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Je me réveillai dans le lit où j'avais pris l'habitude de dormir. Une semaine déjà, comme le temps passe vite, pensais-je. Me levant, je décidai de prendre une douche. Je restai sous l'eau chaude et réconfortante pendant une bonne dizaine de minutes. Le stress d'arriver en retard n'était plus présent, Daniel m'avait habitué à son manque total de ponctualité. Après m'être nettoyée, je me maquillai légèrement et enfilai ma tenue traditionnelle : un short blanc accompagné d'un crop top vert sans bretelles. Pourquoi sans bretelles ? Je voulais éviter la marque de bronzage que toutes les filles détestent. Descendant les escaliers, je pris un verre de jus de fruits pressés. En passant, je croisai tantine qui était déjà réveillée. Plutôt rare la connaissant, elle passa le balai sur le sol semi-propre, semi-crasseux, et m'interpella :
- Ta mère m'appelle tous les jours pour te surveiller. Je comprends que tu ne veuilles pas en profiter. Ce tyran doit te faire peur.
- Elle pense à ma réussite, répondis-je gênée.
Tantine avait raison, mais je préférais protéger ma mère, par peur d'affronter la douleur que sa présence me procurait à longueur de temps. Croisant vaguement son regard, elle paraissait à la fois exaspérée et peinée pour moi. Avais-je le même sentiment qu'elle, ou vivais-je heureuse avec l'éducation stricte de ma mère ?
- La réussite n'est pas forcément liée à de longues études, à un mariage et à avoir un enfant, murmura-t-elle en baissant le regard, puis elle souffla.
J'ignorais ces propos, même si je les avais très bien entendus. Elle jeta un coup d'œil à ma réaction et saisit que j'évitais la discussion. Elle ne força pas le sujet et continua son ménage. Je mis mes sandales, pris mon tote-bag à l'insigne Clinton Bay que Daniel m'avait offert en guise de bienvenue, et quittai la maison.
- Bisous, tantine.
- À ce soir.Bon courage, ma puce, répondit-elle.
Je me dirigeai sur le ponton en direction de la côte de Clinton Bay, plongée dans mes pensées. Élie m'attendait vêtue d'une robe rose fuchsia et de Converses blanches. Elle me fit signe de la main pour me saluer, même si je l'avais aperçue de loin grâce à son bandeau rose vif. Nous avions décidé de faire le trajet ensemble chaque matin. Nos lieux de travail étaient à proximité, et nos horaires étaient assez similaires. Pendant nos marches matinales, nous échangions des commentaires sur les habitants et les vacanciers de Clinton Bay, tout en nous émerveillant devant le soleil illuminant l'étendue de sable. C'était devenu notre petit rituel, et nous éclations de rire régulièrement. Entre les vacanciers impolis, les enfants ingérables et les goûts étranges des habitants, nous avions matière à nous moquer. Cependant, ce matin-là, je n'étais pas d'humeur. Les reproches de tatie résonnaient dans ma tête. Mon esprit tournait autour de ses paroles : pourquoi était-elle si différente de maman ? J'avais besoin de me confier à quelqu'un, meme si cela pouvait être surprenant, cette personne de confiance était Élie :
- Élie, puis-je te poser une question ? demandai-je en la regardant, les yeux perdus dans un tourbillon de questionnements.
- Qu'est-ce qui ne va pas, ma puce ? répondit-elle avec un sourire insouciant et réconfortant.
- Comment définis-tu la réussite ?
Élie tourna son regard vers moi avec un sourire énigmatique. Je pensais qu'elle ne s'attendait pas à cela, mais cette question avait une grande importance pour moi. Elle prit quelques secondes à réfléchir, accompagnées du bruit de réflexion que tout le monde connaît : "hmmmm". Peut-être qu'elle n'en savait pas plus que moi sur ce sujet, peut-être qu'elle ne s'était jamais posé cette question. Après cette brève pensée, elle répondit : "Je crois que la réussite est une notion complexe et propre à chacun. Par exemple, ma mère rêvait d'être fleuriste, et elle a réussi. Quant à mon père, son rêve était d'avoir deux enfants, il les a eus et a réussi." La maturité de sa réponse me déstabilisa encore plus. Quel était mon rêve ? Avais-je un but ? Oui, c'était de devenir une avocate renommée ! Ou était-ce plutôt le rêve de mes parents ? Élie ne m'avait pas aidée, elle m'avait au contraire enfoncée encore plus profondément dans ce gouffre infernal. Ma respiration était saccadée, je me sentais stressée en pensant à tout cela, perturbée par les paroles de tantine.
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Clinton Bay
RomantizmRelly, à l'âge tendre de 17 ans, se voit expédiée par ses parents à Clinton Bay pendant les doux méandres de l'été. Sa mission ? Entamer son tout premier emploi, en prélude à son entrée imminente dans l'éminente école d'avocate. Toutefois, ce qu'ell...