4. Belette. -2 Myrtille

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Belette.

Ce surnom me donne envie de grogner et de sortir les griffes. Mais le sourire arrogant de ce mec me confirme qu'il n'attend que ça. Et il est hors de question que je lui fasse ce plaisir. Il ne mérite pas que je m'attarde sur sa personne.

— Allez, viens, Jo. Ne traînons pas par ici et allons faire ces photos.

En arrivant dans l'ancien entrepôt transformé en skatepark, je vais saluer Dimitri, l'entraîneur de Geoffroy.

— Bonjour Myrtille. Comment vas-tu ?

— Très bien. La rentrée s'est bien passée. Et toi ?

— Les vacances étaient chouettes. J'ai profité de notre périple dans les pays scandinaves pour trouver des contacts. J'ai deux ou trois personnes prêtes à venir pour des stages. J'ai hâte de finaliser les projets. Ça va être super intéressant.

— Génial ! C'est Jo' qui va être ravi. Il n'a pas lâché son skate des vacances.

— Ce petit est inarrêtable. Il était tellement fier de me montrer ses figures quand il est arrivé. S'il continue comme ça, il pourra bientôt se présenter aux tournois et compétitions.

Sur ces mots, nous nous retournons tous les deux pour regarder mon petit frère s'échauffer sur le half-pipe¹⁰. Je l'admire pour tout ce qu'il fait. Quand je le vois sur son skate, je l'imagine sans peine brandir la coupe de champion, mais je ne suis pas objective. En revanche, je n'ai d'autre choix que d'entendre les exclamations et les applaudissements de ceux qui s'arrêtent pour le regarder.

— Oui... Mais rien ne presse. Il est encore jeune.

— Tu sais comme moi que c'est à cet âge-là que tout se joue. Ne serait-ce que le laisser approcher par des sponsors.

Dimitri a déjà abordé le sujet avec mes parents. Geoffroy aurait pu avoir l'opportunité de se faire remarquer cet été, mais j'ai convaincu ma mère d'attendre encore quelques années. Dans le monde du sport, j'ai eu l'occasion d'interviewer des enfants prodiges devenus de purs produits de marketing et je ne veux pas ça pour mon frère. Subir une pression constante pour être toujours plus performant, mettre sa scolarité au second plan, s'éloigner de sa famille, n'être entouré que d'adultes qui sont tous plus intéressés les uns que les autres.

— On a le temps pour tout ça. Il est inutile de lui donner de faux espoirs. Il vaut mieux y aller molo sur les pronostics. Et je n'ai pas envie qu'il arrive à Jo ce qui est arrivé à Jason.

Sur ces mots, je sors mon appareil photo de sa sacoche, ce qui clot notre discussion. Si j'étais honnête, j'avouerais que mes inquiétudes ne sont pas justifiées. Si son concurrent n'avait pas trafiqué son surf, Jason n'aurait jamais eu son accident. Il aurait une jambe opérationnelle et il n'aurait pas eu à renoncer à ses rêves. Mais c'est aussi la signature de son contrat pour cette publicité qui a créé ces jalousies avec ses camarades. Et c'est un traumatisme encore bien trop présent dans ma mémoire pour ne pas le prendre en compte dans les choix qui sont faits pour Geoffroy.

Je m'installe sur le bas de la rampe et je commence à mitrailler. Je varie les angles de prises de vue pendant que ma petite star des skateparks répète inlassablement ses enchaînements. Parfois, son entraîneur lui adresse un conseil sur sa posture ou sa réception. Le sourire qu'il m'adresse à chaque passage devant moi vaut tout l'or du monde.

— Bravo Moustique !

La voix de Jason dans mon dos me fait sursauter.

— Ça fait longtemps que tu es là ?

— Trois bonnes minutes. Les gars ont terminé de préparer leur sangria. Ils rangent leur barda et ils arrivent.

— Ah oui ?

Blood is my lemonadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant