« Je te la confie, Castiel. Tu as intérêt à prendre soin d'elle. »
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D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'avait jamais vraiment aimé l'école. Elle s'était toujours sentie bridée, brimée, étouffée par son environnement. Elle n'était pourtant pas mauvaise, ni en difficulté, mais tout ce qui impliquait des compétences sociales la mettait mal à l'aise. Et si après plus de six ans passés dans la même classe elle était toujours marginale, déménager en cours d'année n'allait pas l'aider à s'adapter plus que d'ordinaire à sa nouvelle classe.
Elle était arrivée à Sweet Amoris quelques jours après Lynn, mais était passée totalement inaperçue suite aux diverses aventures de la petite brune. Pas qu'elle s'en plaigne réellement, mais il était navrant de constater qu'après quatre mois même ses professeurs lui demandaient régulièrement si elle ne s'était pas trompée de classe. Le lycée était relativement petit et dépourvu d'élèves, si bien qu'un groupe de terminales accaparait déjà toute l'attention générale : la nouvelle qui se mêlait de tout ce qui ne la regardait pas, le musicien grincheux et son partenaire tête en l'air, les jumeaux, le délégué en chef et la jolie fille au caractère prononcé... Et c'était sans compter les quelques à côté facilement identifiables comme la dessinatrice timide, la sportive, l'évolution Pokémon... Elle, elle n'était qu'une ombre parmi tant d'autres, une présence délébile que l'on oubliait sitôt qu'elle disparaissait du champs de vision. Elle se délectait de cette plaisante tranquillité. Elle n'avait certes pas d'amis, mais cela signifiait pas de conflits, pas de rivalité douteuse avec la reine autoproclamée de l'établissement, pas d'aventures tirées par les cheveux allant de la présence d'un fantôme au vol des sujets d'examens ou la course d'orientation... Rien que la solitude et l'ennui, ses partenaires depuis toujours. Et jamais elle n'aurait cru qu'un concert de lycéens inexpérimentés puisse bouleverser son quotidien.Son amour pour la musique était à peu près aussi fort que son absence de talent dans ce domaine, ce qui ne l'avait jamais empêchée d'essayer. Il était donc hors de question pour elle de rater cet évènement, du moins jusqu'à l'interdiction formelle de sortir donnée par sa mère. Il semblerait que se carapater en douce par sa fenêtre la nuit, pour une petite balade au clair de lune, ce n'était pas autorisé. Elle n'avait pourtant pas cherché à nier ou se défendre lorsqu'elle fut confrontée à sa bêtise, ayant pour principe de toujours assumer ses paroles et ses actes. Néanmoins, elle extériorisa sa colère dès qu'elle fut seule par un coup puissant dans le mur de sa chambre, retenant de justesse un cri de rage. Elle ne supportait pas de se sentir prisonnière de quelque endroit que ce fut. Elle se résigna tout de même très vite et préféra passer son week-end sur sa console portable ou le nez dans un bouquin, histoire d'oublier un peu la réalité de ce monde. Ainsi, lorsqu'elle revint le mardi après-midi -ayant prétexté un rhume pour s'accorder un jour de repos supplémentaire-, elle fut étonnée des propos tenus dans le journal de Peggy à propos de la mésentente entre Lynn et Debrah, ex petite-amie de Castiel. Observer ses camarades de classe était un passe-temps comme un autre à ses yeux, mais cette-fois elle y accorda encore plus d'attention que d'ordinaire. En constatant que Lynn avait toujours quelques alliés parmi ses proches, elle décida qu'il ne lui servirait à rien de se présenter comme support moral puisqu'elles ne connaissaient pas, de toute façon. Il ne lui fallut que deux jours pour définir Debrah comme détestable, découvrir le double-jeu d'Alexy, remarquer la mélancolie de Lysandre et saisir l'ombre du doute dans le regard du guitariste. Elle n'arrivait pourtant pas à comprendre pourquoi toute l'école s'était d'un coup retournée contre Lynn, ses amis inclus, alors que Debrah était aussi bonne actrice qu'elle était chanteuse. Et tout cela commençait à l'agacer.
Sans qu'elle n'ait rien prémédité, elle se retrouva la semaine suivante au milieu de la cour, à confronter un Castiel irascible sur un simple coup de tête. Elle était en direction de l'infirmerie lorsqu'elle l'avait repéré fumant sur un banc au lieu de rejoindre le cours d'histoire, les yeux perdus dans le vide tandis qu'il triturait ses doigts nerveusement tout en consultant sans cesse son téléphone. Il avait adopté un style plus sobre, qui selon les dires était caractéristique de l'époque où il fréquentait encore Debrah. Pas de veste en cuir, pas de pantalon à chaînes, et pas la moindre trace d'un peu de sérénité sur ce visage déjà si fermé d'ordinaire. Quand il daigna finalement la remarquer, il lui demanda ce qu'elle lui voulait d'un ton sec qui ne la fit pas le moins du monde réagir. Il la détailla d'un bref coup d'œil avant de se concentrer sur la longue mèche noire tombant devant son visage, qui dissimulait deux perles d'ambres telles qu'il n'en avait jamais vu, et il se retrouva incapable de détourner les yeux ; alors elle sut qu'elle avait toute son attention.
« Au risque de me mêler de ce qui ne me regarde pas, je ne te comprends pas. Je ne suis pas ici depuis très longtemps mais je... me retrouve perplexe face à ta situation. D'un côté il y a cette fille avait qui tu as eu une histoire, qui t'a brisé le cœur mais que tu n'as jamais su oublier. De l'autre il y a celle qui te plaît sans que tu ne l'admettes, qui s'est toujours montrée sympathique avec toi malgré tes humeurs, qui a cru en toi lors du vol des examens, qui garde le secret de tes répétitions au sous-sol de l'école... Et il y a le garçon qui semble sorti d'une autre époque qui était là lorsque tu étais au plus bas et qui désapprouve fortement ton ex-copine, et aussi cette fille au style similaire qui dit toujours haut et fort ce qu'elle pense et t'a défendu auprès du délégué à de nombreuses reprises. Je peux comprendre que la situation soit compliquée pour toi. Mais ce que je vois ce n'est même pas que tu as choisi de croire l'une plus que l'autre, c'est que tu as refusé d'écouter tes proches dès le retour de ton amour passé. Et ces proches qui ne t'ont jamais trahi à ce jour, tu les rejettes en bloc au profit de celle qui t'a abandonné. Il serait peut-être temps que tu prennes le recul nécessaire et que tu réfléchisses par toi-même au lieu de te fier au jugement des autres. »
Et elle était partie. Elle l'avait laissé là comme si elle n'était qu'une apparition divine, bien qu'il puisse la suivre des yeux tandis qu'elle se rendait à l'infirmerie. Il avait déjà vu cette fille, mais elle ne l'avait pas véritablement marquée... Il n'était même pas sûr de son nom. Il savait ne lui avoir jamais adressé la parole et ne s'être jamais intéressé à elle, ce qui rendait son incompréhension encore plus grande face à ce qu'il venait de se passer. Mais très vite, son étonnement fut remplacé par la colère de son orgueil, autant blessé par le ton moralisateur de sa camarade que le fait qu'elle avait visé juste. Un grognement s'extirpa des lèvres du musicien tandis qu'il jetait négligemment son sac sur son épaule afin de partir en direction de son appartement. Une fois arrivé, il fut apaisé par l'accueil chaleureux de son fidèle beauceron qui n'attendait que lui pour être heureux. Castiel flatta le flanc de Démon, le sourire aux lèvres, avant de basculer sans grâce sur le canapé tout en envoyant valdinguer ses chaussures d'un côté ou de l'autre, son téléphone à la main. Le bruit incessant des notifications lui donnant envie d'enfoncer des têtes dans des murs, il préféra l'éteindre et fermer les yeux pour réfléchir. Rien n'y faisait, il ne connaissait pas le nom de cette fille. Mais en y repensant il arrivait à visualiser sa longue chevelure de jais qui tombait à ses reins, le bonnet gris vissé sur le haut de sa tête, son nez aquilin et les nombreux piercings qu'il avait aperçus sur ses oreilles. Il revoyait la veste trop large qui couvrait ses épaules, sans doute une veste d'homme -la fille était mignonne, il était possible qu'elle ait un copain-, le débardeur fin en dessous -et l'absence de soutien-gorge-, le jean noir usé et les converses tellement abîmées qu'elle devait avoir la sensation de marcher pied nus. Elle ne semblait pas du genre à se prendre la tête, et cette idée le fit sourire. Mais aucun de ces détails ne le marqua plus que le souvenir de ses yeux. Il y avait quelque chose d'hypnotisant dans son regard, une sorte de lueur étrange dont on ne pouvait se détacher lorsque, par hasard, l'on s'abandonnait à sa contemplation. Il s'y était perdu sans regret. Elle l'avait ridiculisé en quelques mots, mais il n'arrivait qu'à penser à l'or de ses yeux et à son désir de le revoir. Il avait besoin de la confronter de nouveau, de savoir si ce qu'il avait ressenti était réel ou une forme d'hallucination provoquée par la fatigue. Pour une fois, il avait presque hâte d'être au lendemain.
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• Amour Sucré Highschool Life • [Castiel] Les yeux de Lily
Fanfiction/!\réécriture en cours/!\ "Il y avait quelque chose d'hypnotisant dans son regard, une sorte de lueur étrange dont on ne pouvait se détacher lorsque, par hasard, l'on s'abandonnait à sa contemplation."