Lorsqu'Hayalee rouvrit les paupières, l'eau était froide et elle avait perdu la notion du temps. Elle s'empressa de sortir du bain et attrapa la serviette qu'on lui avait fournie. Son regard tomba sur le bandage qui enserrait sa cuisse. Elle ne s'était pas souciée de le garder au sec et les bandelettes en tissu étaient imbibées d'eau. Mais elle n'avait presque plus mal. Elle décida de tout enlever.
Il n'y avait pas de blessure à l'avant de sa cuisse – la flèche n'avait pas traversé – et seulement une plaie en losange à l'arrière. La peau était rosâtre, et fripée après le temps qu'elle avait passé dans l'eau, mais déjà en bonne voie de cicatrisation. Hayalee ne sentait plus que des picotements et des tiraillements quand elle pliait et dépliait la jambe, mais la douleur ne la transperçait plus aussi profondément qu'à son réveil. Les soins d'Iltaïr avaient fait des merveilles.
L'esprit encore embué, elle se rhabilla, jeta serviette et bandages dans la panière en osier destinée à recueillir le linge sale et quitta la pièce. Elle redouta que Saru ait perdu patience et mis les voiles, mais elle le trouva assis dans le couloir, à même le sol. En la voyant émerger, il referma le livre qu'il lisait et se redressa d'un bond.
— T'as mis le temps, je commençais à me demander si tu t'étais pas noyée.
Il la lorgna avec un rien de crainte, l'air de ne plaisanter qu'à moitié. Il était le seul à ne pas lui avoir demandé comment elle allait. Planté face à elle dans ce couloir, son œil sembla poser pour la première fois la question. Hayalee répondit par un sourire ; un sourire timide, mais sincère. Elle se sentait un peu mieux : plus alerte, plus elle-même. Comme si les révélations des dernières heures l'avaient laissée éparpillée en mille morceaux qu'elle commençait enfin à recoller.
— C'est bientôt l'heure du dîner, dit Saru, mais tu dois pas avoir très faim, non ?
— Pas vraiment, admit Hayalee. Mais toi, tu dois avoir faim ?
Il haussa les épaules :
— Ça va, j'ai grignoté, je peux attendre un peu.
S'ensuivit un silence un peu gênant, que Saru brisa d'un raclement de gorge :
— Tu veux... tu veux faire quoi ?
Hayalee hocha la tête en signe d'ignorance. Elle n'avait envie de rien, si ce n'était rentrer chez elle. Saru parut hésiter, puis proposa :
— Ça t'ennuie si on va faire un tour dehors ? J'ai promis quelque chose à quelqu'un.
— Euh... très bien.
Ils repassèrent par la cantine où Saru embarqua plusieurs pommes, puis le garçon la conduisit à l'air libre. Cette fois, ils n'empruntèrent pas le monte-charge, mais un escalier en colimaçon. L'ascension ne fut pas une partie de plaisir pour Hayalee, heureusement le repas et le bain l'avaient requinquée. L'escalier aboutissait dans la cave délabrée d'une tour de guet. Comme l'avait promis Iltaïr, ici aussi l'entrée des souterrains était dissimulée, derrière une étagère qui se fondait à la perfection dans le décor.
Ils saluèrent les hommes chargés de monter la garde – les « sentinelles » comme tout le monde les appelait – et émergèrent à la surface. Pas sur les hauteurs du volcan, mais à ses pieds, au milieu d'une vaste prairie ponctuée de tours de guet semblables à celles qu'ils quittaient. Hayalee repéra la silhouette trapue de la volière où nichaient les aigles, perchée sur la crête escarpée de la montagne. Vu d'ici, le bâtiment paraissait minuscule à côté de l'imposant cratère qui dessinait le sommet de l'île.
— On est sur la côte ouest, expliqua Saru. La ville est de l'autre côté de la montagne, à l'est. Les gens viennent rarement se promener par ici, c'est tranquille.
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Derrière les Portes ~ I. Le Feu et l'Âme
FantasyPaix, Justice, Vertu. Du haut de ses 15 ans, Hayalee a toujours cru aux valeurs défendues par la nation de Psamias. Le jour où elle se découvre de dangereux pouvoirs, elle comprend à quel prix s'est achetée la prospérité du pays : celui du sang. Tr...