CHAPITRE 7: Elliott

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Ça fait précisément deux jours que j'omets de dire la vérité sur la réparation des canalisations de mon appartement à Alena, cela dit, je pense qu'il y a d'autres problèmes plus importants sur la liste

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Ça fait précisément deux jours que j'omets de dire la vérité sur la réparation des canalisations de mon appartement à Alena, cela dit, je pense qu'il y a d'autres problèmes plus importants sur la liste. Après une journée tendue hier, j'ai compris qu'il fallait aborder le sujet de son papa avec précaution, mais surtout, avec des pincettes. Cette situation est très délicate pour moi, étant donné que je suis en possession de la vérité contrairement à elle, qui dispose d'une histoire totalement fausse. Richard m'a bien évidemment tout expliqué sur les raisons de son départ, et sa seule erreur n'a pas été de se battre face à sa femme absolument abjecte. Malheureusement, ce n'est pas à moi de lui révéler ses secrets familiaux. Moi, je peux juste tout faire pour la rapprocher de son père, ce qui est relativement impossible, vu qu'elle fait tout pour l'éviter et pour ne pas mettre un pied à l'agence. Ce ne sera toujours pas pour aujourd'hui, étant donné que nous sommes dans la voiture en direction de l'aéroport pour Chicago.

Dans la voiture, je réponds à un énième message de ma mère, m'harcelant depuis hier pour savoir à qui j'ai préparé les lasagnes de papa. Cette recette est réservée « aux grandes occasions et aux grandes personnes » comme il disait toujours, elle se doute donc que je ne l'aurais pas faite à n'importe qui. Elle attend que je lui présente une fille depuis mon adolescence, malheureusement pour elle, malgré quelques amourettes, je n'ai jamais creusé le sujet, bien trop occupé par mes études. S'en est suivie la vie d'adulte et on va dire que je préfère les relations sans attaches. Pas de bisous, pas de sorties, pas de nuits complètes ensemble, juste le nécessaire. Je ne veux certainement pas lui faire rencontrer la première venue, j'ai pour projet de lui en présenter qu'une, au moment venu.

De son côté, Alena doit aussi gérer sa maman, qui l'harcèle d'appels depuis ce matin, elle lui répond enfin dans un grognement. Malheureusement pour moi et ma curiosité, leur échange est en français, je ne comprends donc rien à la discussion, voire la confrontation qui se passe à côté de moi. Alena lève les yeux, serre le poing et conclut son appel par « Je ne sais pas si il a une nouvelle femme maman, écoute j'ai du travail je t'appelle demain, je t'aime » puis elle raccroche. Je me demande à propos de quoi était cet appel, en tout cas, je sais qu'il a cassé la bonne humeur de ma coéquipière. Pour détendre l'atmosphère, je tente une petite intervention « les mamans se sont passée le mot aujourd'hui, c'est sûr. » Elle ricane avec sarcasme et répond « Aujourd'hui ? Ça fait cinq ans que ça dure. » J'aimerais qu'on poursuive cette discussion, mais la voiture s'arrête, nous sommes à l'aéroport. Je sors en premier pour aller lui ouvrir la porte avant George, qui lui sort nos bagages et se dirige vers le jet de l'entreprise pour les ranger à l'intérieur. Une fois sur le tarmac, Alena a l'air émerveillée devant le l'avion, je lui donne un petit coup de coude et la taquine « Tu es une Hilton, fais comme si c'était normal pour toi. » Elle ricane, arbore un air hautain, marche d'une manière pompeuse et tient son sac comme une aristocrate. Cependant, sa gentillesse et son naturel reviennent vite au galop quand George monte les escaliers menant à l'avion et perd un sac au passage, il n'a pas le temps de se baisser qu'Alena a déjà accouru pour l'aider. Il tente de lui reprendre le sac, mais elle tient à le porter elle-même. À l'intérieur, après avoir aidé George à tout ranger, elle ne fait même plus semblant de jouer son rôle d'Hilton, elle prend des photos, des selfies et me demande l'utilité de chaque bouton à côté des sièges, elle est terriblement mignonne et sa joie est totalement contagieuse alors que j'ai voyagé ici une centaine de fois. J'aime comme tout la rend heureuse, elle aura la même réaction pour un croissant ou un jet privé. Je suis mal, très mal, elle est là que depuis trois jours et j'ai l'impression que je suis accro au fait de la faire sourire.

Une fois installés, les hôtesses à bord nous servent une coupe de champagne et le pilote vient se présenter à nous en nous expliquant le trajet avant de rejoindre son cockpit. Alena remarque que George n'a pas de champagne et lui dit « Vous ne buvez pas? » Il lui sourit chaleureusement et répond « Je travaille madame Hilton, ce serait malvenu de ma part! » Elle prend une coupe restante et lui donne « Moi aussi je suis sensée travailler George, ce n'est pas une petite coupe qui va nous faire du mal! » Hésitant un peu, George finit par prendre une gorgée de sa coupe « T'inquiète George, on ne risque rien, c'est la fille du chef » dis-je en buvant aussi. Alena lève les yeux accompagnée d'un sourire au coin des lèvres qui la trahit.

Le trajet s'est passé à merveille, nous avons mangé notre poids en petits fours alors que nous avons petit-déjeuné deux heures plus tôt et que nous sommes actuellement au restaurant conviés à déjeuner avec nos clients. Nous sommes un peu en avance grâce à la conduite active de George et ils n'arrivent que dans une dizaine de minutes. Sous la table, la jambe d'Elena tremble, ses ongles sont comme agrippés à la nappe et elle n'a pas prononcé un mot depuis notre arrivée, elle est au bord de l'explosion de stress. Pour lui montrer que je suis là, que tout ira bien, je pose ma main sur le haut de son genou sous la table, son tremblement s'arrête instantanément et ses yeux sont bloqués dans les miens. Ma main reste sur son collant sans aucune envie de partir. C'est à ce moment que le serveur vient nous informer que nos invités sont arrivés. Malgré mes envies, je suis contraint de rompre le contact, j'enlève ma main de son genou dans une caresse délicate. Je deviendrais fou si je ne l'étais pas déjà depuis des mois. Nous nous levons et Alena, dans un mouvement brusque, se cogne à la table et fait tout trembler. Je me mets à hauteur de son oreille et murmure « Alena, regarde-moi, ça va aller. » Elle hoche la tête vigoureusement, et les Van der Bilt arrivent.

Le père, William, me serre la main, tandis que sa femme Emily fait la bise à Alena en lui parlant dans un français plus que bancal. Alena semble se détendre un peu et nous nous installons. « Lexie n'est pas là aujourd'hui ? » je demande un peu interloqué par l'absence de leur fille. Au même moment, la jeune femme en fauteuil arrive en trombe et se place entre Alena et Emily « Pardonnez-moi pour mon retard, je faisais un marathon. » Un lourd silence s'installe, Alena me regarde avec les yeux d'une biche effrayée, et tout à coup Lexie et sa famille éclatent de rire. « Eh ça va, on rigole ! Je suis en roue libre aujourd'hui. » La famille repart en éclat de rire, le père check du poing sa fille, et je sens Alena se détendre à nouveau.

Une fois les entrées commandées, les présentations commencent. « C'est dingue comme tu ressembles à Richard ! Il m'a parlé de toi pendant des heures ! » annonce William. Je pensais qu'Alena allait perdre ses repères face à cette affirmation, mais c'est tout le contraire « On me le dit souvent ! « Comment connaissez-vous mon père ? » demande-t-elle, le sourire aux lèvres. « Nous nous sommes rencontrés à l'université à New York. J'avais pour objectif de devenir avocat, et lui, architecte. Nous suivions tous les deux des chemins familiaux tout tracés, ce qui peut être anxiogène, nous nous comprenions donc sur de nombreux points. Par la suite, j'ai repris les affaires à Chicago, tandis qu'il est allé en France pour suivre ta maman. Par chance, nos chemins ne se sont jamais séparés, et lorsqu'il est revenu aux États-Unis, nous avons commencé à travailler ensemble sur plusieurs projets dans lesquels je le soutiens sur le plan juridique. »
Les Van der Bilt sont des personnes en or, ils ont beau être l'une des familles les plus riches du pays, ils sont d'une simplicité et d'une gentillesse incomparable. La discussion se fait donc facilement avec Alena.

À l'arrivée des entrées, nous recevons tous une notification sur nos téléphones, une tempête de neige se prépare et risque de frapper la ville d'ici trois heures. William s'exclame « Bienvenue à Chicago ! Vous comptiez rentrer ce soir ? » demande-t-il en commençant à manger. À côté de moi, Alena fait de même et débute sa salade. Je décide donc de répondre « Oui, en fin de soirée normalement, j'espère que ce sera le cas, New York nous attend. » Quelques minutes plus tard, je reçois un message de Grace me transférant un message du pilote du jet, il pense qu'il serait plus prudent de reporter le vol à demain, elle nous a donc réservé deux chambres d'hôtel pour ce soir. On dirait bien que Chicago ne veut pas nous quitter.

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