Robert

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Le feu m'appelais.
Quand j'étais tout petit, environ 6 ans, je dirais, mon grand père est décédé, une crise cardiaque je crois, un classique.
-Papi est pari en voyage. Il ne reviendra pas avant longtemps.
C'était juste ce qu'on m'avait dit. Un peu rude, mais au moins, je ne souffrais pas. Bien entendu, j'avais appris la vérité quelques années plus tard, et ça ne m'avais pas fait grand chose. En voyage, au ciel.... Pfff.. qu'est ce que ça changeait vraiment ?

Et bien, il était là, près de moi, à me hurler de le rejoindre.
Je pensais que le calvaire allait finir, qu'il n'y avait que lui pour me pousser à la mort, mais il se trouve que non, Deva, Baptiste, Max, Tess et Babylone était là eux aussi, ils me demandaient de les suivre.
C'est difficile d'ignorer les cris, les pleurs, et les supplications de vos meilleurs amis et de votre famille.

Je me suis dirigé vers le feu. Droit devant, sans hésitation.
Je sentais très bien la douleur que m'infligeaient les flammes, vous savez. Je savais très bien ce que je faisait. Mais au moins, les hurlements cessaient. Enfin, diminuaient. Ils étaient toujours là, pour m'encourager à continuer.

Je ne savais même pas que c'était possible. Cette espèce de magie noire... vous ne nous croirez sûrement pas, mais je vous jure d'avoir vécu ça. Ce n'est pas possible autrement.

Quelques minutes avant, je m'était brûlé avec les flammes. Une partie de mon crâne était calcinée, je souffrais le martyre.
La douleur s'empirait, mais les voix criaient si fort que tout mon corps se dirigeait en direction de la mort.
Après, il s'est passé un truc bizarre. Enfin, j'ai remarqué un truc bizarre.

Tout le monde était en hypnose, et Deva était la plus lointaine, elle était presque directement DANS le feu.
Mais depuis là ou j'étais, malgré les voix, malgré le bruit permanent du feu, malgré la douleur qui me plaquait au sol, j'apercevais une petite forme rouge accrochée au dos de mon amie.

Vous savez ce que c'était ?
Moi, non. Je l'ai découvert un peu plus tard.

Je hurlais au voix de se taire, et il eu un instant de silence, avant qu'une montagne de reproche, de cris, de pleurs, et de méchanceté me tombe dessus. Les voix avaient l'air de savoir quand je parlait, et le pouvaient avec une réponse . En plus, je suis sûr que dans le tas, il y avait Babylone qui me hurlait de crever, que personne n'allais me regretter, tout ce que vous voulez.

C'est vraiment dégueulasse de nous faire vivre des trucs comme ça.
À ce moment, je me disais que l'idée d'aller sauver Tess et Baptiste, ça n'allait sûrement pas être possible en passant par une sale bouche d'égout. On s'était sûrement pris pour des héros de je sais pas trop quel genre de film.

Ce genre de truc m'a laissé des séquelles, genre, je fait une crise d'angoisse comme un gamin dans un tunnel sur l'autoroute, ou je me met à paniquer et à nager comme un petit chien dans mon bain (où juste dans l'eau en particulier, enfaite, assez handicapant dans la douche communale de l'hôpital).

Quand tout à coup, c'est une force invisible qui m'a sorti de là.

J'ai rencontré Max à l'école primaire, c'était un pote de passage, avec qui je passait mon temps à la récré, ou quand on se croisait dans les couloirs.
Au bout d'une ou deux années, on a commencé à se retrouver dans la même classe, et puis c'est devenu une habitude de s'assoir à côté, de se partager son goûter ou de jouer aux cartes avec Lou, une fille insupportable qui trainait toujours avec nous. Lou est (encore) dans notre classe, même maintenant, et elle m'énerve toujours autant.
Max m'avais toujours parlé de son futur, il avait des rêves pleins à la tête, et m'envoyait tout les jours des photos de ses voyages. Il a toujours beaucoup changé de pays, son père vivant en Allemagne.

Maintenant, dans ma galerie, il n'y a que ça. Des photo de plats (kartofflen, rushcti et hot-dog allemands à la sauce piquante) des photos de lacs, de rivières, de montagnes....

Je pensais à ça au moment où mon meilleur amis m'a tiré en arrière, jusqu'à me coller au murs qui nous bloquait. J'y voyait un peu, même si je me réveillais gentiment des vapes, parce la trappe par laquelle nous étions passée au plafond était toujours ouverte et produisait un peu de lumière.
Mais bien trop haute pour avoir de l'espoir. La trappe.

Je regardais inutilement mon amis transporter tout les corps inertes ou bien dans les nuages vers le mur, en suant, en pleurant presque, il n'en pouvais plus.
Bon, j'aurais pu l'aider, mais j'avais comme qui dirait la flemme de ma vie.
C'EST ÇA, TON EXCUSE !?? J'AI FAILLIT MOURIR DE FATIGUE, ET TOUT CE QUE TU OSE ME RÉPONDRE, C'EST QUE TU AVAIS LA FLEMME ???
Je crois que Babylone a daigné prêter son marqueur à certains...

Quand tout le monde finissait par reprendre lentement connaissance, je remarquais qu'il manquait quelqu'un.

Deva.
Encore au milieu des flammes, les yeux flamboyants de magnificence (sérieux, je commence à faire honte à mon prof de philo, à ce stade).

Je distinguais Babylone qui se levait et qui courrait dans sa direction, malgré la chaleur qui se rapprochait (toujours) dangereusement de nous.

C'est avec la moitié du corps calciné qu'elle revint, Deva inconsciente dans ses bras, qu'elle déposa près de moi.
Elle se mit à hurler. Comme ça, alors que tout allait bientôt se terminer.

-RRAAAAAAAAH !!! ÇA FAIT MAL !!!
-Fais....fais pas ta chochotte... j'ai.... Hhhh.... J'ai eu pire....
En effet, trois quart de mon visage avait brûlé, dont une partie de mes lèvre, qui saignait abondamment.
-Ferme la, de toute façon, on va tous crever.

Pour le coup, je n'ai jamais été aussi d'accord avec elle. Mais je refusait d'avoir sa tête comme dernière vision. Je pensais à ma famille, à mon frère, à mon cousin, à mon père, à ma mère....
Je me tournais vers Max.
-Merci mec.
-Pas de quoi.
Je faisait de même avec Deva, toujours dans les nuages.

Une soudaine pensée me traversa l'esprit d'un coup.

La petite chose rouge que j'avais vue accrochée à ses cheveux tout à l'heure se trouvais être...
Le gummy bear.

Il clignotait bizarrement, on aurait dis....

Un traceur.
Je le lui ai arraché des cheveux et l'ai balancé à l'autre bout du tunnel.
Je vous jure que j'ai cru le voir s'enfuir sur ses sales petites pattes en gélatine rouge.

Alors ça allait être ça, mon dernier acte ?
Arracher un foutu bonbon des cheveux d'une fille ?

Quel poisse, je vous jure.

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