Hayalee traversa le canal, jeta un œil affolé par-dessus son épaule, bifurqua à gauche, puis sauta trois marches avant de repartir tout aussi vite. Les passants qu'elle manquait de bousculer lui lançaient des regards courroucés qu'elle ignorait autant que leurs protestations.
Elle avait profité de la diversion engendrée par l'arrivée d'une nouvelle patrouille de veilleurs pour prendre ses jambes à son cou. Abandonnant Matéis qui l'avait exhortée à partir. À présent elle n'avait qu'une idée en tête : mettre le plus de distance possible entre elle et cette rue.
Elle déboucha sur une large avenue bordée de colonnes et réalisa être de retour sur la voie du Ciel. N'ayant pas l'habitude de courir autant, elle ralentit et s'inséra dans le flot des passants en prenant machinalement la direction de sa maison. La tête basse et la respiration haletante, elle fit de son mieux pour se fondre dans la masse.
Hayalee n'était pas sûre de comprendre ce qui venait de se passer ni même pourquoi elle fuyait les veilleurs. Elle n'avait rien fait de répréhensible, pourtant... elle avait cet horrible pressentiment au creux du ventre. Elle referma ses bras sur sa poitrine pour étouffer les frissonnements qui la saisissaient, sans cesser de marcher.
Ce n'était pas la première fois qu'un incident étrange survenait alors qu'Hayalee se laissait submerger par l'émotion ; pas la première fois qu'elle se sentait gagnée par la fièvre. Ça arrivait lorsqu'elle était petite fille et piquait des crises de colère. Comme ce fameux jour où la ferme de ses grands-parents était partie en fumée. Elle en était sortie miraculeusement indemne, incapable d'expliquer ce qui s'était passé du haut de ses cinq ans. Aujourd'hui, elle ne s'expliquait pas plus ce qu'elle avait ressenti et vu.
Des veilleurs avaient été blessés. Brûlés. Comment ? Les regards terrifiés qui s'étaient braqués sur elle lui revinrent à l'esprit et son estomac se contracta si fort qu'elle faillit vomir. Et si les veilleurs s'imaginaient qu'elle était responsable ?
Et si elle était responsable ?
Hayalee dut s'arrêter et s'appuya au mur d'une taverne, prise de vertige. Les rires et les conversations, les hennissements des chevaux et les grincements des charrettes ; les gens qui allaient et venaient autour d'elle... tout ça lui paraissait étrangement irréel. Lointain.
— Eh, tout va comme tu veux ?
Elle releva le nez. Debout sous le porche de la taverne, un balai à la main, un homme la lorgnait d'un air inquiet. Hayalee s'empressa de lâcher le mur.
— Euh, oui. Oui oui, ça va très bien.
— Sûre ? T'as pas bonne mine. Tu veux venir t'asseoir à l'intérieur ?
Elle hocha la tête de gauche à droite.
— Merci, mais ça ira. Je vais bien, je suis juste... en retard. Il faut que j'y aille. Encore merci.
Hayalee fit de son mieux pour sourire et dépassa le brave homme d'un bon pas. Elle attendit d'avoir remonté un nouveau pâté de maisons avant d'oser regarder en arrière. Elle n'avait pas l'impression d'être suivie.
Elle inspira un grand coup et s'astreignit au calme. Elle se faisait des idées. C'était ridicule, comment aurait-elle pu être responsable des blessures des veilleurs ? Quelque chose avait dû lui échapper dans son malaise. Après tout, elle n'avait même pas vu ce qui s'était passé.
Elle avait déjà franchi le Quatrième Cercle et s'approchait à grands pas du Cinquième. Sa maison se trouvait sur le Neuvième Cercle, à mi-chemin entre le canal et la voie de la Vie. Il fallait qu'elle rentre chez elle. Qu'elle se fasse oublier. Qu'ils se décident ou non à lui demander des comptes, les veilleurs ne savaient pas qui elle était. Elle se mordit la lèvre.
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Derrière les Portes ~ I. Le Feu et l'Âme
FantasíaPaix, Justice, Vertu. Du haut de ses 15 ans, Hayalee a toujours cru aux valeurs défendues par la nation de Psamias. Le jour où elle se découvre de dangereux pouvoirs, elle comprend à quel prix s'est achetée la prospérité du pays : celui du sang. Tr...