Ernest se leva rapidement, prêt à en découdre tandis que Matthieu, au contraire, s'appuyait lourdement sur le lit. Des pas résonnaient dans l'habitacle, faisant frissonner le plus jeune. Il ne voulait pas y retourner. Être capturé signifiait sa fin. Il n'aurait plus aucune chance de partir, le Boss allait certainement ordonner qu'on l'enferme au sous-sol, dans une cellule. Au vu de la forteresse souterraine de laquelle il s'était échappé, il devait bien y en avoir quelques-unes. Et Raphaël n'aurait pas son mot à dire là-dessus et, même s'il prenait la peine de le défendre, il serait probablement sanctionné et le rejoindrai au cachot. Mais penser à cela était ridicule. En s'évadant, Matthieu avait déjà condamné son ami d'enfance à de lourdes sentences. A en croire ses sbires, il devait déjà être puni pour avoir épargné Ariel, Emeline et lui. Qu'avait-il subi ? Qu'allait-il subir ? La culpabilité et la peur enserrèrent la gorge de l'adolescent. Il avait déjà sacrifié Raphaël inutilement, il ne voulait pas que la mort du colonel Ernest s'ajoute au poids déjà terriblement pesant sur ses épaules.
_ Monsieur, commença-t-il d'une petite voix, vous devez vous cacher. S'ils vous voient... Ils vous tueront... Ils seront sans pitié, je ne veux pas avoir une énième mort sur la conscience alors partez, s'il vous plaît. Moi, ça ira... Ils me veulent vivant, je ne risque pas grand chose...
L'homme détourna le regard de la porte pour observer Matthieu. Devait-il jouer la carte du gentil militaire ou montrer sa véritable personnalité ? Celle qui prônait la victoire à tout prix. Celle qui était stimulée par une envie incontrôlable de voir ces merveilleuses créatures et ces génies de près. Celle qui était excitée à l'idée de découvrir à quel point l'homme peut être barbare, fou et indomptable. S'il voulait que l'enfant soit sous son emprise, il devait évidemment jouer les bons samaritains. Sans cela, comment pourrait-il participer au jeu que son adversaire avait démarré ?
_ Petit, je suis un militaire. Mon rôle est d'aider la population. Tu fais partie de la population, n'est-ce pas ? T'abandonner est contre mes principes. Si je venais à mourir, chose qui n'est pas prête d'arriver, ça ne serait aucunement ta faute. Passer l'arme à gauche en défendant mes valeurs, il n'y a pas mieux.
Matthieu écarquilla les yeux. Il n'y avait pas à dire, cet homme se révélait être le plus respectable qu'il ait jamais connu. Rien à voir avec son père. Lui n'était pas un lâche qui s'échappait dans son travail à l'autre bout du monde pour éviter de croiser son regard. Au contraire, il était prêt à donner sa vie pour le protéger. L'adolescent rata un battement de cœur. Il n'aurait jamais cru se sentir en sécurité auprès d'un homme adulte. Les deux seuls qu'il avait connus, son père et Aldric, étaient loin d'être des exemples à prendre. L'un abandonnait son fils parce qu'il n'avait pas compris ce qu'impliquait le mot « papa » en dehors de l'argent, et l'autre frappait le sien sans vergogne par pure colère d'avoir été trompé. Mais que peuvent faire des enfants à part encaisser, demander pardon et faire de leur mieux pour éviter les problèmes et satisfaire leur géniteur ? Il ne devait plus penser à ça, pour l'heure il fallait se concentrer sur la survie d'Ernest.
Les pas s'arrêtèrent devant la porte. Combien étaient-ils ? Au moins trois d'après ce qu'ils avaient pu entendre. Les intrus ne parlaient pas, ils n'en avaient pas besoin. L'un d'eux frappa à la porte doucement, l'ouvrant légèrement au passage. Ni Ernest ni Matthieu ne les invitèrent à pénétrer dans la pièce. Le plus jeune serra les poings et retint sa respiration tandis que le plus vieux mettait en joug l'entrée. La porte s'ouvrit lentement, faisant grincer les vieux gonds. Le bruit strident rappela à l'adolescent toutes les fois où il regardait des films d'horreur avec sa meilleure amie. Tous les deux recroquevillés dans le canapé, un coussin entre les bras et du pop-corne renversé à chaque sursaut. Pourra-t-il un jour revivre une telle soirée ?
Trois hommes vêtus de capes noires qui recouvrait la totalité de leur silhouette entrèrent dans la pièce. Aucun d'entre eux n'était armé. Était-ce un moyen de faire pression sur eux ? Ernest l'ignorait, mais il adorait ça. Ce culot.
_ Je ne me rappelle pas avoir invité qui que ce soit à entrer dans ma demeure, messieurs, lança-t-il, provocateur.
Allaient-ils lui répondre ? Le menacer ? L'attaquer ? Il n'avait pas ressenti une semblable tension depuis des lustres.
_ Il est vrai que nous vous avons légèrement forcé la main, commença l'un d'entre eux. Ceci dit, nous avons égaré une brebis et nous étions certains qu'elle serait ici. Nos... chiens de chasse ont suivi ses traces.
Joueurs ! Ils étaient joueurs ! Ernest jubilait.
_ Comment laisser une pauvre créature sans défense errer dans la nuit ? répondit-il, les yeux enflammés d'une allégresse perverse.
Celui qui avait répondu haussa les épaules. Il s'avança vers Matthieu mais se fit rapidement arrêté par le colonel qui plaqua son arme contre sa poitrine. Le terroriste pencha légèrement la tête en grimaçant. L'air malsain qui prônait sur le visage du militaire lui déplaisait. Prenait-il du plaisir à se faire menacer ? Était-il au courant que la Faucheuse serait dans la pièce dans peu de temps afin de récupérer son âme et l'envoyer en enfer ? Au vu de la passion qui occupait ses iris, il en doutait. Mais il n'avait pas de temps à perdre avec cet homme. Il avait une mission et devait l'accomplir le plus rapidement possible sous peine d'être de nouveau sanctionné.
_ Matt' ? On va vraiment devoir employer la force pour que tu viennes avec nous ? Tu sais... si tu nous suis tranquillement, j'ordonnerai qu'il soit exécuté rapidement, sans douleur.
L'intéressé se releva brutalement du lit, mortifié. Ils allaient vraiment le tuer.
_ Il ne sait rien ! Je n'ai rien dit, d'accord ? Alors...
Il s'arrêta de parler en voyant son vis-à-vis secouer lentement la tête. Pas de négociation. Ernest se mit à rire soudainement. Les trois terroristes et l'adolescent le regardèrent étrangement. Était-ce la peur de mourir qui le faisait réagir d'une telle manière ? Dans ce cas, pourquoi avait-il ce sourire aux lèvres ?
_ J'ai pas tellement envie de mourir, les gars. Dis-moi plutôt, dit-il au plus bavard en arrêtant son fou rire, tu ne serais pas Raphaël ? Celui qui a géré le groupe de terroristes au lycée Gaëlle Morneau. J'ai quelques questions à te poser au sujet de cette affaire. Tu es en état d'arrestation. Et tes copains aussi d'ailleurs.
L'inconnu ne répondit pas. Au lieu de cela, il agrippa le canon du fusil qui était toujours appuyé sur sa poitrine et le tira entre son bras et son torse, emportant avec lui le colonel qui perdit l'équilibre. L'homme se décala d'un pas sur le côté, attrapa le crâne d'Ernest et appuya dessus pour le faire tomber. Lorsqu'il se retrouva à terre, l'un des deux terroristes au pas de la porte s'empressa de grimper sur le dos du militaire, d'attraper son bras et de lui faire une clé de bras pour l'immobiliser. Ernest lâcha un râle, mais ne perdit en rien son enthousiasme. Au contraire, l'éclat dans ses yeux se fit plus dense. Des bruits de voitures et de tirs résonnèrent tout autour du châlet et, plus loin encore, retentissait l'échos du vacarme, faisant fuir toutes les bêtes nocturnes qui chassaient aux alentours.
Le troisième inconnu s'empressa d'aller voir ce qu'il se passait en regardant par la fenêtre de la pièce, passant par-dessus Ernest et devant Matthieu.
_ Merde, ce sont des militaires, il a dû appeler ses potes, dit-il d'une voix inquiète. Qu'est-ce qu'on fait ? Je crois qu'ils ont endormis les Inhumans et les Trackers. C'est possible ?
Celui qui semblait être le chef passa une main au-dessus de sa tête, inspirant profondément. Il regarda autour de lui mais ne répondit rien.
_ Raph' ? l'appela celui qui maintenait le colonel au sol. Respire, ça va aller, ok ? Réfléchis, il doit bien y avoir une solution, non ?
L'intéressé secoua la tête en mordillant sa lèvre inférieure.
_ S'ils les ont vraiment endormis, on ne va pas pouvoir partir. Et si on tire, ils tireront aussi.
Aucun ne répondit, seul le rire d'Ernest vibra dans l'air humide. Il avait gagné. Il avait capturé des monstres et leurs maîtres. Qui d'autre pouvait se vanter d'un tel mérite ? Personne, il était le pionnier.
_ Je ne peux pas échouer... Il va me tuer... murmura Raphaël, la voix tremblante.
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Les Êtres Parfaits
AdventureAvez-vous déjà entendu parler du mythe des êtres parfaits et des dieux ? Non ? Jamais ? Dans ce cas, laissez-moi vous le conter... Ariel, Emeline et Matthieu pensaient commencer une nouvelle journée qui contribuerai à leur quotidien passé...