Izanami

55 - Promesse de jours heureux

Être aimé signifie se consumer.
Aimer c'est briller comme une flamme,
d'huile inépuisable.
Être aimé, c'est périr ; aimer c'est durer.

Rainer Maria Rilke

       2007

       Jade frappa la balle de toutes ses forces, sous les acclamations enthousiastes de son équipe. Le front luisant, elle l'essuya d'une main, essoufflée, mais ravie. Ils venaient de remporter le match. Une fois le cours de sport terminé, la flopée d'élèves se hâta aux vestiaires, et malgré la foule, Jade sentit des bras l'emprisonner avant que ses pieds ne quittent le sol.

— Mikey !

— Joli point, susurra-t-il au creux de son oreille. Ils avaient le seum.

— J'espère bien. Ito a mal choisi ses équipiers.

       Mikey relâcha délicatement sa copine avant de passer son bras autour de sa taille pour l'attirer contre lui. Un sourire illumina le visage de Jade en réponse à ce geste, et elle se mit à marcher à ses côtés d'un pas lent pour profiter un peu plus de ce moment. Ito passa près d'eux, non sans jeter un regard noir à Sano. Ce dernier ne daigna répondre que par son habituel sourire hautain, comme s'il se délectait de provoquer cette réaction.

— Sale con, j'aurai jamais l'occasion de lui en mettre une.

— Et c'est moi la rancunière... soupira-t-elle.

— C'est pas pareil ! rougna-t-il en réaffirmant son étreinte. Il te voulait alors que t'es à moi !

— Et il a bien compris que c'était pas touche ! rigola-t-elle.

       Un sourire naquit sur les lèvres de Manjirō lorsque Akina déposa un baiser sur sa joue. Enfin, il la relâcha devant les vestiaires avant de la retrouver à la sortie du lycée.

       Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis qu'ils avaient officialisé leur relation. Leur dernière année bien entamée, ils ne s'étaient pas spécialement cachés aux yeux de leurs camarades pour profiter pleinement de ces derniers instants d'insouciance.

       Au-delà de cette bulle de bonheur partagé, Jade se débattait avec l'incertitude quant à son avenir. Les études représentaient un certain coût. Pour l'instant, elle envisageait surtout de décrocher un emploi dans une librairie ou une bibliothèque. D'ailleurs, Mikey devait l'emmener à Minato déposer une candidature.

       À bord de sa CB250T, avec Akina accrochée à sa taille, Manjirō se sentait étrangement serein. Il chérissait ces instants fugaces où seule son étreinte subsistait tandis qu'il pilotait à travers les rues animées. La moto offerte par son frère et Akina : juste l'essentiel. La liberté sans artifice, ni superflu.

       La petite librairie où elle postulait était idéale : entre de grandes étagères en bois, chargées de livres aux reliures variées, un enchevêtrement de plantes diverses ornait chaque recoin. Il ne pouvait imaginer un endroit plus parfait pour sa copine.

— Croise les doigts pour moi, sourit-elle alors qu'elle descendait de sa moto une fois ramenée à bon port.

— Tu seras prise, assura-t-il.

— Tu me surestimes.

       Mikey enroula son bras autour de ses fines épaules, puis huma l'odeur de ses cheveux : un mélange de nature ensoleillée et de réconfort sucré. Son équilibre se tenait là, au creux de sa poitrine. Un sentiment de plénitude indescriptible. Akina laissa ses lippes glisser sur le coin de ses commissures avant que leurs yeux ne se croisent.