Chapitre 4.1 : La ligne bleue

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Hayalee ne bougeait plus, le visage suspendu au-dessus de celui d'un garçon pas plus âgé qu'elle, ses yeux plantés dans les siens. Ou du moins dans l'unique œil qu'elle pouvait distinguer, l'autre ayant disparu sous de folles mèches de cheveux châtains. Un étrange frisson la parcourut du bas du dos jusqu'aux épaules.

Ce fut les bruits de course qui la ramenèrent à la réalité. Le racheté était déjà là, qui dévalait la pente, glissant et galopant tour à tour dans les feuilles mortes.

— Bouge ! gronda le garçon.

Il repoussa Hayalee, l'envoyant basculer sur les fesses, et bondit sur ses jambes. L'homme fonçait droit sur eux, son poignard à la main. Hayalee voulut se redresser mais le garçon la tira sans attendre et elle ne fit que s'emmêler les pieds. Elle tituba en arrière, parvint de justesse à conserver son équilibre.

Trop tard. L'homme était sur eux.

Abandonnant l'idée de fuir, le garçon écarta Hayalee in extremis et se jeta à la rencontre de leur assaillant. Hayalee trébucha, faillit tomber une nouvelle fois avant de se rattraper à un arbre. Lorsqu'elle releva le menton, le garçon était aux prises avec le racheté.

— Va-t-en ! hurla-t-il, tandis qu'il luttait pour lui arracher le poignard des mains.

Hayalee recula, tourna les talons et partit en courant. Elle entendit un grognement de douleur et jeta un œil en arrière. La dernière chose qu'elle vit fut l'homme qui projetait le garçon au sol. Les arbres se refermèrent sur eux et Hayalee se retrouva seule au milieu de la forêt.

Elle s'arrêta et se plaqua dos à un tronc, le souffle haletant.

Qu'est-ce qu'elle faisait ? Est-ce qu'elle pouvait vraiment s'enfuir et abandonner ce garçon ? Il venait de lui sauver la vie. Elle se mordit la lèvre. Que pouvait-elle faire ? Retourner à l'église chercher de l'aide ? Il y avait peu de chance que Mylina et Ludwig y soient déjà et le temps de trouver et convaincre de parfaits inconnus de l'aider, il serait trop tard. Mais Hayalee ne s'était jamais battue de sa vie, si elle y retournait seule, elle était sûre d'y rester.

Elle était sûre d'y rester et elle sentait la chaleur monter, irradier de son corps. Son front était brûlant, son cerveau de plus en plus douloureux. Elle ferma étroitement les yeux et serra les dents, en proie à l'hésitation. Ce garçon allait se faire tuer à cause d'elle... Elle avait déjà abandonné Matéis. Elle ne voulait pas être ce genre de personne.

Inspirant un grand coup, Hayalee rouvrit les yeux, quitta sa cachette et revint sur ses pas en priant Silfilar que le garçon ne soit pas déjà mort.

Elle n'était pas allée bien loin et fut de retour au bas du talus en un clin d'œil. Elle ralentit et se faufila entre les arbres avec le plus de discrétion possible. La surprise était sa meilleure chance.

Le racheté lui tournait le dos. À son grand soulagement, l'adolescent était toujours en un morceau, bien qu'en très mauvaise posture. L'homme l'avait plaqué contre un arbre, la lame de son poignard sur la gorge. Il ne semblait pas pressé de le tuer, mais avait au contraire engagé la conversation. Hayalee finit par percevoir ce qu'il disait :

— ... mon jour de chance. Ils doivent sérieusement être en manque d'effectifs pour faire appel à un gamin comme toi !

Hayalee hésita à foncer dans le tas, chercha quelque chose qui pourrait lui servir d'arme, un bâton ou... une pierre. Elle repéra une pierre grosse comme son poing. Elle s'en approcha à pas de maok, le dos courbé.

— Qu'est-ce que tu croyais pouvoir faire, tout seul, hein ? poursuivit le racheté.

— Qui a dit que j'étais seul ? riposta le garçon.

Derrière les Portes ~ I. Le Feu et l'ÂmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant