Sweat, cute & sexy - Johanne Millot

Anne #26

Après une année universitaire ratée en Gestion des Entreprises, elle admit enfin que je n'avais aucun intérêt pour les affaires. Elle se mit alors en tête de me trouver un mari, de mon rang et si possible d'une grande école de commerce qui pourrait, à mes côtés, faire perdurer la maison de couture familiale. Julian était le candidat idéal, il était le gendre rêvé : beau, riche, élégant et surtout promis à une brillante carrière de dirigeant. Sans vraiment avoir notre mot à dire, nous nous retrouvâmes fiancés à vingt ans. J'avais toujours été docile. J'avais naturellement fait ce que l'on attendait de moi. Ma vie était programmée de la sorte, c'était devenu une évidence.

N'ayant jamais été attirée par un autre homme, j'en avais déduit que l'amour découlerait de notre amitié et que les années feraient leur travail. Nous apparaissions comme le couple parfait lors des fêtes importantes, mais nous n'étions pas proches. Cette situation me convenait, ma vie à l'université était enrichissante. Je n'avais qu'à soigner les apparences à quelques occasions. C'était le prix de ma liberté.

J'avais été naïve de croire que cela continuerait après notre mariage. Mariage qui avait eu lieu quand j'avais vingt-deux ans, j'étais alors encore étudiante en licence de Lettres. Après quelques mois, ma mère m'annonça avoir un cancer. Je compris mieux à cet instant l'énergie qu'elle avait déployée pour précipiter la cérémonie. J'avais toujours pensé qu'elle avait voulu me protéger. Je n'étais pas prête à être seule. Elle était morte un an plus tard. Encore aujourd'hui, j'avais du mal à lui en vouloir.

À l'âge de vingt-huit ans, j'étais pourtant seule dans ce duplex de deux cents mètres carrés que je détestais. Tout ici me semblait froid, vide et étranger. J'en utilisais à peine un tiers de la surface. Je ne montais jamais à l'étage et ne dormais même pas dans l'une des quatre chambres. Je vivais en grande partie dans le grand salon où je passais mes nuits, sur le canapé. J'avais aménagé un bureau et un mur en bibliothèque pour assouvir mes deux passions : la lecture et la mode. Mes parents m'avaient transmis leur goût pour les belles pièces. Je ne recevais personne et préférais sortir pour voir mes amis.