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En fin d’après-midi, nous reprenons la route pour rentrer à Terrasson. Tout le monde est calme. Plus ou moins fatigué. La journée a était longue, Balade dans le vieux Sarlat, visite de mon ancien Lycée, pique-nique. La marche, aussi. Et puis la saloperie, pour moi. Je me sens épuisée comme jamais et me laisse aller, la tête posée sur ma main, coude appuyé à la portière. Presque sans m’en
rendre compte, sans le vouloir en tout cas, je m’endors. Enfin, c’est ce que je suppose en me réveillant dans mon lit. Laetitia avec Neji et Louis ont dû me porter jusque-là. Dans la pièce, il fait sombre. Les volets sont fermés. Si cela ne tenait qu’à moi, ils resteraient tout le temps ouverts : j’aime me repérer à la
lumière du jour et elle ne me dérange pas pour dormir. La porte aussi est
fermée et je n’entends aucun bruit. Pourtant, il n’est pas assez tard pour qu’ils soient tous couchés. Un peu indécis, je me lève. Lentement. La leçon de chez

Eden a porté. Et puis, je dois bien reconnaître que je me sens de plus en plus fatigué. Quelque soucis on commencé a apparaître depuis hier. Diarrhée,
migraine, fatigue accrue. Cette idée de pique-nique n’était peut-être pas si bonne, finalement. J’ai fait mon malin à vouloir marcher, mais maintenant je le paye. Pourtant, nous avons fait tellement peu… Quand je repense aux
kilomètres que j’ai pu parcourir, en courant ou en marchant, sac au dos… Mais ça, comme disait la pub, c’était avant. Quand j’allais bien. Quand j’étais à cent pour cent vivant. À quel pourcentage en suis-je aujourd’hui ? Cinquante ?
Moins ? L’image d’un sablier s’impose à mon esprit. À moitié vide. Non, plus qu’à moitié vide. Bon, je sais bien qu’il n’y a pas de science exacte et que quand le Dr Boduin m’a dit un mois, c’était plus ou moins. Mais plus ou moins quoi ?
Ce qui est sûr, c’est que j’ai « grillé » trois semaines. Une fois debout, je m’approche de la porte, que j’ouvre doucement. La maison est silencieuse.
C’est étrange, mais ça me convient. J’avance, pieds nus. Sur la table de la
cuisine, une feuille blanche attire mon attention. C’est un mot écrit par Neji. « On est partis chercher un truc au kebab. » Le Royal Kebab, c’est une de nos adresses fétiches. Je connais le patron depuis le collège et je peu vous dire que c’est un vrai ami. Nous les aimons tous les quatre. Ça ne m’étonne pas qu’ils
aient décidé d’aller se ravitailler là-bas pour le dîner. En attendant, je suis seul. Sans y penser vraiment, je me dirige vers mon ancien bureau, Laetitia la laisser tel quel. J’ouvre la porte, la referme derrière moi et m’appuie sur le battant.
Voilà. C’était mon univers. Que va-t-il devenir quand… Je déglutis avec peine. Certains mots ont encore du mal à franchir la frontière de mes pensées. Qu’est- ce que j’ai pu m’y sentir bien, dans cette pièce… Au milieu de mon bazar, avec mon orchidées bleu et ma plantes vertes dans son pot rouge. Tout ces textes que j’avais commencé, ma grande saga de fantasy que je voulais publier.
Je prend à nouveau la plume, j’ai beaucoup à écrire. Avec de la musique.
J’adore écrire avec de la musique. Cela m’as toujours inspiré. Alors que mes écrits recouvre la pages blanche, je me laisse aller. Ce n’est plus la tête qui guide mais le cœur, la main étant l’objet de ses émotions. Dessinant chaque
lettre de chaque mots, comme si c’était le dernier. Combien de temps passe ? Je ne saurais le dire.
La voix de Louis me tire de mes pensées. « Paps ? »
Je lui souris. Plongé dans mon univers intérieur et la musique je ne l’ai pas
entendu arriver. « J’aime bien l’atmosphère de cette chanson. C’est doux et en même temps, ça me dit qu’il faut continuer à mettre un pied devant l’autre quoi

qu’il arrive. » Sans rien dire, il s’assied à côté de moi et prend ma main dans les siennes. « Tu penseras à moi en l’écoutant ? dis-je lorsque les dernières notes s’effacent.
— Paps, je penserai à toi tout le temps, répond-t’il, la voix tremblante.
— Au début, oui. Mais ça passera. Ça passe toujours. La vie est plus forte que tout. Même si, au début, ce sera l’enfer. Tu auras envie de hurler et de tout casser…
— C’est ce que ça t’a fait quand Mamie est morte ?
— Oui.
— Je ne me souviens de rien. Je n’ai rien vu. Comment c’est possible ?
— Mon grand, ce n’est pas parce qu’on a envie de hurler qu’on le fait. On peut aussi juste creuser un gouffre à l’intérieur de soi, que personne ne peut voir. Et dans lequel je ne voulais surtout pas vous entraîner. Et puis, ta grand-mère le disait très justement : les plus grands chagrins ne sont pas toujours les plus
visibles. En tout cas, j’aimerais que cette musique te rappelle juste de bons souvenirs. Et que, où que je sois, de quelque manière que je continue à exister, j’aurai de l’amour pour toi. » Ses joues trempées de larmes, Louis se pelotonne contre moi et je le serre aussi fort que je le peux. J’ai eu beau parler
sereinement, à ma plus grande surprise d’ailleurs, en ce moment, je le sens se creuser, ce fameux gouffre. M’engloutir. De plus en plus loin, au fur et à mesure que les sanglots de mon fils résonnent contre ma poitrine. Lorsqu’enfin, ses soubresauts se calment, je me sens tellement épuisée que je me demande comment je vais faire pour me lever. Mais là aussi, la vie est plus forte que tout, même si maintenant je la sens me quitter doucement mais sûrement cette vie. Mais c’est bras dessus bras dessous que nous quittons le bureau pour rejoindre les autres pour dîner. Je jette un regard à mes textes. J’en finirais au moins un.

Et à la fin?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant