CHAPITRE 4

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HUGO

Je distingue le regard de la blonde peroxydé installer derrière le volant d'une Mercedes, mais ce n'est pas elle que je regarde. Je fixe le profil de la brune assise sur le siège passager. Elle ne lève pas la tête, ne croise pas mon regard et la voiture disparaît.

Je lève la tête et fixe un instant les étoiles plantées dans le ciel noir. Il y en a très peu, à cause de la pollution on ne peut en voir que rarement.

Un frisson me parcourt, mais je ne m'en plains pas, au contraire, ça me remet les idées en place. Il est temps que je me remette au boulot.

Longeant les bâtiments de ma zone, je retrouve rapidement le mien. Mon endroit préféré dans cette vie de merde.

— T'était en train de te branler ou quoi ?

Je me retourne, enfouissant un sursaut en moi. Un petit bonhomme d'une cinquantaine d'années me reluque de haut en bas, je sens le jugement dans ses yeux. Encore un friqués qui viens chercher sa came dans les coins paumer pour l'avoir moins cher.

Même s'ils sont riches, ce genre de personne n'assumeront jamais ce qu'ils font. Ce fait conclut et certifie que ce ne sont et ne seront jamais de vrai homme. Ceux qui sont censés être droits dans leurs bottes, montrer le chemin a leur famille, a leurs enfants. Je pourrais en faire une thèse, mais pour ça, il faut savoir écrire et moi je ne suis qu'un raté finalement.

— Non, je prenais une pause. Tu veux quoi ?

— Hé, gamin ! Descends d'une octave, respect tes aînées, bordel.

Mon front se plisse quand mes sourcils se dressent.

— Tu veux quoi ? Je répète.

Le type fait deux pas vers moi et se retrouve presque sous mon nez.

— Écoute petit, tu devrais apprendre a fermé ta gueule et à faire juste ce qu'on te demande.

Ma tête se penche sur le côté alors que je lui souris avec tout le mépris que je possède.

— Si je fermais ma gueule, je ne serais pas là à faire cette merde de travail, abrutie.

Le daron recule et finit par obtempérer. Il me demande de la coke, la drogue a la mode...

— T'a l'air d'être un sacré numéro toi. Tu as de la chance que je sois chronométré sinon je t'aurais éclaté ta petite tête de con.

Je ne l'écoute pas, lui sourit et il finit par se tirer. À force, j'ai pris l'habitude des connards comme lui. Je me suis forgé à ne pas exploser rapidement comme je le faisais au début. Vendre de la came, c'est un vrai job.

J'ai appris toutes les bases que les gosses comme moi apprennent en vivant dans un quartier de merde comme celui-ci. Des choses que des gamins comme moi ne sont pas censés savoir. Comment faire partir l'huissier qui sonne à votre porte alors que vous n'avez que huit ans. Comment voler une baguette de pain parce que vous n'avez pas mangé depuis deux jours et que vous n'avez pas réellement de parents.

En fait, le problème, ce n'est pas ce quartier en lui-même, c'est les gens qui l'en constituent. C'est des personnes comme mes parents qui n'en sont pas. Un père qui ne sait plus aligner deux mots a, à peine dix heures du matin. Une mère complètement absente, uniquement là pour faire semblant.

Et pourtant, cette femme c'est toute ma vie. Je serais prêt à mourir mille fois pour elle. Juste pour quelle vive une seule seconde de plus. Et je sais que c'est stupide, c'est complément débile, mais je ne peux pas faire autrement.

Elle m'a couvée pendant les dix premières années de ma vie. Elle est restée à vivre ici avec nous pour moi. Elle a moisi avec nous alors que ce n'était pas sa place et d'ailleurs, ça elle l'a bien compris quand elle l'a perdu. Quand on l'a tous perdus.

DépendanceWhere stories live. Discover now