CHAPITRE 8: Alena

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Après un début de journée gâché par l'appel avec ma mère, je me sens enfin mieux

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Après un début de journée gâché par l'appel avec ma mère, je me sens enfin mieux. On va dire que je suis moins en colère. Elle m'a posé un milliard de questions sur mon père, s'il avait une nouvelle femme, si j'étais allé chez lui, si il parlait d'elle et j'en passe. Le divorce a été très compliqué pour ma mère, et tout s'est fait à distance, donc j'essaie de ne pas lui en vouloir du fait qu'elle cherche des réponses à ses questions. Malheureusement pour elle, je ne peux pas l'aider.

Quant au repas avec les clients, il se passe à merveille. Emily et William sont adorables et font tout pour me mettre à l'aise. Lexie, quant à elle, est une boule d'énergie, et j'ai hâte d'avoir son point de vue sur le projet. Apparemment, nous devons rester à Chicago ce soir, et même si Elliott est légèrement contrarié à cette idée, de mon côté, je suis contente de ne pas rentrer à New York tout de suite. Je suis là pour découvrir de nouvelles choses, et même si cela ne coïncide pas avec les plans bien préparés d'Elliott, ce n'est pas comme si nous avions le choix.

Lorsque le plat principal arrive, Elliott prend la parole : « Pour revenir sur les objectifs, il me semble que le projet est de construire une maison dans les Hamptons adaptée à Lex... » Lexie l'interrompt avant qu'il ne termine : « Non, l'objectif est que la maison soit divisée en deux pour que je vive seule mais qu'ils puissent m'aider en cas de besoin ! » Elliott acquiesce, semble réfléchir, puis sort nos premiers plans préparés au café. Alors que je pensais qu'il allait présenter le sien, il sort le mien. « Puisque tu insistes là-dessus, Lexie, je pense que le projet d'Alena est en concordance avec ce que tu recherches », dit-il en passant le plan à la famille. En effet, dans son plan, la plupart des pièces des deux espaces sont communicantes, tandis que dans le mien, les maisons sont bien séparées, et Lexie aura toute l'indépendance dont elle rêve tant, tout en étant accessible en moins d'une minute par une passerelle. Lexie a des étoiles plein les yeux en regardant le plan, et lorsque qu'il arrive dans les mains des parents, je ne peux m'empêcher de stresser, car je sais que c'est eux qui auront la décision finale. Leur discussion semble interminable, ils analysent chaque pièce, et je suis incapable de continuer le repas. Alors qu'Elliott se penche vers moi pour me parler, Lexie le devance : « T'as pas besoin de stresser, ton plan est cool et t'es super talentueuse ! Tu penses qu'on pourra mettre une tapisserie de pivoines comme chez Blair ? » Elle n'a pas besoin de préciser qu'elle parle de Blair, car je vois parfaitement la tapisserie qu'elle souhaite. Je sors mon téléphone pour prendre note de ses envies, et au final, je ressors de tout ça avec pas mal d'informations utiles. On a énormément de goûts en commun, et je sens que la partie décoration de l'appartement va être un plaisir à réaliser. Quant à Elliott, la décoration n'a pas l'air de l'intéresser énormément, il est occupé sur son téléphone à pianoter incessamment. Il me fait penser à mon grand-père, lui non plus n'était pas un fan de la partie finale, la décoration. Il s'entourait des meilleurs décorateurs pour déléguer cette tâche. De mon côté, c'est l'une de mes spécialités, j'ai ajouté un cursus en décoration à côté de mes études d'architecture, car je sentais que quelque chose me manquait.

Après une attente qui semblait interminable, William et Emily posent enfin le plan pour nous faire un retour. « C'est tout ce que nous recherchons en vain depuis des mois, vous avez notre confiance », déclare William, alors qu'Emily me montre ses pouces avec excitation. Dans un souffle de soulagement, je regarde Elliott, qui me gratifie d'un clin d'œil, et Lexie me tend son poing pour que nous échangions un check. J'éprouve un sentiment de fierté, mais aussi de gratitude face aux responsabilités qui nous sont données et à la confiance qui nous est accordée. J'ai beau en vouloir à mon père, il a mis un énorme projet entre mes mains avec une foi inébranlable, sans certitudes réelles de mes capacités. Quant à Elliott, il a donné mon plan sans sourciller, alors qu'il a passé des heures sur les siens. Je n'ai pas le droit à l'erreur face à autant de responsabilité.

Lorsque nos desserts arrivent, Elliott prend sa cuillère, retire la chantilly de ma gaufre et l'engouffre dans sa bouche. Hier, j'ai commandé un chocolat chaud sans chantilly. Se rappelle-t-il vraiment que je n'aime pas ça, ou veut-il juste m'embêter une fois de plus ? Je le regarde interloquée, et j'ai le droit à un second clin d'œil. « Tu ne peux plus commander sans chantilly, j'aime trop ça pour ne pas avoir ta part », dit-il en chuchotant. Sans que je ne puisse répondre, Emily s'exclame : « J'espère que vous serez au gala de Thanksgiving de Richard ! » et Lexie poursuit : « Ça fait des mois que j'ai choisi ma robe ! Si cette année je ne trouve pas un riche New-Yorkais, j'abandonne. » La remarque de Lexie nous fait tous rire aux éclats, et Elliott me regarde légèrement désemparé, voyant ma méconnaissance de cet événement. Elliott répond à Emily qu'il se fera un plaisir de les revoir à ce fameux gala. Étant donné qu'ils n'ont plus leur attention sur nous, Lexie me chuchote : « Il y a un mythe, après le gala mondain barbant, une fois les vieux partis, il y est sensé y avoir la plus grosse soirée de New York. Tu dois m'y accompagner. » De mieux en mieux, un gala et un after.

Cependant les yeux émerveillés de Lexie m'empêchent de lui dire non. Et aussi simplement que ça, nous nous retrouvons à parler de robes pour ce fameux gala. Elliott tend l'oreille et me regarde avec excitation, comprenant que j'accepte d'y aller.
À la fin du repas, après avoir parlé des heures du projet, je vais commander un cupcake que je fais emballer par la serveuse.

Après de chaleureux au revoir avec les Van Der Bilt et un énième rappel du gala par Lexie, nous retrouvons George devant le restaurant. Il est vrai que nous sentons la température baisser, je regrette grandement mes collants et je serre mon trench autour de ma taille en rentrant dans la voiture. « J'ai votre commande, monsieur Grayson, j'espère que cela vous conviendra », dit George en passant un énorme sac à l'arrière. Avant qu'il ne ferme la vitre, je lui glisse le paquet contenant le cupcake dans les mains, un grand sourire au visage. Il a l'air touché et me remercie grandement. « Eh ! » m'interpelle Elliott. « Arrête de le soudoyer, c'est moi son préféré ! » me dit-il avec un faux air chafouin. Sans que nous donnions d'instructions, George démarre et ferme la fenêtre. Elliott sort du sac deux grosses doudounes, deux sweat-shirts « I love Chicago », deux écharpes et deux paires de gants. À la vue de mon incompréhension, Elliott m'éclaire : « Je me suis dis que vu qu'on était bloqués à Chicago et que tu ne connaissais pas cette ville, j'allais te faire visiter. Mais les vêtements que tu as actuellement ne sont pas assez chauds pour les activités que j'ai prévues. » C'est donc pour ça qu'il était obsédé par son téléphone durant le repas. Je crois que dans ma vie je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi attentionné qu'Elliott. Il me connaît depuis moins d'une semaine, et il me fait passer avant tout. Moi qui pensais le détester à cause de mon père, c'est totalement l'inverse. Il me déstabilise, et tous mes sens sont bouleversés lorsqu'il est là, c'est-à-dire tout le temps.

C'est donc aussi simplement que cela que nous nous retrouvons à la patinoire du Millenium Park, dans un style approximatif de touriste. Thanksgiving est dans moins d'une semaine maintenant, et les premières décorations de Noël font leur apparition. Le soleil nous a quitté depuis longtemps, et les buildings illuminés nous éclairent durant cette soirée magique. Elliott est très mauvais sur ses patins et manque de tomber à chaque glissade. J'ai mal au ventre à force de rigoler autant à ses cascades. Lui, qui contrôle tout le temps, a bien du mal à discipliner les lames sous ses pieds. Il fait tellement froid que mes joues sont rouges et me brûlent, et lorsque qu'Elliott me remarque les frotter, il nous fait nous arrêter sur les bords de la patinoire, et par la même occasion, manque de chuter. J'attrape donc sa main pour l'en empêcher. À une main, il retire son écharpe et la superpose sur la mienne en cachant le bas de mon visage. Nous nous regardons intensément quelques secondes avant que les flocons tant attendus pointent le bout de leur nez. Nos mains sont toujours entrelacées lorsque nous recommençons à patiner sous la neige, et nous n'avons pas parlé depuis quelques minutes. Honnêtement, j'ai l'impression que parfois nous n'avons pas besoin de parler, en un regard il me comprend, et inversement. Lorsque nos mains se détachent, je ressens le même vide que lorsque nous étions à l'appartement. La tournure que prennent les événements ne m'aide pas à y voir clair, et encore moins quand le soir, dans ma chambre d'hôtel, je reçois un message de sa part : « Ça fait bizarre de ne pas te savoir à la porte d'à côté. » Et c'est encore un soir où je m'endors le sourire aux lèvres.

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