Chapitre 8

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 — On est arrivé.

La voix de Diego me tire du sommeil et je m'éveille dans un sursaut lorsque les mots prennent sens. Je cligne des paupières, hagard, comme pris sur le fait. Je ne me suis pas senti partir. J'ai pourtant lutté pour garder les yeux ouverts, mais les quatre heures de route ont eu raison de moi. Cette première nuit dans la grande demeure n'a pas été un franc succès, j'ai été incapable de m'endormir. Même le souffle de Sohan à mes côtés n'a pas su m'apaiser assez. J'ai eu la sensation de ressentir la grandeur de la pièce toute la nuit, toute l'épaisseur du noir qui m'entourait, le bruit du vide... Je ne sais pas réellement le décrire, mais je me suis senti minuscule et isolé dans cette peur irrationnelle. J'ai passé une partie de la nuit presque paralysé, à tendre l'oreille en tentant de rendre ma respiration la plus silencieuse possible pour ne pas qu'elle se perde en échos dans le vide qui me faisait face.

Le réveil à six heures a été une sorte de délivrance, surtout le moment où j'ai pu ouvrir les volets et éclairer la chambre. Le lever s'est fait dans un calme soumis à la fatigue. Heureusement, les petits yeux de Charles, Loris et Sohan témoignaient aussi d'une nuit peu reposante. Constance nous a préparé des collations pour la route et a partagé un café avec nous avant l'arrivée de Diego. Mon double et son meilleur ami paraissaient excités, à la fois par la destination que par la perspective d'en garder le secret. C'est donc dans l'ignorance la plus totale que nous sommes montés dans la Mercedes aux vitres tintées.

Je plisse les yeux pour les protéger du soleil aveuglant qui pénètre dans le véhicule lorsque Loris ouvre la portière et sort à sa suite, le cœur battant d'anticipation. Ce parfum... Ces cris dans le ciel...

— C'est la mer !

Je me tourne vers Sohan, le sourire aux lèvres, avant de reporter mon attention sur le lointain. Mes pas me conduisent vers la rambarde de sécurité qui parcoure la digue, j'y pose mes mains tremblantes et admire l'eau qui s'étend à perte de vue, scintillant sous le soleil. J'inspire les embruns, ferme les yeux quelques secondes pour apprécier la caresse du vent.

Je ne suis venu que deux fois en vacances au bord de la mer. La première fois, je devais avoir six ou sept ans. Le seconde et dernière fois, c'était avant ma rentrée au collège. Je retrouve avec un plaisir infini le chant des mouettes et goélands couplé à celui des vagues qui s'échouent sur le rivage.

Je me tourne à nouveau vers Sohan, qui m'a rejoint, et tout se mélange dans ma tête. Je suis incapable de dire quelque chose d'intelligent ou de cohérent, alors je me répète :

— C'est la mer !

— Oui, je la vois, pouffe Sohan.

C'est la mer.

Je ne pense plus qu'à enfoncer mes pieds dans le sable, courir jusqu'à l'eau qui, à cet instant, m'inspire un sentiment de liberté, et me laisser porter par le vent.

Une main s'écrase doucement sur ma tête et je lève les mains pour rajuster la casquette que Diego dépose dessus. Je mets les lunettes de soleil qu'il me tend sans vraiment comprendre. L'acteur passe un bras autour des épaules de son fils et nous adresse un sourire qui me trouble. Tous les deux portes également un couvre-chef et des lunettes et, à cet instant, leur ressemblance est frappante.

— On a le temps de déposer les affaires à la maison avant d'aller déjeuner, annonce Diego.

Il attrape son sac dans le coffre de la voiture, nous distribue les nôtres et se dirige vers la maison près de laquelle est garée la voiture. Je passe le portail, bouche-bée devant la villa qui se dresse devant moi. Dans la vieille pierre, juste au-dessus de la porte d'entrée, sont gravés les mots « Mouez ar Mor ».

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant