sont rares.

Après un nombre de respirations incalculable, je me remets en marche vers mon objectif. La dépressive que je suis sait ce qu'elle veut, mon cerveau donne déjà l'info à mes jambes qui me mène directement devant un immeuble à quelque pas du mien.

On ne voit pas les étoiles, le ciel est trop noir et la pollution pourrit l'air que j'aime pourtant respirer. Je m'auto-désespère...

— Je ne fais pas de prix. Soit t'a la tune, soit tu dégages.

— J'ai que la moitié... Allez, H, s'il te plaît...

Ralentissant, je regarde ce qui m'entoure. Un quartier défavorisé, des bâtiments dégueulasses et une ambiance bien sale. Ce n'est pas ça qui va m'arrêter, loin de là. Je n'ai pas grandi dans un milieu aussi pourri, mais je sais me défendre. La peur, c'est juste un moyen de reculer et de partir.

— Démerde-toi, putain ! Va faire la pute s'il le faut, mais je ne te ferais pas de prix spécial camé, c'est mort !

Mes pas finissent par me guidés devant ce fameux bloc, un plus délabré que les autres encore. Je m'arrête quand je vois le dealer. Je ne le connais pas lui !

J'ai pris l'habitude des mecs qui me fournisse, et eux me connaisse également. Je n'ai même plus besoin de parler, ils savent ce que je veux, je paye et tout est en règle. Pas vraiment, mais je fais ce que je peux...

Je vois le toxico devant le nouveau dealer, mais ce dernier ne le regarde même et pose ses mains sur son torse pour le repousser.

— OK, OK, H, je vois. Tu me revaudras ça, sale merdeux.

— S'il y en a bien un de nous qui est merdeux, je pense que c'est toi, abrutie. Rentre chez toi et va dormir. La vie ne se résume pas a ces merdes que tu sniffes ou t'injectes, alors dégage !

Je vois le drogué partir à reculons. Il est tout tordu, la tête basse et ses pieds traînes sur le béton. Je vais finir comme ça...

— Qu'est-ce que t'a, toi ?

Je sursaute et tourne la tête vers le dealer, H à parement. Pourquoi se faire appeler par une lettre de l'alphabet ? C'est stupide.

— Je viens chercher mon paquet, soufflais-je en m'avançant vers lui.

Je vois ses yeux gris me détailler comme si j'étais un alien. Il a une tête de con, je ne l'aime déjà pas, celui-là.

— T'as quel âge ? Quatorze ans ?

J'esquisse un nouveau pas vers lui et tends une petite enveloppe.

— Ferme ta gueule et donne-moi le sachet avec les pilules blanches au nom de Cam, bouffon.

Se redressant, il fait le mâle alpha. Son air dominant ne me fait ni chaud ni froid, bien au contraire. Je braque mes yeux dans les siens et lui souris de toute mes dents.

Il finit par regarder le contenu de l'enveloppe que je lui ai donnée, puis il fouille dans sa pochette et me tend mon sachet transparent. Mes yeux commencent à me gratter si fort que je sens une larme se formé sur le coin de mon œil.

— Merci, p'tit con !

J'entends ce dernier grogner de mépris, mais que je fais déjà volte-face et me tire de là. Je ne peux déjà pas me l'encadrer ! Glissant un regard sur mon téléphone, je constate que dix bonnes minutes se sont déjà écoulé avec toutes ces conneries. Je trottine presque jusqu'à mon bâtiment et grimpe les étages pour retrouve mon studio.

De retour en enfer...

DépendanceWhere stories live. Discover now