CHAPITRE I: LA NOUVELLE

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Moi qui pensais que cette journée ne pouvait pas être plus catastrophique... Je suis en retard au travail et impossible de mettre la main sur mes clés de voiture. Comment est-ce possible de perdre un trousseau aussi énorme, rempli de porte-clés à l'effigie des Avengers ? Je descends les escaliers à toute vitesse et fonce dans le salon pour voir si je ne les ai pas laissées sur la coiffeuse. Par chance, elles y sont. J'embrasse ma mère sur la joue et presse le pas pour ne pas être encore plus en retard que je le suis déjà.

Il fait une chaleur accablante aujourd'hui. J'arrive à peine à poser les mains sur le volant, et le cuir brûle mes cuisses. La climatisation ne fonctionne plus et les fenêtres ne s'ouvrent qu'à moitié. Mon salaire de serveuse ne me permet pas de m'acheter une nouvelle voiture, ni même de la réparer correctement. La majeure partie de mes revenus part dans les factures de la maison, pour aider ma mère, ou pour subvenir aux besoins de ma petite sœur et mon petit frère. Je ne me suis pas acheté de nouveaux vêtements depuis des années et je porte encore cette vieille robe noire du lycée.

Après avoir survécu à la fournaise qu'est ma voiture, je cours dans les vestiaires, dépose mes affaires et enfile mon tablier. Mes cheveux sont en bataille, mes joues aussi rouges qu'un camion de pompier, et je viens juste de remarquer que mes collants sont effilés. Cette journée commence à peine et je veux déjà qu'elle se termine. Le seul point positif, c'est que ma meilleure amie est là. Je reconnaîtrais sa chevelure rousse entre mille.

— Tu as une sale tête, toi, dit-elle en fronçant les sourcils.

Je m'avance pour la prendre dans mes bras. J'avais vraiment besoin d'un câlin.

— Dure matinée ? me demande Steph, un sourire moqueur aux lèvres en désignant mes collants abîmés.

Je lève les yeux au ciel avant de répondre :

— Laisse tomber. J'ai raté mon réveil, je ne trouvais plus mes clés, je n'ai même pas eu le temps de boire un café. Et tu sais comment je suis sans ma dose de caféine... dis-je d'un ton blasé, ce qui la fait rire.

Il est à peine 8h30, et la file devant le café s'étend déjà jusqu'à la moitié du trottoir. Je suis ravie de fournir aux clients la dose de caféine qui me manque cruellement. Nous faisons signe aux gens d'avancer et commençons notre service. Les premières heures passent rapidement, et l'horloge affiche déjà dix heures. Il est enfin temps pour moi de faire une pause-café et cigarette.

Je prends mon gobelet en carton rempli de la meilleure invention du monde : le cappuccino au caramel. Je m'installe dehors, sous le soleil, et prends une grande gorgée de cette délicieuse boisson. Je ne sais pas si c'est parce que j'en avais vraiment besoin, mais chaque gorgée me donne l'impression de recevoir une piqûre d'adrénaline. Je glisse une cigarette entre mes lèvres et l'allume. La nicotine envahit doucement mon corps, pour mon plus grand plaisir.

Je ne fume qu'au travail ou en soirée. Personne ne le sait à la maison, et c'est sûrement mieux ainsi. Mon père est farouchement anti-tabac, et je n'ai aucune envie d'entendre ses sermons interminables. En général, je laisse mon paquet de cigarettes et mon briquet dans ma voiture pour ne pas courir le risque que les deux petits monstres de la maison les trouvent. Ma mère, quant à elle, souffre d'un cancer du sein et a déjà du mal à respirer, inutile de lui rajouter un nuage de fumée en plus.

À 18 ans, juste après avoir eu mon diplôme, ma mère a commencé à être malade. J'ai trouvé ce boulot pour aider mes parents à payer le traitement et les factures de la maison. Le seul point positif, c'est que je passe plus de temps avec Aiden et Lily depuis que j'ai quitté mon appartement. Lily et Aiden ont sept ans, et ils sont comme mes propres enfants. Si je travaille aussi dur, c'est principalement pour eux. Je veux qu'ils aient une enfance heureuse, qu'ils aient tout ce que je n'ai pas pu avoir.

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