Chapitre septième

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Le matin, il existe de bien différents types de personnes.
Il y a la grande majorité utilisant des appareils tels que des réveils ou des téléphones portables, ceux qui ont recourt à des individus du genre parent, frère ou sœur voire même animal de compagnie ; et puis il y en a d'autres dont le cerveau a élu domicile dans l'estomac. Lily faisait partie de ces derniers, capable d'entendre la douce sonnerie du four  alors qu'elle sourcillait à peine lorsque sa mère passait l'aspirateur dans sa chambre, pendant son sommeil. C'est ainsi qu'elle se retrouva réveillée à cinq heures du matin par le bruit du micro-ondes alors que John se préparait à aller bosser -il faisait quelques heures supplémentaires depuis un moment, pour payer la réparation du toit. L'homme s'excusa en voyant l'adolescente débarquer encore à moitié endormie, mais elle se contenta de hausser les épaules : tant qu'elle pouvait manger.

Cela explique pourquoi elle arriva tant en avance au lycée -le portail était encore clos-, alors elle s'installa dos contre le mur de pierres et sortit de son sac une lettre lui étant adressée, chose plutôt rare, qu'elle avait trouvé traînant sur le petit meuble à chaussures. Elle reconnut l'écriture et frémit, portant machinalement sa main à son cou, puis elle déchira l'enveloppe afin d'en extirper une simple photo la montrant elle et Castiel dans la boutique de Leigh il y a quelques jours. Au verso ne se trouvait qu'une phrase tirée d'une chanson qu'étrangement elle ne mit pas longtemps à identifier : « Comment fait-on l'amour ? Si j'avais su. ». Cela lui fit esquisser un léger sourire, elle savait très bien qui avait envoyé cela, ainsi que le double sens de cette phrase et c'est pour cette raison qu'elle n'était nullement inquiétée de se savoir ainsi suivie. C'était presque... réconfortant. Mais Lily se sentait perturbée aussi, alors pour toute réponse elle récupéra un vieux morceau de dessin dans son carnet et le plia en forme de lotus, puis le déposa juste devant elle avant de se lever et de rentrer dans l'enceinte de l'école qui venait tout juste d'ouvrir. Un détour par les casiers pour ranger sa veste, une ébauche de discussion avec Nathaniel puis un aller simple pour le couloir du premier étage en attendant que les cours débutent.
Une dizaine de minutes plus tard environ et l'endroit commença à s'animer. L'adolescente se redressa afin de mieux observer cette masse d'humains s'éveillant difficilement malgré l'heure, et se permit même d'observer Lynn et Ambre qui se chamaillaient, comme à leur habitude. Pourtant, les deux chatons enragés eurent la même réaction en voyant Castiel leur passer devant pour rejoindre la dessinatrice : elles se turent instantanément et lancèrent des regards meurtriers qui firent longuement expirer la brune.

« Whoa, t'as mis les fringues que je t'ai achetés l'autre fois ?
Effectivement ce jour-là Lily portait un short en jean avec des collants grisés opaques, ainsi qu'un haut à motifs colorés et ses vieilles converses dans un état toujours aussi lamentable.
-Tu lui as offert des vêtements, Castiel... ? questionna timidement l'un des deux chatons, qui venait de s'approcher sans bruit du duo. Le rockeur se retint de sursauter et décoiffa amicalement les cheveux de Lynn avant de lui répondre.
-Bah, elle elle a pas Rosa ou l'alien bleu pour la relooker alors bon.
-Je te signale que je paie moi-même mes affaires !

Le musicien avait du mal à comprendre pourquoi son amie s'énervait pour si peu, tandis que Lily dû étouffer un rire tout en tournant les talons afin d'entrer dans la salle de sciences.
-Tu comprends vraiment rien ! Qu'est-ce qui te plaît chez elle dis-moi ? Pourquoi ELLE elle a droit à toutes tes attentions, au point que tu lui offres même des vêtements ?
-Pourquoi pas ? »


Lynn n'en revenait pas, elle avait presque l'impression de revivre la période « Debrah » en ce moment. Pourtant Castiel était très différent avec la chanteuse ; là il ne se renfermait plus, au contraire il passait même encore plus de temps avec ses amis qu'avant. Alors pourquoi ce sentiment d'échec, cette sensation de s'éloigner de lui ? La nouvelle pestait intérieurement, et elle songea un instant à ce que pouvait bien ressentir Ambre depuis toutes ces années. Elle eut un élan de compassion que son égoïsme effaça bien vite.

• • •
« Tous les parents d'élèves sont invités à se rendre dans le gymnase à quinze heures pour assister à la pièce de théâtre, et tous les élèves doivent impérativement être présents vingt minutes avant le début du spectacle. Un buffet gratuit vous attendra à la fin, bonne journée ! »

La journée est passée si vite...?  Pour le coup, Lily s'était laissée surprendre par le temps. Alors qu'elle errait dans les couloirs en attendant le début de la représentation, elle fut percutée par une petite tête brune qui lui sauta dessus en ne cessant de l'appeler. Sourire tendre, elle rendit son étreinte à son petit frère puis l'accompagna jusqu'auprès de leurs parents. Ces derniers s'étonnèrent à peine de la voir près d'eux plutôt que sur scène, mais Anne ne put s'empêcher de paraître déçue bien qu'elle tenta de le cacher. L'adolescente ne s'en formalisa pas, préférant s'installer entre Violette et Alexy avec Théo sur les genoux tandis que John prenait sa femme par la taille, d'un geste rassurant. « Elle n'est pas seule au moins. » lui avait-il murmuré.

« Le Petit Chaperon Rouge sorti alors de sa maison pour se rendre chez sa mère-grand...
-Quelle belle journée ! Parfaite pour rendre visite à Mamie ! »


Voilà, la pièce avait officiellement commencé. À sa droite Alexy s'extasiait tantôt sur le portrait craché miniature de la dessinatrice qu'il avait entre-aperçu au centre commercial, et tantôt sur les costumes dont il semblait plutôt fier. Violette, de son côté, rongeait nerveusement ses ongles et aurait probablement mangé jusqu'à ses doigts si son assistante aux décors n'avait pas posé une main réconfortante sur sa tête, lui donnant un instant l'impression d'être protégée de tout. Elle avait aimé le regard qui accompagnait ce geste, ces yeux étranges et fascinants. Elle ne les voyait pas pour la première fois, mais elle avait pourtant l'impression d'être véritablement regardée en retour, ce coup-ci. Presque inconsciemment, elle se rapprocha un peu plus de la brune lorsque Kiki décida de venir semer la zizanie dans le gymnase et détruire quelques arbres en carton au passage. Théo et Alexy rirent conjointement, Lily esquissa un sourire amusé et se releva en tapotant gentiment l'épaule de Violette l'air de dire « Ce n'est rien, il ne faut pas s'inquiéter. » avant de partir avec quelques autres pour attraper le voleur de gâteau. La demoiselle à la chevelure lilas s'autorisa alors à rire, jetant néanmoins un dernier coup d'oeil du côté de l'élève invisible.
Un brouhaha incommandant s'éleva dès lors que la représentation fut terminée, chacun y allant de son petit commentaire sur les costumes, le jeu d'acteur... et le choix de la pièce en lui-même. La première chose que fit Castiel une fois changé fut de partir à la recherche de son amie fantôme, qu'il retrouva en train de rendre ce cher Kiki à la directrice, en compagnie de deux adultes -ses parents sans aucun doute- et son petit frère. Ce dernier lui sourit d'ailleurs, tirant sur la manche de sa sœur afin de lui faire remarquer la présence du guitariste. Anne haussa un sourcil en voyant ce jeune homme venir les saluer, et manqua une syncope lorsqu'il commença à discuter avec ses deux enfants. Lily n'avait pas menti, elle avait l'air de s'être plus ou moins sociabilisée dans son nouveau lycée... Un profond soupir glissa hors de ses lèvres, elle s'appuya doucement contre son compagnon.

« Cassy ! Tu es là !
-Cassy ?

Lily ne put s'empêcher de rire alors que son ami blêmissait, et il se retourna lentement pour faire face à une femme à la longue crinière rouge qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, et un homme aux traits marqués dont Castiel avait probablement hérité sa chevelure noire d'origine. Comment savait-elle cela d'ailleurs ? Mystère.
«...
-Tu pourrais nous présenter ! Enchantée, je suis la mère de Cassy, Valérie ; et voici mon mari Jean-Louis.
-Ravi de vous rencontrer messieurs dames. Je suis John, et la mère de ces deux charmants enfants se nomme Anne.
-Enchantée !
-De même !
-Cassy...

Le concerné ne se gêna pas pour lancer un regard noir à la brune au bord du fou rire, de même pour le petit frère qui se bidonnait sans honte.
-Bon nous on y va hein, on vous laisse discuter ! »

Et ni une ni deux, il attrapa la jeune fille par le bras pour l'attirer plus loin. Elle se laissa balader sans broncher, se hissant sur le mur du lycée à l'aide de son absence de muscles afin de s'asseoir à côté de Castiel qui se grillait une clope. Il anticipa une moquerie en lui lançant son blouson dessus, et elle lui tira la langue en guise de réponse.

« Tu avais arrêté pourtant non ? demanda-t-elle en désignant du menton la cigarette prisonnière des lèvres du garçon. Il haussa les épaules.
-Ouais, mais du jour au lendemain c'est chiant. Donc je savoure mon dernier paquet et ensuite, stop.
-Tu sembles bien déterminé, enfin... Dis-moi, tu aurais le numéro d'Alexy ?
-...Pourquoi ?
-Il a prit quelques photos disons...sympathiques, du spectacle.

Castiel fit des yeux ronds et émit un étrange grognement, venant lui ébouriffer les cheveux.
-Primo, j'espère pour sa vie qu'il va effacer ça très vite et secundo, hors de question que tu récupères des images de moi en robe !
-Bah, ça t'allait bien pourtant...Enfin...
-Dans ces moments là que je me demande pourquoi on traîne ensemble maintenant.
-Tu veux vraiment que je te rappelle tes propres paroles, le jour de notre rencontre ? »


Le pseudo-rebelle tenait sûrement du caméléon pour changer aussi vite de couleur, et il écrasa son mégot à peine terminé sur sa chaussure avant de le jeter et se laisser tomber sur le béton de la cour. Il se retourna, poing droit sur la hanche en observant la brune sauter agilement à côté de lui puis l'invita à le rejoindre plus tard après cette « foutue chasse aux trésors », selon ses propres dires.
Contraint par les incessants SMS de sa mère, Castiel était parti rejoindre sa famille afin de participer à cette merveilleuse activité tandis que Lily se baladait ci et là. John avait un rendez-vous important qu'il ne pouvait manquer et Anne venait de se prendre le bec avec les parents de Nathaniel : ils jugeaient complètement irresponsable le fait que Théo se promène tout seul dans l'enceinte de l'école. Valérie et Jean-Louis s'étaient déjà confrontés à ces derniers peu avant la pièce de théâtre, et autant dire que cette « discussion » n'avait rien arrangé quant au jugement qu'elle portait sur eux. Elle connaissait très bien son fils, elle le savait responsable et surtout : Lily n'était jamais bien loin, elle en était certaine. Le fait que Théo s'immisce dans la conversation afin d'y glisser un « Tout le monde est différent, vous ne pouvez pas imposer votre vision aux autres sous prétexte que vos enfants sont élevés de telle manière. Je ne suis pas eux et inversement, de bons parents doivent pouvoir s'adapter afin de faire au mieux. » n'avait rien arrangé il faut le dire. C'est d'ailleurs la dessinatrice qui avait calmé la dispute en s'interposant entre les deux « camps », se contentant de plus ou moins remercier Adelaïde et son mari pour leurs conseils avant de faire tourner les talons à sa mère et son frère. Il a répété ce que j'ai dit à la voisine l'autre jour, ce sale gosse. Cette pensée l'amusa, puis elle entendit des cris provenant du gymnase. Serait-ce... ? Bingo, Castiel et Nathaniel à la limite d'en venir aux mains. Le blond fut presque immédiatement attrapé par son père qui le sermonna avant de le forcer à la suivre, alors Lily s'approcha du faux roux. Il grimaça devant son air agacé mais ne semblait pas regretter le moins du monde pour autant : il détestait ce mec, point barre. La brune soupira longuement, sur le point de parler, mais elle se figea d'un coup sans raison et se faufila à toute allure hors du bâtiment. Le musicien, surpris, jeta un bref coup d'oeil derrière lui et ne remarqua que Lysandre qui lui lança un regard entendu. Et hop, voilà les deux musiciens partis à la recherche de leur amie.
Castiel fut le plus chanceux des deux, il la trouva sur le toit. Allez savoir comment elle s'était procurée la clef... Il n'empêche qu'il referma la porte derrière lui au cas où et envoya un message au victorien histoire de le prévenir, puis il s'approcha en silence. Roulée en boule dans un coin, elle releva à peine la tête lorsqu'il s'installa à ses côtés et se laissa doucement basculer contre lui, épaule contre épaule.

« Tu t'expliques, maintenant ? »

• Amour Sucré Highschool Life • [Castiel] Les yeux de LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant