VIII

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Chapitre 8 : Hua Cheng, la Fleur de la Pluie Pourpre.

La fraîcheur soudaine était la bienvenue. Un long, et collectif, soupir d'aise résonna dans l'auberge. Le tenancier, un vieil homme au bouc bien coiffé et aux yeux clairs, alla saluer le quatuor, un immense sourire aux lèvres. On pouvait apercevoir quelques rides sur son visage aux traits épuisés. Cet homme avait dû beaucoup sourire dans sa vie, ce qui réussit à apaiser le cœur de Xie Lian. Si son désir le plus cher était de voyager dans différentes contrées, son rêve, en tant que princesse héritière, était de rendre les gens heureux, de leur offrir une vie plus agréable. La jeune femme lui rendit son sourire, l'or de ses doux yeux brillait, scintillait de mille feux.

Le tenancier, de sa voix éraillée par le temps, invita le quatuor à prendre place. Sans jamais perdre le sourire, il s'inclina devant elles ; Xie Lian avait remarqué que le vieil homme possédait un dos courbé, signe des nombreuses révérences qu'il avait dû faire. Se sentant coupable de causer autant de peine à un si vieil homme, la jeune femme lui parla d'une voix douce, tendre.

- Lao ye*, ne vous inclinez pas devant nous. Nous ne sommes que de simples Cultivatrices... (= Grand-père, Monseigneur, Maître)

Un bref rire, empli d'une douloureuse tristesse, résonna dans l'auberge.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, Guniang. Je peux encore travailler. Peu importe comment le corps est usé, l'important c'est sa jeunesse d'esprit.

Mu Qing, une moue adorablement renfrognée au visage, se pencha sur l'oreille hâlée, et fine, de Feng Xin. Elle y laissa un murmure qui trahissait un certain dégoût.

- C'est sûr qu'il n'est pas la rose la plus fraîche du jardin...

Les lèvres tremblantes, manquant de pouffer, Feng Xin dû se contenir. Une main posée, pressée, sur sa bouche généreuse, elle se racla la gorge, assez bruyamment, afin de se calmer. Ce qui était bien étrange, c'était de ne pas entendre le son de la voix ronronnante et mielleuse de Wei Wuxian. Connaissant sa fâcheuse tendance à parler avant de réfléchir, son manque de répartie inquiétait quelque peu la Générale aux doux traits félins. Peut-être que, pour une fois, elle n'avait rien à dire... L'attention de Mu Qing se reporta sur la princesse de XianLe. Celle-ci, qui possédait un cœur débordant d'amour, se sentait coupable de la condition du pauvre homme face à elle. Enfin, la Générale jugeait qu'il avait choisi sa vie ainsi, ce n'était donc pas son problème. Apparemment touché par l'empathie dont faisait preuve la "Cultivatrice", le tenancier demanda ce qu'elle, et ses amies, souhaitait manger dans son humble auberge. Le timbre de Xie Lian semblait hésitant, fébrile mais toujours empli de tendresse, de bienveillance tandis qu'elle répondait.

- Nous prendrons une tassé de thé et...

- Et des légumes sautés avec un peu de riz, coupa la voix sèche et tranchante de Mu Qing. Et de la viande.

Non que la courtoisie écœurante de Xie Lian la dérangeait, mais elle avait terriblement faim...! Et ses iris, à l'obsidienne profond, venaient d'apercevoir un groupe de soldats qui revenaient d'une expédition en mer, à en juger par l'odeur pestilentielle de leurs armures et hanfu. Le tenancier ne semblait pas si surpris, ou dégoûté, par cela. Ce qui l'avait surpris était, semblait-il, le choix des plats de Mu Qing. Ses yeux gris acier contemplaient les deux jeunes femmes voilées avec stupeur. Sa voix éraillée balbutia, lui restant confus.

- D-de la viande...? Je... Je croyais que les Cultivatrices Lan n'avaient pas le droit de manger de la viande...?

Les yeux de Xie Lian, doux et scintillants comme du miel au soleil, et ceux de Wei Ying, à la forme séduisante, gracile, et au bleu lunaire, s'écarquillèrent sous le coup de la stupeur, et de l'amusement pour la seconde. Celle-ci s'esclaffa, des larmes de joie pure imbibant ses iris clairs.

Sang et Jade : Jewels of the OceanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant