CHAPITRE 15: Elliott

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Je vais le tuer, je jure que si je le revois, je le tue

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Je vais le tuer, je jure que si je le revois, je le tue. Il a eu de la chance qu'elle me retienne. Je l'aurais vidé de son sang devant tout le monde si elle n'était pas intervenue. Comment la meilleure soirée de ma vie depuis quatre ans a-t-elle pu dégénérer à ce point? Je sens encore les fourmillements laissés par ses mains si délicates sur mon cou. Pourquoi suis-je parti? Pourquoi n'ai-je pas veillé sur elle et Lexie de loin? Pourquoi suis-je si borné, putain? Si j'avais été là, il n'aurait même pas daigné poser ses yeux sur elle.

Je n'arrive pas à fermer les yeux sans voir son visage apeuré. Elle était terrifiée, enfermée dans les bras de cette merde humaine. Ça fait maintenant deux heures que je roule dans New York sans aucun but, incapable de rentrer dans mon ancien appartement. Les rues sont calmes, carrément vides. Il est difficile de s'imaginer une ville si tourmentée le jour aussi silencieuse la nuit. Je ne regretterai jamais d'être venu ici, je me sens comme chez moi, et je ne pense pas que le Wisconsin puisse me manquer un jour. Là-bas, tout me ramène à des années de galère et de souffrance où j'ai été privé d'une enfance et d'une adolescence normales.

Richard m'harcelle d'appels; j'imagine que j'ai dû faire un peu de remous à la soirée. Mais si je réponds? Qu'est-ce que je vais lui dire? Que j'ai presque tabassé à mort l'agresseur de ta fille? Il a besoin de tout, sauf de savoir ça.

Ce petit merdeux de Nate est une de mes vieilles connaissances. Nous avons toujours eu les mêmes objectifs sans jamais avoir les mêmes bagages. Nous étions dans la même école; ses frais scolaires étaient payés pour cinq ans alors que je cumulais trois jobs pour survivre une année. Sa famille fait partie des plus grandes fortunes du pays, alors que je suis le fils d'un drogué. Jusqu'au jour où j'ai eu quelque chose qu'il ne pouvait pas acheter, le graal dans le monde de l'architecture, le stage avec Richard. J'étais désormais au-dessus de lui dans la hiérarchie, le plouc au-dessus du prince.

On va dire que j'ai légèrement envenimé les choses quand je me suis tapé l'objet de toutes ses convoitises, nul autre que cette sorcière de Maya. Ils vont bien ensemble, ces deux gosses de riches sont limite mariés depuis leur naissance. Encore une fois, dans leur monde, tout est une question de hiérarchie et d'argent.

Le garçon qui tenait compagnie à Lexie, Liam, est de la même famille; ils sont cousins. Leurs pères sont deux frères qui ne s'entendent pas du tout; ils sont tous deux dans la finance. Richard est ami avec le père de Liam, mais il trouve le père de Nate peu scrupuleux. Si je ne me trompe pas, les deux familles ne sont même plus en contact, mais je vais tout de même rester vigilant sur Liam; on ne sait jamais.

Au lever du jour, à six heures du matin, je cède enfin à l'idée de retourner, pour la première fois depuis des semaines dans cet appartement fade et insipide. Sans le bazar d'Alana, ni même ses éclats de rire. Non, ici, tout est froid. Même les premiers rayons de soleil  ne réussissent pas à dissiper la froideur de ce lieu de vie. Je termine difficilement ma nuit ponctuée du même cauchemar en boucle, un remake sous tous les angles d'Alena en détresse sur cette piste de danse. J'aurais absolument tout donné pour rester avec elle hier soir, mais je dois me faire une raison. Je lui ai menti, et elle n'est pas prête de me pardonner. Je dois assumer les conséquences de mes actes.

Aujourd'hui, je dois absolument me vider la tête pour ne pas devenir fou. Les travaux de la maison des Van Der Bilt ne vont pas tarder à commencer, et il reste encore beaucoup d'informations cruciales à donner aux ouvriers. Je décide donc d'aller au bureau. En ce jour de Black Friday, il ne devrait pas y avoir grand monde.

« Elliott! Qu'est-ce que tu fais là un lendemain de Thanksgiving? » m'interpelle Grace à l'accueil, toujours souriante et joyeuse. Et tout s'éclaire d'un coup; comme par magie, son regard m'a donné la solution dont j'avais tant besoin. J'abandonne le plan de travailler aujourd'hui. « Grace, je suis désolé, ça fait longtemps que je ne suis pas venu, mais... » elle me coupe d'un geste de la main. « Ça fait quatre ans que je n'avais pas vu cette étincelle dans tes yeux, je n'en demande pas plus. » me dit-elle du ton le plus rassurant. Puis son visage se ternit, elle s'approche de moi doucement. « Richard te cherche partout, il est hors de lui. » Ça ne m'étonne pas; j'ai une vingtaine d'appels manqués et une dizaine de messages que je n'ai même pas osé entre ouvrir. Ça doit être la première fois que je le déçois, et il est loin de tout savoir.

« Je t'expliquerai tout quand je pourrai le faire. D'abord, j'ai besoin de toi, la meilleure employée d'Hilton Housing » je décide d'utiliser le charme pour obtenir ce dont j'ai besoin. « Oh non! Je ne connais que trop bien cet air de chien battu. Quelles montagnes vais-je devoir déplacer aujourd'hui? » me demande-t-elle déjà épuisée avant même que je formule ma demande.

À la fin de mon monologue, elle reste bouche bée quelques secondes avant de s'exclamer. « Elliott, c'est dans moins de dix heures, c'est littéralement impossible; il y a des lois! » Je savais que ça allait être compliqué, mais je connais ses compétences; elle va me sauver. Après une dizaine de minutes de négociation intense, elle accepte enfin ma mission et commence à faire le nécessaire. Je me dirige donc maintenant vers le bureau du plus coriace, Richard. J'hésite quelques minutes et à la seconde où je rentre, il bondit de sa chaise. Je décide de le devancer. « Je sais que tu es en colère contre moi à cause de la soirée, et je suis sincèrement désolé; tu comprendras au moment venu. » Il me regarde plein de rage; je suis dans une belle merde. « Mais parce que tu crois que j'en ai quelque chose à foutre que tu aies mis une branlée à ce guignol? » crache-t-il hors de lui.

Je suis perplexe; de quoi est-il en colère si ce n'est pas ça? Est-ce qu'il sait pour l'agression? Lui a-t-elle dit? Devant mon mutisme, il reprend toujours sur le même ton. « Ce qui m'importe, c'est toi qui disparais sans donner de nouvelles. J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose, Elliott! J'ai retourné New York. Personne ne savait où tu étais, ni même ma fille! C'est dire l'urgence! » Il respire à une vitesse folle, et je dois dire que je ne l'avais jamais entendu être vulgaire.

S'offre à moi deux options : lui dire la vérité ne sachant pas si Alena voulait lui en parler, ou attendre d'avoir son avis. Devant mon mutisme, il poursuit. « Tu ne l'as pas loupé, Elliott. Il est mal en point, le garçon. Viens que je désinfecte tes mains pendant que tu m'expliques pourquoi est-ce que mon jet privé a une dérogation de vol exceptionnelle. »

Sketches for TwoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant