CHAPITRE 24

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Nous nous installions dans le train, écroulés par la fatigue. Amira se précipita pour s'allonger en face de moi – elle enleva son sweat-shirt pour se faire un oreiller. Sur notre gauche, deux Uniformes Blancs avaient la tête enfouie dans leurs bras, prêts à dormir. Peter plaça ses béquilles sous le siège puis il laissa sa tête, s'appuyer contre la vitre en fermant les yeux.

Elane avait les yeux rivés sur son ordinateur. Hier soir, Amira et moi avions envoyés les photos prises dans la maison de Dan. La cheffe avait également récupéré les documents que mon amie avait enfouis dans son sac.

Cette nuit était l'une des plus horribles. Je m'étais réveillée plusieurs fois pour aller vomir, secouée par des angoisses où je me voyais mourir pour la dixième fois consécutive. Bien que j'aie pu retrouver mon sommeil, beaucoup d'enfants nous réveillaient et pleuraient auprès des soldats et des habitants pour la perte de leurs parents. D'autres adultes se levaient pour prendre l'air, faire leurs besoins ou fumer du tabac. Amira avait vécu la même nuit de sommeil et elle s'était réveillée de très mauvaise humeur quand elle avait découvert que son miroir à maquillage s'était brisé par les événements de la veille.

Les chuchotements avaient rempli mes cauchemars. J'entendis plusieurs voix. D'abord, celle d'une voix féminine qui se déchaînait contre deux autres voix masculines. Les deux hommes riaient tandis que sa voix prenait le dessus par son énervement.

Nous avions dû nous réveiller plus tôt dans la matinée alors que le soleil ne s'était pas levé. Jake venait d'être escorté par plusieurs soldats à cause de sa santé mentale et physique qui s'était dégradé depuis la mort de Ju. Pendant notre sommeil, il avait tenté de mettre fin à ses jours. Un de ses enfants l'avait vu et son cri avait résonné dans toute la chapelle.

Lorsque nous étions sortis de la chapelle, j'observais plusieurs soldats à côté du bâtiment. Elane et Egdar s'entretenaient avec eux. Ces soldats étaient choisis pour veiller sur le village le temps de sa reconstruction. Un jeune homme avec des cheveux courts et blond, presque blanc, s'était présenté devant moi. Il s'appelait Luc, le chef de l'Armée Blanche dans l'école de Tutsonia. Je me souvenais de ses armes, accrochées à sa ceinture en cuir. Il m'avait scruté avec de grands yeux et j'avais senti un sentiment de mal être à l'intérieur de moi. Pourtant, je n'arrivais pas à quitter des yeux, sa magnifique broche argentée en forme de plume qui servait de boucle sur sa ceinture. Elle brillait par les rayons du soleil.

Sa présence était difficilement supportable aux yeux du Conseil puisqu'il se proclamait comme, bientôt, le proviseur de l'école de Tutsonia. Il remettait en question nos pratiques, nos Expéditions et surtout, Luc se réjouissait d'évoquer le nombre de morts pour appuyer des propos. Il nous considérait comme étant faible et moins que rien.

Egdar prit une place pour être seul. Il s'écroula sur sa banquette, l'homme baissa les stores de la fenêtre et ferma les yeux, recouvrant ses yeux avec la capuche de son pull.

Je repensais aux événements de la veille. Egdar m'avait sauvé la vie, deux fois. Il s'était permis de me tutoyer et de l'aider à se remettre sur pied. Je n'oublierais jamais ces marques mystérieuses sur son corps, ces ailes noires qui s'étaient restaurées rapidement.

Quand j'étais au sol, je me souvenais du poids de son corps contre le mien. Tout son corps prenait les débris de la Perte d'Âme. Il avait réussi à la vaincre, seul. Nous ne servions à rien, nous lui mettions des bâtons dans les roues, comme je l'avais fait. Ces mots étaient devenus d'une violence quand je l'avais désobéi – je ne voulais pas aller dans la chapelle pour le laisser seul puisque je ne souhaitais pas le voir mort pour nous sauver, me sauver.

Sa peau pâle brillait sous le soleil. Je ne voyais que ses lèvres pulpeuses, légèrement roses et lisses. Mon regard s'attarda sur cette partie du corps avant de regarder ses cheveux bruns. Bien qu'il possède une coiffure courte, j'aperçus quelques mèches de ses cheveux – ils semblaient être doux et j'avais une envie irrésistible de passer ma main à l'intérieur pour savoir si j'avais raison.

Le Prince Immortel (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant