Chapitre 7

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Assis sur la chaise de bureau poussée dans un angle de la chambre, j'observe cette pièce ridiculement grande. Heureusement, le silence est chassé par les bruits de frottement de la brosse à dents de Sohan. Tout cela me semble encore irréel. Mes doigts tapotent nerveusement le bureau vide, à l'exception d'une lampe noire au design original et d'une petite télécommande. C'est Sohan qui a trouvé cette dernière sur une table de chevet et l'a testée et espérant voir une télévision à écran plat sortir du mur. Seuls les volets roulants électriques se sont abaissés dans un silence parfait, mais ça nous a quand même un peu impressionnés, au fond.

Machinalement, je me masse la mâchoire. Il y a quelques années, la manivelle défectueuse du volet de ma chambre m'a échappé des mains et le mécanisme s'est emballé, me frappant au visage. Le rideau est descendu d'un coup dans un craquement sourd et, depuis, il faut que j'ouvre la fenêtre pour l'aider à remonter en le maintenant sous un livre le temps de mouliner. Revoir cette scène m'arrache un sourire qui tremble bien vite, tandis que ma vision se floute.

Je secoue aussitôt la tête et me lève d'un bond, cherchant du regard quelque chose pour m'occuper l'esprit. C'est idiot, je ne peux pas craquer pour ça.

Des coups discrets contre la porte me font tressaillir. Je me raidit, incertain, et jette un coup d'œil en direction de la salle de bain entrouverte, comme si Sohan allait pouvoir m'aider. Constance nous a souhaité bonne nuit vingt minutes plus tôt. A-t-elle oublié quelque chose ? Vient-elle vérifier que tout va bien ?

J'ouvre finalement et me fige sous mon reflet. Charles semble aussi pris de court que moi, alors même que c'est lui qui est venu. Il porte un t-shirt et un short larges de sport en guise de pyjama, comme moi, à la différence que les siens sont d'un blanc impeccable et arborent le logo d'une célèbre marque. Mes joues s'échauffent quand je le vois baisser les yeux sur mon haut rouge délavé.

— Salut, souffle-t-il en passant une main nerveuse dans ses cheveux.

— Salut.

Je jette un nouveau coup d'œil rapide par-dessus mon épaule, nerveux. Sur le pas de la porte de la salle de bain, Sohan m'observe d'un air interrogateur, mais je lui fais signe que tout va bien.

Ai-je oublié ou fait quelque chose ? Je le vois changer d'appui, triturer son haut. Soudain, un peu plus loin, apparaît la tête de Loris dans l'entrebâillement de sa chambre. Charles semble instantanément reprendre contenance, il se redresse en souriant.

— On allait commencer un Mario Party, ça vous dit ?

Mon cœur s'emballe et mon regard dévie une seconde en direction des escaliers menant au salon. Le couloir est sombre, seulement éclairé par nos chambres ouvertes, et silencieux. Diego est rentré passer la nuit à son hôtel, Constance nous a recommandé d'aller nous coucher afin d'être en forme demain. J'ai la désagréable sensation de désobéir, de faire quelque chose de mal, mais comment faire autrement ? Quelque chose s'est allumé dans ma poitrine et enfle doucement.

— Oui, carrément.

Fébrile, j'adresse un signe à Sohan pour qu'il vienne et nous suivons Charles. C'est la première fois qu'il me propose ce genre de chose, une activité entre frères. Enfin, Sohan et Loris sont présents, mais pour une fois nous nous retrouvons sans ses parents et il a fait le premier pas.

La lumière principale de la pièce est éteinte, mais des guirlandes lumineuses traversent chacun des murs. Son lit a été fait à la va-vite, des mangas s'entassent en pile sur sa table de chevet, des feuilles de cours ont été abandonnées sur le bureau près d'un livre d'Histoire et une pile de linge sur la chaise attend probablement d'être rangée. Cette chambre est vivante. Des posters et affiches de films décorent les murs, ainsi que des photographies que je n'ose pas regarder de trop près, des tickets de cinéma, de concert, d'avions. Des bouts de sa vie que je meurs d'envie de découvrir.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant