Blood is my lemonade

6. Le calme avant la tempête. -2 Myrtille

La présence de mon frère à nos côtés fait éclater la bulle que nous venons de créer de par notre échange. Un instant plus tôt, j'aurais pu suivre ce quasi inconnu n'importe où, s'il me l'avait demandé, sans remettre en question ses intentions. Maintenant, je suis sur mes gardes, à l'affût du moindre élément qui me paraitrait suspect. Je perçois de nouveau le rythme dynamique provenant de la salle de danse et la raison de ma présence sur ce parking me revient à l'esprit. Ma crise de panique. Il est indéniable que je me sens mieux, à mon plus grand étonnement. Je ne saurais dire si cela est dû aux exercices de relaxation ou à la présence impromptue de ce fameux Adrian.

— Allons profiter de la soirée ! déclare le blond avec entrain.

Crochetant mon auriculaire du sien, Jason capte mon attention pour tenter de lire en moi. Le sourcil froncé, il m'interroge silencieusement pour s'assurer que je me sens mieux. Je lui adresse un infime hochement de tête accompagné d'une ébauche de sourire. Il s'en contente avant de tourner les talons et de se précipiter à l'intérieur du bâtiment. Je ferme les yeux quelques secondes et pousse un profond soupir, rassemblant les bribes de courage que j'ai en moi pour me décider à faire la fête.

— Quand il faut y aller... marmonné-je.

Consciente que mon comportement n'est pas celui d'une étudiante lambda, je me tourne vers celui qui est resté à mes côtés. Pourvu qu'il n'ait rien remarqué, je suis déjà suffisamment mal à l'aise comme ça.

Je peux toujours rêver...

Lorsque j'ose l'affronter, je comprends qu'il n'a pas perdu une miette de mon comportement. La lueur de malice au fond de ses pupilles lui donne un air rieur. Mais en aucun cas je ne me sens jugée. Le sourire dont il ne se départit pas finit par avoir raison de moi. Les battements de mon cœur s'emballent et mon souffle s'accélère. Je pince les lèvres pour tenter de masquer mes symptômes mais c'est peine perdue. Je sens mes joues s'enflammer sans réussir à en déterminer la raison. Honte ? Gêne ? Timidité ? Autre ? J'arrive cependant à soutenir son regard et un sentiment de bien-être m'envahit. Léger au début, il s'intensifie jusqu'à ce qu'un rire franc et sonore s'échappe de mes lèvres. Quand mon euphorie retombe, la seule chose que je trouve à dire est "Merci."

— Merci ?

Son étonnement m'invite à m'ouvrir à lui. Je n'en ressens malgré tout pas le courage. Je me contente alors de répéter ces mots.

— Oui. Merci.
— Pour quoi ?

De ne pas me fuir ? De ne pas me trouver bizarre ? De m'avoir permis de dédramatiser cette soirée ? De me faire sentir spéciale ?

Plusieurs explications se bousculent dans ma tête, mais aucune d'entre elles ne me semble pertinente. Je préfère donc une réponse moins franche qui me permet de garder mes distances avec ce mec que je connais à peine.

— Honnêtement ? Je ne sais pas.
— Ouch... Tu n'es pas tendre avec mon égo.
— Je ne me fais pas trop de soucis pour lui, le taquiné-je en accompagnant mes mots d'un clin d'œil. Il devrait s'en remettre assez facilement.

Tout en me dirigeant vers les portes d'entrée, je me remémore ces derniers instants qui laissent à mes pensées un souffle d'insouciance. Ce type, que je trouvais méprisable la semaine dernière, m'apparait ce soir mystérieux et amical. Je commence à apprécier de plaisanter avec lui.

C'est le cœur léger que j'amorce l'ascension des marches. J'entends des pas claquer le carrelage dans mon dos. Le bruit précipité diffère des autres démarches plus alourdies des jeunes qui déambulent dans cet espace. Un sourire accroche mes lèvres quand je le devine à mes côtés. J'aime le fait de savoir qu'il est là sans avoir besoin de le voir. Le bien-être qu'il m'apporte se passe de paroles. Comme si le silence que nous partagions nous liait l'un à l'autre. Grâce à sa présence, je me sens ragaillardie. Prête à affronter cette soirée et les mauvais souvenirs qui menacent, à l'instar d'un ciel noirci de nuages, de se déverser sur moi.