Chapitre 11

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 Le trajet jusqu'à Paris est totalement flou. Je me souviens simplement avoir pris le côté fenêtre, avoir rabattu la capuche du sweat-shirt de Charles sur ma tête et m'être coupé de tout. Mon cerveau a mis le monde en pause autour de moi, comme s'il avait activé un mode de protection qui me permettrait de souffler un moment. Écouteurs dans les oreilles, j'ai simplement fait défiler les musiques contenues dans mon vieil MP3, les paupières closes et la tête contre la vitre.

Je pousse la porte de la chambre dans laquelle nous avons dormi vendredi soir et récupère le reste de mes affaires. C'est alors que Sohan se plante devant moi et désigne mes oreilles. Je retire mes écouteurs avec regret, détestant aussitôt la vie et sa réalité qui reprennent leur cours.

— Ils l'ont bien pris, me rassure Sohan. Tout le monde s'en fiche, ici, que tu sois gay.

Mes traits se ferment un peu plus. Peut-être, mais c'était mon choix d'attendre avant de leur dire, ou non. Lui comme moi, nous savons que là où nous allons, nous ne rencontrerons pas autant de bienveillance. C'est bien pour ça que nous nous sommes toujours cachés.

J'ai mal à la tête et j'ai envie de dormir. Non pas que je sois fatigué, mais je veux simplement fermer les yeux et sombrer, que tout s'arrête pour quelques heures.

La sonnette retentit dans la grande maison et je descends, mon meilleur ami sur les talons, pour accueillir Soraya. Constance l'a faite entrer dans le salon, elle semble inquiète.

— Je suis désolée, mon grand, souffle-t-elle en me serrant dans ses bras.

Plus que des excuses formelles, je sens une immense sincérité qui me broie le cœur. Les larmes me montent aux yeux lorsque je remarque qu'elle-même se retient de pleurer.

— Sohan, va m'attendre dans la voiture, ton père t'attend.

— Hein ? Non. Pourquoi ?

— Ne commence pas, le réprimande sa mère.

Mon meilleur ami soupire et me prend mon sac des mains pour le charger dans le coffre. Cependant, sa mère le retient par le bras.

— Aloyse ne peut pas venir avec nous, mon chéri.

L'entendre prononcer ce prénom me fait l'effet d'une gifle. Quand c'est les autres, ça va. C'est comme un surnom donné par de nouveaux amis qui ne me connaissent pas encore très bien. Là, c'est différent...

— Et pourquoi ça ? se braque Sohan.

— C'est un peu compliqué avec certains voisins, dans le quartier et à la salle de sport. Je... Je ne veux pas qu'il soit blessé.

Ça lui coûte d'avouer qu'elle ne peut pas me protéger, je l'entends, le ressens. Ont-ils reçu des insultes ou des menaces ? Été victimes de violence ?

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demandé-je d'une petite voix.

— Rien de grave ne t'en fais pas. Mais je ne veux pas que te retrouves confronté à des personnes qui te veulent du mal ou qui pensent du mal de toi.

Je baisse les yeux, incapable de soutenir plus longtemps le regard Sohan, empli d'effroi et de révolte. J'espère qu'il ne fera pas de bêtise, ne dira rien sous l'impulsion de la colère. Soraya embrasse mes deux joues et Sohan me serre contre lui.

— Tu connais mon numéro, tu m'appelles quand tu veux, me murmure-t-il à l'oreille.

— Je t'ai ramené ta valise pour que tu aies un peu plus d'affaires.

Le hoche la tête, incapable de parler tant ma gorge est nouée. Je les suis jusqu'au pas de la porte, les regarde monter dans la voiture. Samir ne m'adresse ni signe ni regard, il démarre dès que sa famille a fermé les portières et je ne peux que les regarder s'éloigner.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant