Chapitre 12

330 59 22
                                    

La porte d'entrée s'ouvre et je bondis sur mes pieds, le cœur battant. Chopper a déjà filé en remuant tellement la queue que tout son corps se dandine. Les voix de Charles et Loris qui saluent la chienne éloignent le silence que même la télévision ne parvient pas à réellement couvrir. Une partie du poids qui pèse sur mes épaules s'enlève.

Les journées passent et se ressemblent, d'un ennui mortel et d'une angoisse permanente. Je tourne en rond, peu familier des lieux et empêtré dans la peau d'un étranger. Les deux premiers jours, je n'ai quitté la chambre que pour le déjeuner. J'ai essayé de lire, de rattraper mes cours et même de dessiner, sans réel succès. Ça va désormais faire trois jours que j'ose descendre dans le salon pour allumer la télévision et parcourir les programmes que Charles m'a montrés sur Netflix. Néanmoins, je n'ai jamais été friand des écrans.

Heureusement, Chopper est là pour me tenir compagnie. Je lui lance inlassablement la balle dans le jardin, il ne semble jamais se fatiguer de ce jeu et ça me vide la tête. Il y a juste lui et moi, le soleil et les fleurs de Constance. Et j'attends. J'attends que Charles rentre en compagnie de Loris pour enfin dire adieu à cette solitude pesante.

Enfin, il y a Taylor, mais il n'est pas vraiment bavard. Taylor est une sorte de garde du corps, chauffeur, baby-sitter. D'après ce que j'ai compris, il amène Charles au lycée, le ramène et reste avec lui jusqu'au retour de Constance. Comme je suis contraint de rester ici, il y passe désormais ses journées. La plupart du temps, il est dans le bureau du bas, dont la fenêtre donne sur le portail de la propriété.

- Salut !

Charles se débarrasse de ses chaussures d'un mouvement de pieds et abandonne son sac par terre. Il me rejoint dans le salon et pose sa veste sur le dossier du canapé. Bien plus mesuré, Loris suspend la sienne au portemanteaux et aligne ses baskets blanches dans un coin de l'entrée.

Comme tous les jours lorsqu'il rentre, Charles rayonne. Son regard pétille, son sourire s'allonge. Je crois qu'il aime le fait que je sois là.

- Salut.

Je jette un coup d'œil à la télévision, dont l'image est figée sur une série. Comme si je passais du bon temps tout seul dans cette grande maison. Comme si je n'attendais pas leur retour depuis des heures.

- Trop bien, tu regardes Stranger Things ! Tu aimes ?

- Oui, je comprends pourquoi ça a autant de succès.

- On a passé des soirées entières devant avec Olympe.

Charles passe devant moi pour rejoindre la cuisine, Loris sur les talons. Ce dernier me sourit et je le lui rends timidement. Je n'avais jamais vu un sourire comme le sien : il creuse une fossette seulement sur sa joue gauche. C'est comme un sourire en coin qui lui donne un air malicieux, surtout lorsqu'il penche légèrement la tête sur le côté. Avec ses cheveux blonds vénitiens et ses canines pointues, il me fait penser à un renard.

- Ça va ? me demande-t-il au passage.

- Oui. Et toi ?

J'ai l'impression que ma voix n'est pas la même. Aujourd'hui, il a mis des lentilles de couleur verte.

- Nickel, enfin le week-end ! Par contre, on a beaucoup trop de devoirs. Sérieux, avec le bac de français qui arrive, les profs n'ont pas été sympas.

Je les suis dans la cuisine en les écoutant se plaindre et les aide à sortir de quoi se faire une collation. Je sors les pâtes à tartiner : noisette pour Charles, beurre de cacahuète pour Loris. Le premier préfère faire griller son pain, l'autre le préfère moelleux.

Comme tous les jours depuis le début de la semaine, je les écoute parler de leur groupe d'amis, de leurs professeurs et de tout un tas de personnes qui me sont inconnues, mais ils prennent toujours le temps de me préciser qui est qui. D'après ce que j'ai pu comprendre, leur duo est complété par trois autres personnes : Olympe, la petite amie de Charles, Eugénie sa meilleure amie, et Swan.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant