CHAPITRE 4: Alena

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À la seconde où je l'entends quitter l'appartement, je m'effondre sur le lit

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À la seconde où je l'entends quitter l'appartement, je m'effondre sur le lit. J'ai accumulé tellement de fatigue que je pourrais dormir deux jours d'affilée. Malheureusement, un autre programme m'attend. Avant de prendre une bonne douche revigorante, je décide d'appeler ma maman pour la tenir au courant de mes dernières aventures. Elle doit se faire un sang d'encre. Elle n'était pas particulièrement joyeuse à l'idée de mon départ, elle s'y opposait même complètement. Mais à vingt-cinq ans, sans accomplissements, j'avais besoin de défis, et quelque chose m'a poussé à venir ici.

Lorsque je l'appelle, il ne faut que cinq secondes pour qu'elle me réponde. « Ma chérie! J'étais clouée à mon téléphone, j'attendais que de tes nouvelles », je suis tellement heureuse de retrouver sa voix familière. « Je suis désolée maman, je n'ai pu t'appeler plus tôt. Ma journée a été assez compliquée. » Je souffle en regardant autour de moi. Cette chambre est tellement somptueuse, elle me ressemble tellement. Un autre point positif est que les mêmes baies vitrées du salon sont dans ma chambre, et je ne me lasserai jamais d'observer New York. Je me vois un peu trop vivre ici maintenant, et je n'arrive pas à croire que c'est chez moi. Enfin, pas totalement car je ne suis pas seule. Cependant, c'est vrai que cet appartement est immense. Je ne remarquerai pas Elliott ici.

Ma mère me coupe dans mes pensées. « Est-ce que ton père a été méchant? Est-ce que tu veux que je l'appelle pour lui remettre les pendules à l'heure? Il se croit tout permis celui-ci, il a toujours été comme ça! Mais tu es une femme forte ma chérie, ne l'oublie jamais. » En l'écoutant, parfois je comprends pourquoi on me dit que je suis aussi bavarde que ma mère. Je l'ai toujours pris comme un compliment. « Non maman, calme-toi, tout se passe bien. Il a été... » Je souffle puis reprends « cordial. » Elle marmonne puis répond « Pour finir, quelle était cette fameuse proposition qu'il avait à te faire? » Je prends cinq bonnes minutes pour lui expliquer toute la situation concernant l'appartement, en évitant bien évidemment de mentionner mon colocataire pour la nuit. À cela, elle répond : « Ça ne m'étonne pas de ton grand-père. » Puis, je lui explique la proposition d'emploi de mon père à laquelle je n'ai pas encore répondu. Elle me conseille d'écouter mon cœur et me rappelle que je peux rentrer à la maison dès que je le souhaite.
Après une tonne de conseils, de mises en garde et de mots d'amour, je raccroche pour prendre une douche qui me fera le plus grand bien.

Une fois propre, les cheveux démêlés et vêtue de mon pyjama composé d'un ensemble legging et sweat-shirt noir, je tends l'oreille pour savoir si Elliott est de retour. Je n'entends rien, ce qui est étrange car ma liste de courses était composée d'une dizaine d'ingrédients et que la supérette est au pied de l'immeuble. Je décide donc de me munir de mon ordinateur portable ainsi que du dossier que mon père m'a donné précédemment pour l'étudier dans le salon.

En bas, effectivement, Elliott n'est toujours pas rentré. Je trouve ça étrange, mais après tout, il ne me doit rien. Ses plans ont peut-être changé, et à juste titre, ma quiche n'était peut-être pas le repas du siècle. J'allume mon ordinateur, lance ma playlist préférée composée entièrement de Taylor Swift, histoire de ne pas me sentir seule, et je m'allonge par terre, face aux baies vitrées, pour commencer la lecture du dossier.

Une vingtaine de minutes plus tard, je suis interrompue dans ma lecture passionnante par Elliott, les bras chargés de courses. Je me lève rapidement pour lui venir en aide. « Est-ce que tu es vraiment en train de travailler par terre alors que tu as l'équivalent du bureau présidentiel dans ta chambre? » J'ignore sa remarque et lui pose la question qui me brûle les lèvres depuis que j'ai ouvert le dossier. « As-tu lu le projet ? » dis-je en le débarrassant de deux sacs que je pose sur le plan de travail. Avant qu'il ne me réponde, je reprends : « Et est-ce qu'un bus d'adolescents en pleine puberté arrive ? C'est quoi cette quantité de nourriture ? » Il ricane et commence à ranger les courses méthodiquement. Il a l'air tellement minutieux dans tout ce qu'il fait. « J'ai tellement lu le projet que je pense que je le connais par cœur. En ce qui concerne la nourriture, je me suis dit que tu avais l'air de savoir cuisiner, vu ton indignation devant le frigo vide. Je t'ai donc pris un peu de tout pour que tu sois tranquille les prochains jours. »

En effet, j'ai de quoi être tranquille. Les placards sont remplis de toutes sortes de féculents et de légumineuses, le frigo déborde de viandes et de légumes, et il a même fait un tiroir de bonbons et de chips qui me donnent bien plus envie que ma quiche. Je le remercie timidement pour les courses, puis je continue à creuser sur le projet : « Tu les as déjà rencontrés ? » Il interrompt son rangement et lève un sourcil interrogateur. « Tiens, tiens, tiens, je décèle une once de curiosité. Serais-tu intéressée par le projet finalement ? » Je lève les yeux au ciel, ce qui ne le vexe pas du tout, car son sourire ne flanche pas d'un millimètre. Au contraire, je suis sûre d'avoir entendu un ricanement. « Pour répondre à ta question, oui, je les connais très bien. Cependant, ils habitent à Chicago et ne se déplacent qu'avec leur fille, et vu les conditions, ils préfèrent limiter les déplacements inutiles. » Les conditions auxquelles il fait référence, je les ai apprises il y a une dizaine de minutes lors de ma lecture du dossier, et c'est ce qui m'a convaincue d'accepter le projet, mais il ne le sait pas encore.

La famille Van Der Bilt est l'une des familles les plus riches de Chicago, faisant partie d'une lignée d'avocats de génération en génération. Le fait qu'ils soient millionnaires n'est pas ce qui m'intéresse, car j'imagine que toutes les personnes faisant appel à Hilton Housing le sont. La partie qui m'a le plus touchée est le fait que leur fille de dix-sept ans a été impliquée dans un terrible accident de voiture dans lequel elle a perdu l'usage de ses jambes. Depuis ce jour, elle ne se déplace qu'en fauteuil roulant. La problématique de cette famille est qu'ils souhaitent une maison secondaire dans les Hamptons, mais toutes les maisons visitées n'étaient pas adaptées au handicap de leur fille Lexie. Ils souhaitent donc construire leur maison de rêve avec notre aide.

« Effectivement, j'accepte de travailler sur ce projet avec toi. C'était une évidence en lisant le dossier, mais j'émet une condition. » lui dis-je en préparant les ingrédients de ma recette. Lorsque je le regarde, je remarque qu'il trépigne comme un enfant à qui on a promis des bonbons. « Tout ce que tu voudras ! » me répond-il avec de gros yeux m'incitant à donner ma contrepartie. « Notre métier est un métier humain, nous construisons des histoires pour de vrais humains, et pas seulement des bâtiments pour des millionnaires. Je veux les rencontrer en personne pour discuter du projet avec eux. » Je déclare hésitante, craignant de lui faire regretter sa future collaboration avec moi. Il me regarde décontenancé puis reprend : « C'est tout ce que tu souhaites ? Je m'attendais à quelque chose d'horrible. » Pense-t-il que je suis quelqu'un d'horrible ? Je n'ai pas le temps de méditer cette question, car il reprend : « Je vais voir Grace demain matin pour qu'elle nous réserve le jet après-demain. Nous devrions pouvoir faire l'aller-retour dans la journée. » Tout semble si simple avec lui. Rien ne le contrarie, rien ne le déboussole. Il reste serein, et je ne peux pas dire la même chose de moi. Intérieurement, je suis pétrifiée.

Sketches for TwoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant