REVENGE ME

19.

Rosália

Les mûrs de l'immeuble que je pensais assez large pour comporter toute la ville sont misérablement petits à cet instant. Essoufflée j'avance en me tenant aux parois glaciales qui tiennent le building encore debout, je sens mon corps partir n'ayant plus aucun contrôle sur ce dernier. Je savais que la terre tournait, cela à été scientifiquement prouvé, mais je suis certaine que les mûrs, eux, ne devraient pas bouger autant. Ma vue est floue, le monde qui m'entoure devient un art abstrait où plus rien n'a de sens.

En arrivant devant ma porte je tente de reprendre ma respiration afin de paraître le plus calme possible devant mes géniteurs, mais la peur que je ressens à leur égard est bien trop puissante. Je ne comprendrais jamais l'importance que ma mère porte à cet homme, il l'a violenté, vendu comme une moins que rien pour de l'argent et fait de son corps un jouet pour ses clients. Il m'a arraché mon innocence et m'a accablé d'injure pendant des années car j'étais une femme et non l'homme qu'il aurait aimé que je devienne.

D'une main tremblante, je pousse la porte d'entrée. Un haut au cœur je positionne ma main sur ma poitrine, mes larmes redoublent lorsque je vois ma meilleure amie accroupie au sol la bouche recouverte d'un scotch cachant l'entièreté de ses lèvres. Ses mains sont ligotées derrière son dos, son visage humide me brise un peu plus l'organe vital lorsque je sens son regard de détresse sur moi. Yoona ne s'agenouille jamais devant autrui, mais lorsque j'aperçois la goutte de sang se frayer un mince chemin du haut de sa tête, je réalise l'ampleur de la situation. Il l'a frappé. Comme il faisait avec ma mère, comme il le faisait avec moi. Un acte aussi barbare fait sur un être cher afin de m'atteindre moi.

J'ai encore échoué.

Ces putains de promesses que je n'arrive jamais à tenir. Pourquoi je m'obstine à promettre le bonheur de mes proches, alors que s'approcher de moi est comme pactiser avec le diable ? Je referme la porte derrière moi au risque que quelqu'un voit la scène et empire la situation. Me voilà huit ans en arrière, je garde le silence car j'ai peur d'être sauvé. Après tout, quand vous voyez le nombre de femmes qui appellent à l'aide sur leur situation mais que personne ne prend la peine de les écouter. Ce sont des cris muets, des larmes silencieuses, une douleur négligée de la part des autres.

Nous attendons que quelqu'un perde la vie pour réaliser la gravité de la situation. Révoltant, n'est-ce pas ? Pourtant je n'ai jamais demandé d'aide et peut-être que si je l'avais fait, Yoona ne serait pas dans cette situation. Zacharia serait heureux et ses souvenirs intacts. Mais j'avais extrêmement peur... J'ai toujours extrêmement peur.

Tout est de ma faute.

–Pourquoi ne pas se joindre à nous, amor. La petite voix de ma mère résonne dans la pièce qui était autrefois plongée dans un profond silence.

Le corps tremblant, je m'avance vers eux. Il est pour moi inconcevable de mettre mon père en rogne alors que son arme est pointée sur la tempe de Yoona. Je fixe l'objet, inquiète car mon géniteur est capable du pire. Tuer n'est plus un secret pour cet homme à l'âme damnée. Tous mes sens sont en alerte, mon cerveau réfléchit automatiquement à une issue de secours mais je sais d'avance que c'est peine perdue. Je concentre mes pupilles sur celle de Yoona qui sont maintenant vers la moquette tachée de fines gouttes de sang... son sang.

J'espère qu'elle me regarde pour que je puisse la rassurer malgré la crainte de mourir qui me ronge. Lui montrer à travers mes iris que je mourrais pour sa sécurité et son bonheur. Sa vie avant la mienne. Mais rien, Yoona est ailleurs, totalement déconnectée de la réalité.

–Mi hija tu m'as sacrément mit dans une merde profonde, tu savais ça ? Crache mon géniteur furieux.

Je relève mon regard vers lui, perdue.