Chapitre 15

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Maman prend ça, ça l'aide à dormir.

Je m'enfonce dans cette noirceur bienvenue. Celle-ci n'est pas effrayante, ni menaçante, simplement reposante. C'est le royaume du sommeil léger et sans rêve, sans angoisse, sans peur ni complication. Simplement un petit espace accueillant, hermétique au reste. Une parenthèse, une pause pour souffler. Je crois que j'en avais besoin. Désespérément besoin.

Des pas feutrés.

Des draps qui se froissent.

Je m'accroche aux bras de Morphée.

Des doigts légers contre ma joue, sur mon front. Puis, plus rien.

Le matelas s'affaisse légèrement et je me tourne vers cette nouvelle source de chaleur. C'est viscéral, instinctif.

Ce n'est pas ma mère, elle n'est plus là.

Ce n'est pas Ilyès, il m'a quitté.

Ce n'est pas le parfum de Sohan.

C'est autre chose, inconnu, mais un brin familier. Qu'importe, ça réchauffe quand même. Mon cœur s'apaise un peu plus, se sécurise.

Tout va bien.

***

Mon corps est lourd et j'ai trop chaud, mais je suis trop bien pour bouger. Le sommeil s'accroche encore un peu, juste assez pour me laisser dans cet état entre le conscient et l'inconscient. Je ne sais pas exactement combien de temps ça dure, mais je pense que je pourrai rester ainsi une éternité.

Péniblement, je dégage une main afin de me frotter les yeux et bascule sur le dos. Quelle heure est-il ? Je me fige, mon cœur fait un bond dans ma poitrine, mais je suis bel et bien seul. La place à côté de moi est vide et froide. La lampe de chevet a été éteinte, mais mes volets ont légèrement été ouverts. Le soleil dessine des pointillés lumineux sur le sol et le pied du lit, chassant la pénombre.

Je m'étire, fronce les sourcils. Je me sens gauche et lent mais, surtout, reposé. Le tiraillement constant dans ma tête n'est plus là, mes muscles sont détendus et pour cause : ce matin, je ne me suis pas réveillé en sursaut. Les souvenirs de la veille commencent à refaire surface, mais je ferme étroitement les paupières, désireux de baigner encore un peu dans cet état d'apaisement.

Pense à autre chose.

Enveloppé dans la tiédeur de la chambre, ma peau se remémore soudain une étreinte rassurante, des bras sûrs, des doigts qui dévalent mon dos. Des iris verts. Quand je suis assez près et que j'arrive à le regarder dans les yeux, j'arrive à distinguer le contour de ses lentilles. Si je n'avais pas pris ce somnifère, aurais-je pu enfin voir de quelle couleur sont ses yeux ? A-t-il seulement dormi ici ?

Je passe le bout de mes doigts sur ma joue, troublé par une sensation fantôme, comme si quelque chose m'échappait.

Marron.

Ses iris sont marron, j'en suis presque certain : c'est la seule couleur qu'il ne met jamais. Peut-être noisette ? Quelque chose de chaleureux et pétillant, loin du tranchant de ses couleurs fantaisistes. Mes doigts frôlent l'arrière de ma tête, comme il l'a fait hier et j'attends d'être écrasé par une honte qui, de façon étrange, ne surgit pas.

La veille, mon corps a enfin appelé à l'aide et il était là pour l'entendre. Ils étaient là. Je ne sais pas s'ils ont vraiment compris, mais ils ne m'ont pas jugé. Enfin, je crois.

Comme c'était épuisant de faire semblant.

Le soleil dessine des pointillés sur le mur, qui dansent lorsque le vent souffle sur le feuillage des arbres. D'un mouvement paresseux, je roule sur le côté, enfouis mon visage dans le second oreiller pour chercher un peu de fraîcheur et là, ça me secoue. Elle est là, légère et discrète, mais bien présente : son odeur, celle que j'ai inspirée contre lui la veille.

Une cuillère et demie de chocolat en poudreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant