Chapitre 45

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Dans ma jeunesse, je ne croyais pas à grand-chose en dehors de ce que me montrait mon thermomètre. C'est une façon de vous dire que j'avais mille fois entendu raconter des aventures pareilles arrivées dans de vieilles maisons abandonnées, hantées et peuplées des fantômes.

Des maisons où les gens voyaient des spectres apparaître aux heures sombres de la nuit ; et j'en riais, j'en plaisantais, j'étais persuadée que toutes ces histoires d'apparition, de charme, d'envoûtement et de sorcellerie n'étaient bonnes que pour les personnes ayant un peu perdu la tête.

Je m'étais toujours moquée en les entendant, car elles me semblaient irréelles ; mais voilà que je me retrouvais à la place de ces gens, tout étonnée d'être sur le point de devenir, à mon tour, témoin d'une semblable aventure.

Je m'enivrais de cette divine attente ; mais, malheureusement, Éden n'était pas apparu. Et mes yeux n'en pouvaient plus, ils se fermaient d'eux-mêmes à mon insu. La fatigue faisait à ce que le besoin de sommeil commençait à se faire sentir.

Mais vous savez très bien qu'il n'y a personne qui, dans une pareille situation, en attendant un événement quelconque, n'est arrivée à dormir directement ?

On sait tous comment dans ce genre des situations les yeux se ferment lentement pour, au moindre bruit, se rouvrir tout à coup ; comment le regard balaye d'un seul jet toute la chambre où l'on est couché ; puis, en la voyant toujours solitaire et muette, les paupières se referment pour s'ouvrir encore.

Il en était ainsi me concernant. Deux ou trois fois déjà, presque entrée dans le sommeil, je me réveillais en sursaut ; mais, enfin, peu à peu, malgré la lumière allumée, les objets commençaient à se confondre, mes pensées se mêlèrent, et je m'étais finalement endormie.

" Tout vient à point à celui qui sait attendre. ", autrefois, j'avais lu cette phrase dans un livre sans importance ; et, ce jour-là, elle convenait admirablement à ma situation.

Je m'étais endormie d'un sommeil différent cette nuit-là, d'un genre de sommeil invincible qui alourdissait plus mes sens qu'autre chose. Cependant, mes sens n'avaient pas complètement disparu lorsque je fis un rêve dans mon sommeil.

Dans celui-ci, qui était pareil à la réalité, Éden était sorti du tableau. Il était habillé différemment, d'une manière plus classe que les autres fois. Ayant bonne mine, le sourire aux lèvres, il s'approcha du lit jusqu'à arriver à son chevet et me dit :

- Ma belle au bois dormant aimerait-elle un baiser pour l'arracher à son sommeil éternel ?

Par mon attitude, je ne marquais ni surprise ni effroi. À force de l'avoir vu, et ajoutant à ceci la conversation que l'on avait eue la nuit dernière, je m'étais finalement habituée à sa présence.

Je souris simplement après avoir entendu ces mots ; et, pour la première fois, levant la tête, le regardant avec sensualité à travers mes cils minces et longs qui se levaient au bout de mes yeux, je me redressai légèrement du lit pour rencontrer les lèvres d'Éden qui venaient vers moi pour m'embrasser.

Sans doute qu'il y avait dans sa nature quelque chose qui m'incitait à m'abandonner devant lui à mes émotions et mes ressentis, sans pour autant craindre de perdre ma dignité, car, lorsqu'il se trouva face à moi, je m'étais laissée tomber dans ses bras et je ne cherchais pas à cacher cette joie que je sentais, qui se trahissait dans mes yeux, dans mon sourire, que je n'avais pas la force de dissimuler.

- Regarde ce que j'ai pour toi !, me dit-il après qu'on se soit embrassé.

C'était un paquet d'une taille moyenne. L'ayant déballé, j'y vis une robe de grande marque et de belles chaussures à talons. Folle de joie, je sautai à son cou et je l'embrassai une fois de plus, tout en lui demandant :

- Où m'amènes-tu ?

Éden ne répondit pas. Il mit juste une main dans la poche et m'exhorta de fermer les yeux.

J'obéis.

À l'aide de l'autre main, il me mena face au miroir se trouvant dans ma chambre. Après avoir senti un léger toucher à la nuque, il me demanda d'ouvrir les yeux. Je vis alors un magnifique collier orné d'un joli pendentif.

- C'est le mien ?, m'écriai-je.

- Oui mon ange ! Mais seulement si tu acceptes de m'accompagner cette nuit.

- J'irai partout où tu iras, répondis-je, joyeuse.

- Alors, commence par t'habiller, dit-il en se retournant, marchant ou plutôt glissant vers la fenêtre.

ROSE MONDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant