03 : Destinée.

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'Je m'attache à la douleur parce qu'elle seule me fait me sentir vivante.' -R.

🦢




Sophia.


Cygne blanc contre cygne noir.
Lumière contre ténèbres.
Le sublime contre la destruction.

La densité dramatique des violons démarre me plongeant dans cette atmosphère romantique et tragique du Lac des Cygnes de Tchaikovsky.

Mes patins glissent sur la glace, mes bras miment les ailes gracieuses du cygne blanc avant d'effectuer un double axel.

Je m'imprègne de l'élégance et de l'innocence du cygne blanc, de sa pureté et de sa lumière. Chacun de mes mouvements sont contrôlés et gracieux sur ce passage où s'exprime le désir et l'effroi, mais aussi la peur de l'abandon...

Puis la musique bascule du côté sombre, où je me transforme en cygne noir. Mes mains devant mes yeux, je les découvre lorsque commence le nouvel acte. Mes mouvements sont plus rapides, j'incarne les ténèbres, la ruse et la sensualité.

Je me laisse emporter par le rythme de la musique, où seuls mes émotions décident des mouvements de mes pas.

Je patine, avec toujours cette impression de voler. Dans un monde où le simple fait de respirer n'est plus un fardeau.

J'aimerais que la musique ne se termine pas, pour que j'ai suffisamment le temps pour imaginer une nouvelle fin au Lac des Cygnes, une fin où Odette n'aurait pas eu à se suicider pour se libérer.

Mais les dernières notent résonnent dans la patinoire, et les pointes de mes patins se plantent dans la glace pour m'arrêter. Ma respiration saccadée créer un nuage de fumée blanche à chacune de mes expirations.

Mes yeux se lèvent sur la grande pendule qui affiche l'heure, je soupire, il est déjà temps de partir.

J'ai séché mes deux derniers cours pour me rendre à la patinoire, si papa l'apprends il me séquestrera sûrement à vie. Mais pour tout dire, à l'instant précis, c'est le cadet de mes soucis.

J'ai précisément quarante trois minutes pour être devant l'université d'Oxford, là où un des hommes de mon père m'attendra de pied ferme. Chez les Hastings, la ponctualité est une qualité non négociable.

Alors je sors de la glace, enlève mes patins que je fourre maladroitement dans mon sac de sport blanc avant de remettre mes baskets.

Je porte une veste à capuche blanche et un legging noir, ainsi que des jambières en tricots blanche nacrée que m'avait tricoté ma petite cousine Lilya, pour mes entraînements à la patinoire.

Il faut dire que je vois ma famille que très rarement, mon père répète sans arrêt qu'il n'a pas le temps « pour ça », alors nous passons les fêtes de fin d'années à nous regarder dans le blanc des yeux, du moins quand il daigne m'honorer de sa présence.

Je quitte la patinoire d'une démarche rapide, une fois la porte poussée, la pluie fouette mon visage et mon corps tout entier entre en contact avec l'averse glaciale et dense de Lakewood.

La nuit commence déjà à tomber, nous ne voyons pas beaucoup la lumière ici.

C'est comme si une malédiction s'était abattu sur cette ville, nous privant de lumière et d'espoir.

EVERLOSTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant