CHAPITRE 37

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La voix du chef des Uniformes Blancs était insupportable.

Je tendis mes bras devant moi puis j'ouvris petit à petit les yeux. La lumière pénétrait l'entièreté de la grotte.

Andrew passait entre les corps endormis pour secouer les soldats, encore endormis.

Il se dressa juste devant moi, avant de me regarder droit dans les yeux avant de repartir faire son tour. Je me redressais pour observer le reste de l'équipe.

Le Conseil était déjà parti dans le village. Leurs bagages étaient amassés dans un coin de la grotte.

Egdar étendait un drap beige sur le sol. Une jeune fille derrière lui posaient des assiettes et des verres en plastique.

Lise posait énergiquement plusieurs sachets au milieu de la nappe et rejoignit les autres chefs, assis à leurs places.

Amira s'assit à ma gauche et empoigna les petites bouteilles de jus d'orange. De son autre main, elle attrapa deux ou trois sachets de viande sèche, une petite tablette de chocolat noir ainsi qu'une poignée de raisins secs. Elle amassa son petit bulletin dans un bol.

Zeref s'assit en face de moi, suivit d'Egdar qui empoigna un petit pot en carton, rempli de confiture orangée. Le chef de l'établissement portait un bonnet cachant presque ses yeux. Il sirotait silencieusement son café.

Le jeune homme m'adressa un sourire que je n'arrivais pas à renvoyer.

J'empoignais des petits pains briochés avec une gourde de compote à la poire.

Les premiers élèves se levèrent pour sortir de la grotte. Lise, qui n'avait pas mangé, sortit en appelant son équipe à l'entrée de la caverne. Ils sortirent et se regroupèrent pour attendre les autres.

Le pain dans ma bouche, Egdar sortit le premier, toujours en grignotant. Il était temps de rejoindre les Uniformes Rouges.

L'expédition commença.

Nous descendions le sentier pour arriver au centre du petit village. Les habitants travaillaient déjà et les charrettes étaient plus présentes que d'habitude.

Les Uniformes Rouges partirent et se divisèrent en plusieurs groupes pour se poster au niveau des différentes entrées. Nous n'étions plus qu'avec les Uniformes Blancs.

Les Verts et les Roses étaient restés au sommet de la montagne, à fouiller les hauteurs. En effet, les soldats de l'armée de Julia pouvaient se cacher dans une grotte similaire à la nôtre.

Les Uniformes Blancs commencèrent leur tâche. Les habitants semblaient curieux par la présence de soldats dans un village si paisible. Andrew donna le feu vert lorsqu'il s'approcha d'un marchand pour fouiller sa charrette.

Elane était assise en face d'un groupe d'enfants, travaillant sur la préparation de pains. Elle s'était agenouillée pour se mettre à la hauteur de ces enfants et les regardés droit dans les yeux. Elle toucha légèrement de ses doigts frêles, les joues rougies d'une petite fille. Elane lui souriait, tendrement.

Amira était à mes côtés. Lui serrant doucement le bras, elle me regarda d'un air curieux. Nous nous fendions dans la masse de la population. C'était l'occasion idéale de partir dans une charrette.

Je ralentis le rythme de ma marche. Je lâchais prudemment le bras de mon amie pour la laisser se perdre dans la foule, suivant le reste des Uniformes Noirs.

Je pris sur ma gauche pour me cacher derrière une maison afin d'attendre la prochaine charrette d'un voyageur. J'observais le groupe des Uniformes Noirs s'éloigner : mon absence n'était pas encore remarquée.

Une vieille femme conduisait deux chevaux qui traînaient une charrette. Discrètement, j'escaladais en prenant appui sur la roue en bois pour rentrer parmi les caisses. Accroupie, j'avançais doucement pour me faufiler derrière plusieurs objets et de boîtes en carton.

Assise en boule, je vis les silhouettes des habitants, passer sur les côtés. Je retenais ma respiration quand ils étaient trop près de moi.

Personne ne prêtait attention à mon intrusion et c'était mieux ainsi. Je vis les boucles blondes d'Elane, dos à la charrette, qui entretenait une conversation avec un homme de son âge.

Alors que les maisons du village s'éloignaient petit à petit, la charrette s'arrêta brusquement. Mon ventre se noua en deux quand je reconnus la voix d'Andrew, juste derrière moi.

— Vous m'autorisez à fouiller le contenu de votre charrette ?

Une voix aiguë donna l'autorisation au chef de l'Armée. La vieille femme tendit la main dans la direction de sa marchandise.

La tête d'Andrew apparut derrière les piles de caisses. Ses yeux scrutèrent chacune des cargaisons avant qu'il prenne son appui sur le rebord en bois, pour pénétrer à l'intérieur.

Il frappa la caisse devant mes genoux. Par surprise, j'avais réussi à retenir un cri. Mon corps se crispa. Ses doigts fins attrapèrent la caisse devant moi.

Andrew me regarda, droit dans les yeux. J'allais me faire éjecter de ma cachette et j'étais tombée sur le pire professeur.

— Je ne suis pas responsable de tes actes, chuchota Andrew en souriant.

— Ne le dis à personne, s'il te plaît, suppliai-je en faisant les yeux ronds.

— Ce n'est pas mon problème.

— Merci Andrew.

— Je ne te dois rien, simplement, méfie-toi de ce qui t'entoure.

Andrew remit la caisse à sa place avant de reculer. La charrette se sentit plus légère après qu'il fut descendu.

— Vous pouvez continuer votre chemin, marmonna Andrew.

La vieille femme continua son chemin.

Les derniers toits disparurent de ma vision. Le soleil éblouit mon regard. Mon corps se tourna dans le sens de la marche.

Nous étions qu'à quelques mètres de ma destination.

Au loin, j'observais les Uniformes Noirs à bord d'un bateau. Zeref regardait en direction de la charrette. Il tourna son visage vers le reste de la troupe qui commença à rejoindre le centre du lac.

Je descendis de la charrette pour reprendre ma route. La vieille femme quitta le paysage et s'enfonça dans la forêt. Le soleil allumait l'eau claire, couverte par une fine couche de glace.

Plusieurs rats pointèrent le bout de leur nez dans des trous formés dans la terre. Les oiseaux passèrent au-dessus et plongèrent pour manger leurs proies, le bec enfoui dans des terriers.

Les premières maisons apparurent. Depuis le temps passé, une autre partie du village s'était installée de l'autre côté du lac. Les maisons aux toits roses donnaient de la gaieté au paysage.

Les femmes, genoux à terre, ramassaient les dernières récoltes du champ. L'odeur, des tartes aux pommes, encore chaudes, me rappelaient mon enfance.

Ma mère me manquait : elle me préparait les meilleures tartes. Il y avait toujours quelque chose en plus dans ces tartes. Le goût d'une tarte chez un pâtissier reconnu n'était pas le même. Il manquait peut-être de l'amour dans la création de cette gourmandise.

Je l'avais appelé avant mon Expédition. Elle était vraiment fière de moi et semblait enjouée que j'y participe en compagnie d'Egdar.

Pour cet homme, je refoulais mes sentiments. Je n'arrivais pas à y faire face et je devenais de plus en plus sceptique au fur et à mesure du temps.

Je pensais tout le temps à mes sentiments envers lui et il s'agissait d'une véritable mauvaise idée. Un Ange était doué dans la manipulation, nous, Mortels, étions attirés par ces êtres dégageant une pureté inégalable.

Il s'agissait d'un piège, peut-être depuis le début.

Pourtant, il m'attirait d'une façon inconditionnelle.

Il était un garçon honnête, franc, droit avec lui-même. Un exemple, pour moi, pour tous.

Le Prince Immortel (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant