Chapitre 21

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Inerita

Je descends la butte avec l'aide d'Elias et on court à travers les plantes, assez solides pour rester droites et ne pas nous trahir en laissant un chemin. Mais elles nous le font payer en nous griffant à cause de nôtre vitesse. Nos lumières et la lueur de la lune, éclairent l'endroit précis entouré d'un périmètre. J'arrive plus à respirer. Elias attrape ma main et me rassure doucement:
-On ira pas là-bas, on va chercher autour, mais peut-être que tu devrais...

Je lui répond:
-Non

Il suggère:
-Et si on est pas seuls?

Je lui dis:
-C'est trop tard, faut y aller

Très loin on contourne la plateforme d'une des entrées, elle est à moitié submergée. Comme d'habitude à chaque fois où je suis venue je sais pas par où commencer, c'est grand. Plus sûr de lui que moi Elias se dirige vers une échelle qu'on monte pour finir sur une autre sorte de petite plateforme. On regarde autour de nous. L'odeur d'humidité, de vieux et de rouille de l'atmosphère rend cet endroit encore plus étrange. Comme une île. Dire que je m'y suis réfugié quelques fois...
On se dirige vers "l'échelle", même si je l'ai déjà passé c'est assez dangereux. C'est penché et l'écart entre les morceaux de métal, trop gros auxquels s'agripper et assez grand. Mais je l'ai déjà fait. Comme s'il venait d'y penser aussi Elias me dit:
-On devrait trouver un autre moyen

Je lui réponds:
-J'en connais pas et toi?

Il me dit en cherchant du regard:
-Non mais il doit y en avoir

Je lui rappelle:
-On a pas le temps Elias

Il me répond résigné:
-Ok...mais j'y vais d'abord

On monte et je le suis de près, mes bras se contractent beaucoup tellement je m'accroche au métal par instinct. Je pose mon pied et attrape le métal puis continue de répéter le mouvement. Elias me demande:
-Ça va?!

Maintenant j'ai peur pour lui, je lui dis:
-Oui, avance!

Une fois en haut il me hisse et me tire loin du gouffre. Je lève la tête et le regarde à la lumière de l'astre nous ayant volé le soleil il y a un bon moment. Il est beau sous cette lumière aussi, il me sourit. C'est reparti, mon cœur commence à accélérer. Mais on n'a pas le temps pour ces conneries. Je bouge et il me lâche. Cet étage j'y suis souvent venue seule comme une imbécile. Quelque chose aurait pu se casser. Je serai tombée et je serai morte seule en bas. Mais à l'époque c'était le cadet de mes soucis. Je me demande si c'est ce qui est arrivé à Sun, elle est tombée ou on l'a poussé. Mais elle n'était pas sous un endroit où elle aurait pu tomber mais vers un des piliers. Ça se trouve on l'a déplacée.

On passe devant une des pièces avec un mur manquant, ouvertes sur le ciel et dangereuses. Elias s'approche et je l'attrape avant qu'il continue d'avancer et lui rappelle:
-On est pas là pour faire du tourisme

Avec un léger sourire qui m'amadouerait presque il me répond:
-Non mais ça fait longtemps

Je secoue la tête et on continue jusqu'à atteindre le balcon en pierre. On regarde par terre pour voir si il y a quelque chose. Mais comme dans les autres endroits, rien. Je dis à Elias:
-Y'a rien, même pas de mégots de cigarette

Il me dit:
-Peut-être que la police les a pris

Je réponds:
-Oui, on fait sûrement tout ça pour rien. Vu qu'ils ont ratissé l'endroit

Cette fois c'est moi qui essaie de profiter de la vue mais mon vertige me fait reculer. J'ai cette relation d'animosité et d'amour envers les hauteurs. Elias s'approche et demande:
-Tu vas bien?

Je me concentre et répond:
-C'est juste le vertige, on y va

On arrive à un point où il y a une sorte de chemin en pierre étroit contre le mur, et le reste c'est le vide. Enfin presque. C'est des lignes en métal formant un quadrillage bizarre, au dessus de ce qui ressemble aux gros machins qui tournent sur les camions, qu'on trouve dans les chantiers. Mais ils sont tournés vers le ciel comme des bouches béantes. Si on va là-bas c'est soit le sol soit ces trucs si on tombe. Justement Elias me dit sur un ton ferme inhabituel:
-N'y penses même pas

Je lui réponds:
-Et s'il y avait un truc?

Il me tire vers lui, plante son regard dans le mien et me dit:
-Y'a rien là-bas, t'es juste curieuse. Fais pas l'idiote steuplé. Je veux pas qu'il t'arrive un truc

J'hoche la tête et lui répond doucement:
-Ok

On tombe sur une sorte de balcon bizarrement connecté à en bas par des tubes de métal moyens mais il y a un grand espace entre un des derniers tubes du balcon allant vers la gauche et "l'échelle" à côté qui va vers le bas.
Entre les deux il y a une barre horizontale.
Je dis à Elias:
-On y va

Il me répond:
-C'est trop dangereux

Je réplique:
-C'est plus sûr que l'échelle géante non?

Il me répond en pointant le côté du balcon:
-T'as besoin d'un truc à tenir pour aller du truc là

Il montre l'échelle:
-À là

Il indique à nouveau les deux et me confirme:
-Y'a un trou et t'es trop petite et y'a pas de moyen pour que je t'aide à le traverser

Je répond de la façon la plus rassurante possible, même si je ne le sais pas moi-même:
-Je vais y arriver avec mes bras, y'a la barre là-bas

Il me fixe un bon moment et soupire avant de me dire:
-T'attends que je sois en bas

J'hoche la tête et il y va. Il arrive en bas assez vite et me crie:
-Fais attention!

Je réponds:
-T'inquiète!

Une fois au moment décisif je regarde ma cible. Le challenge c'est passer l'espace rapidement avant que mon poids, me fasse me balancer dans le vide trop longtemps. J'ai pas les bras pour tenir longtemps comme ça si j'échoue à passer. Je prie intérieurement, pour ne pas faire de la vie d'Elias un enfer en tombant. J'ai réussi putain! Je m'accroche au métal un bon moment pour laisser sortir un soupir de soulagement, et murmurer:
-Merci

Depuis le bas j'entends Elias crier:
-Inerita?!

Je lui réponds:
-J'arrive!

Je touche à peine le sol qu'il me prend dans ses bras et je suis enivrée par lui et son parfum aussi frais que cette nuit. Il me lâche et dit en reculant:
-Désolé...mais tu m'a fait peur

Je bredouille:
-Oui...vi...je...je suis vivante
En marchant pour sortir de l'usine on tombe sur des escaliers en métal, Elias s'exclame:
-Putain, sérieusement?!

Je ris et on continue. Une fois dehors on tombe pile sur la scène de crime et je recule choquée. Il prend ma main puis dit désole:
-On a rien trouvé

Je détourne les yeux pour le regarder et le contredis:
-Si, elle est pas tombée et on l'a pas poussé

Je m'approche doucement en tremblant et Elias me dit:
-Inerita

Je confirme:
-Y'a pas de traces comme si on l'avait traîné loin...mais c'est le bordel avec le gravier. Là devant le poteau, y'a des petits tas

Elias me rejoint et ajoute son faisceau au mien, il dit:
-Y'a pas de sang on dirait

Il commente pour nous deux:
-On dirait presque qu'il s'est rien passé

Je dis doucement:
-Oui

On a brouillé nos empreintes en quittant l'endroit où Sun s'est éteinte.

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