Chapitre 6

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Pensant que Ludmila allait répliquer avec virulence, Chad se prépara à la joute qu'il attendait depuis qu'il l'avait vue. Peine perdue, la jeune femme acquiesça la bouche entre-ouverte par la peur de faire ressurgir ses démons.

— Bien. Passez une bonne journée.

L'homme entendit un bref murmure arriver à ses oreilles mais lorsqu'il se retourna il ne vit plus personne. La jeune femme s'était tout simplement volatilisée. Sans doute avait-il rêvé.

— Ne revenez plus, monsieur Volkov, le prévint une voix douce derrière lui mais teintée d'amertume.

Le concerné se retourna en prenant son temps et croisa ces mêmes prunelles émeraude. Il détestait qu'on lui donne des ordres. Un vieux traumatisme que lui ont laissé ses parents. Il fit un pas en avant en menaçant du regard cette jeune femme qui se permettait de jouer avec ses nerfs. Tout ce qui touchait au contrôle qu'il exerçait le mettait dans une colère destructrice, et ce, peu importe qui se trouvait en face de lui.

— Je ne me suis peut-être pas bien fait comprendre.

Craintive, Ludmila détailla l'homme qui avançait vers elle. Il ne savait comment il devait agir mais la peur affichée sur le visage de l'impertinente suffisait à lui faire éprouver la satisfaction du dominant.

— Au contraire, monsieur Volkov, mais je vous invite à ne plus mettre vos pieds dans ce magasin, lui tint tête Ludmila aggravant son état déjà bien avancé.

— Votre impertinence est inadmissible ! N'oubliez pas à qui vous vous adressez, mademoiselle ! gronda Chad d'une voix rauque qui résonna dans le magasin vide.

Ses poings se serrèrent sous le coup de la colère qui bouillait dans ses veines gonflées par la rage.

— Je peux faire de votre vie un enfer ! Vous perdrez votre emploi ainsi que toutes les chances d'en trouver un !

Ludmila pâlit brutalement quand il se mit à la menacer ainsi. C'était le coup de grâce. L'homme d'affaires avait mis en pratique les cours de sa jeunesse. Il avait gagné, il le savait parfaitement. Attaquer là où ça fait mal. S'en prendre aux faiblesses de ses adversaires.

Malgré ce dernier coup de poignard dans le dos, la jeune femme fit un immense effort pour relever la tête et murmurer d'une voix éteinte avant de s'en aller cette fois-ci pour de bon sous le regard orageux de Chad :

— Je dis cela pour vous, monsieur.

Toujours aussi un tantinet contrarié par la scène venant de se dérouler, l'homme quitta le magasin sans chercher à en savoir plus. Son front crispé par la rage brûlant toujours autant en lui, s'attaquait maintenant à son cœur. Il sentait sa haine le consumer violemment et sans relâche de l'intérieur. Pas à pas. Morceau par morceau. Insatiable. Chad grinça des dents si fort qu'il les sentit crisser dans un son désagréable. Il se mit rapidement au volant de sa voiture et alluma avec un geste rageur la radio pour s'occuper les idées. La musique emplit doucement l'habitacle de ses violons, de sa harpe mélodieuse le détendant partiellement.

Au grand jamais une personne ne s'était montrée aussi stupide ! Personne n'avait jamais osé lui tenir tête ainsi ! Quel total manque de respect !

L'homme d'affaires abattit son poing sur le tableau de bord tout en tentant de refouler sa noire colère. Ses souhaits semblèrent être entendus quand la voix d'un présentateur de journal interrompit un concerto de Richard Strauss qui passait.

« Nous sommes navrés d'interrompre votre programme mais une nouvelle vient de nous être communiquée par la police russe. Un corps vient d'être découvert dans un vieil appartement à quelques quartiers du centre de Moscou. L'assassinat semble correspondre, d'après les premières constatations, au tueur briseur de cœur. Une femme fait désormais l'objet d'une enquête approfondie. Nous vous en dirons plus dans quelques minutes. En attendant soyez vigilants. »

Le Chant du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant