Chapitre 38

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- Est-ce un rêve ? Suis-je bien là ? Aimerais-tu avoir des réponses à ces deux questions ?, demanda-t-il enfin.

Mes yeux s'ouvraient tout grand d'étonnement lorsqu'il me parlait. Je le regardais pour tout le temps où je ne l'avais pas vu, comparant l'impression du moment aux souvenirs qu'il m'avait laissés, et remarquant que la réalité l'emportait sur l'imagination. Je m'absorbais dans l'ardente contemplation de cet homme que je croyais ne jamais revoir, mais qui était là, vivant, comme si quelques miracles l'avaient ressuscité à mes yeux.

Du moment où il avait paru, j'étais restée muette et immobile. Toutes les forces de mon intelligence semblaient n'avoir d'autres buts que de répondre à sa question qui consistait à savoir si tout ceci était réel ; mais, au lieu de parler, timide de nature, je ne donnais aucune réponse. Je demeurais verbalement muette tout en le regardant, les yeux pleins d'amour.

À cet instant, il se leva du pied du lit, de l'endroit où il était assis ; et fit quelques pas, glissa à sa façon, jusqu'à son chevet. Là, il se pencha légèrement. Je soulevai mes cils, laissant voir mes prunelles qui rencontrèrent ses yeux superbes, sombres, en ce moment pleins de flammes... Et, après cet échange de regards éblouis, je fermai les miens.

Sans savoir comment cela se fit, nos haleines si pures se mêlèrent, nos douces lèvres se rapprochèrent ; et nous nous dîmes ainsi, sans une parole, ce que, du reste, ni l'un ni l'autre n'avions plus à apprendre : que l'on s'aimait. D'ailleurs, c'était une évidence, ça se sentait, ça se voyait. Le sentiment qui se reflétait comme dans un miroir dans mes yeux était tout aussi visible dans ceux d'Éden.

Assurément, c'était la deuxième fois que j'embrassais un homme, car j'avais soudainement chaud, malgré que l'atmosphère de la chambre était extraordinairement fraîche. L'émotion avait secoué mon sang et enflammé mes yeux. Un vent chaud de passion ainsi qu'un sentiment de bien-être m'enveloppèrent.

Mais ce baiser n'eut que la durée de l'éclair, car le contact de nos lèvres n'avait pris que très peu de temps. Éden ôta les siennes après quelques secondes. Sa voix, changée et frémissante de passion contenue, murmura ensuite :

- Alors, ma chère Rose, crois-tu que je suis réel ?, ajouta-t-il en me regardant tendrement.

- Oui... Éden, c'étaient les premiers mots que j'avais dits à son intention, parlant comme poussée par une irrésistible puissance.

Les premiers mots que j'avais dits ? Je devrais plutôt écrire : - Les premiers mots que je voulais dire, car ces mots furent écrasés par ses lèvres qui, encore une fois de plus, venaient de se poser sur les miennes et m'empêchaient d'articuler convenablement. »

- Je suis ravie que vous soyez témoin du fait que j'étais tombée amoureuse d'un homme assez particulier, nous dit subitement Madame Rose en interrompant sa lecture.

- En toute franchise, au début, je me disais que c'était peut-être un tour que me jouait mon imagination ; mais, après, j'admettais le fait qu'Éden existait bel et bien. Même si j'avais comme l'impression d'être dans un rêve lors de cette première apparition, cela ne comptait que très peu, car il demeurait réel à mes yeux, conclut-elle avant de continuer la narration.

«- D'un air satisfait, Éden se mit debout et me fixa de son regard si expressif.

Je le redis encore une fois : ce qui était étonnant est que je ne ressentais aucune peur quand Éden, j'appelle Éden la personne qui s'était présentée devant moi puisqu'elle lui ressemblait comme deux gouttes d'eau, était apparu. Je me sentais plutôt comblée par sa présence.

- Cela fait beaucoup de temps que je t'observe d'une autre dimension, dit-il. Sache, Rose, que je te vois, te suis sans cesse ; que je suis présent à toutes tes actions, que mon corps est peut-être dans un caveau, mais que mon esprit est partout où tu es. Avant, j'avais la faculté de prendre plusieurs formes, surtout la forme humaine. Malheureusement, à force, je m'affaiblissais jusqu'à ce que je tombe dans ce que les êtres vivants appellent le coma. Et comme tu l'avais vu, j'en ai perdu la vie ; mais ce portrait reste le dernier portail vers un autre monde où je vis. Un monde différent du tien, mon monde.

Et il pointa le tableau du doigt.

Tous ces mots étaient dits de sa voix rauque et sensuelle que j'écoutais de toute mon attention comme s'il s'agissait de l'Évangile. Une flamme s'allumait dans le regard d'Éden et un frémissement d'orgueil passait dans tout son corps.

- Je passerai souvent te voir, car j'aimerais que tu deviennes mienne, continua-t-il. J'aimerais avoir ton bras autour du mien, te voir dans un vêtement différent, autre que ta blouse blanche. Je veux que tu sois la plus belle et la plus épanouie des femmes.

Encore une fois, il arrêta de parler et sourit. Puis, en se penchant vers moi, il m'embrassa de nouveau. Il s'était ensuite accroupi près du chevet de mon lit, tout en tenant tendrement ma main, couverte d'une moiteur chaude, dans les siennes.

- Si seulement tu pouvais t'imaginer toutes les belles choses que nous ferons ensemble, l'existence que nous mènerons.

Il continuait de caresser tendrement ma main. Après, changeant de sujet, il demanda :

- Aimerais-tu venir avec moi ?

ROSE MONDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant