Chapitre 8

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Les talons de l'homme claquèrent sur le marbre blanc de l'entrée alors qu'il passait la porte d'entrée son air supérieur et méprisant toujours affiché sur son visage dont les traits étaient d'une perfection terrifiante. Il observa l'allée de graviers qui s'étalait devant lui avec satisfaction puis son attention dériva vers les platebandes où les agapanthes et les roses rouge sang se mêlaient avec une harmonie parfaite. La fontaine se dressant au centre de cet élégant ballet de pourpre et de bleu faisait briller la pierre grise qui la constituait. Les jets d'eau jaillissaient tels des serpents s'attaquant à leur proie avec cette même grâce qui les caractérisait si bien.

Chad détailla ce paysage qu'il n'avait plus vu depuis six ans avec nostalgie. Son regard froid se dirigea vers les grilles dont la forme avait été inspirée par celles du palais de Versailles, en France. Lorsqu'il avait visité ce palais où respirait la richesse de la royauté sous le roi Louis XIV, Chad avait envié l'architecture s'inspirant de celle romaine. Aujourd'hui, son domaine lui paraissait quasiment fade qu'il ne put s'empêcher de penser qu'entreprendre des travaux pour rectifier cela était une idée fabuleuse. À son grand regret, il reconnaissait en son fort intérieur que ce soudain caprice était dû à son manque d'occupation. L'homme abandonna donc son projet aussi rapidement qu'il avait fait surface.

Chad laissa ses pensées divaguer, le regard vide fixé sur les marches de pierre menant à sa demeure. Que devait-il faire ? Reprendre le cours de sa vie en tentant d'oublier cette jeune femme qui lui avait échappé ? Finir ce qu'il avait commencé afin de mettre fin aux tourments s'entremêlant dans son esprit jusqu'à n'en plus finir ? Devait-il écouter le peu de raison qui lui restait ou la folie meurtrière qui se consumait dans ses veines tel un poison lui étant aussi fatal qu'indispensable ? Tant de questions soulevées par une seule personne. L'homme d'affaires serra les poings, gagné par une terrible frustration. Il ne savait que faire. La laisser ou céder à ses pulsions. Un grognement sourd quitta à gorge pour mourrir contre ses lèvres plissées par l'amertume. Cela le démangeait de reprendre ses activités mais un blocage subsistait depuis sa dernière victime, il ne saurait l'expliquer. Son sang bouillonnait sous la tension qui l'habitait, couvait sous son attitude froide, calculée, distante. La frustration occupait chaque millimètre carré de son corps qu'il sentit ses mains en trembler.

Sa détermination sans faille venait de laisser place à l'incertitude. Toutefois, n'ayant pas pris l'habitude de se sentir si désarmé, l'homme d'affaires dans une élan de rage lança son poings contre le mur de pierre lui faisant face avec virulence. Sa réaction fut immédiate, il ramena rapidement son bras près de lui en hurlant de douleur et de colère mêlées sans retenue. Les traits de son beau visage se déformèrent pour laisser apparaître l'homme qu'il était réellement, un meurtrier se cachant derrière son ingéniosité et son habilité à tromper les autres pour mieux agir aux yeux de tous.

Son puissant râle alerta immédiatement la maison dont les domestiques se précipitaient, inquiets. La première sur les lieux fut Mariane dont l'expression angoissée ne lui échappa pas. Un sentiment égoïste s'empara de son être. Le soulagement. L'émotion qu'il voyait affichée sur son visage ridé fit naître en lui une quiétude effrayante. Les battements de son cœur se mirent à ralentir et la douleur s'amoindrit jusqu'à disparaître doucement. Il se redressa majestueusement, son expression arrogante n'ayant pas quitté un instant son visage. Il toisa le monde qui se pressait autour de sa personne avec dédain avant de renvoyer tout ces individus d'un geste hautain de sa main intacte.

— Partez ! tonna-t-il de sa voix rauque et intransigeante tout en ordonnant du regard à sa gouvernante de rester.

Son ordre fut tout de suite suivi et la foule partie comme si elle avait le feu à ses trousses. Chad regarda cet empressement avec un sourire cruel affiché aux lèvres, il aimait savourer la terreur qu'il infligeait. Il fut néanmoins détourné de cette sensation par le raclement de gorge discret de Mariane. Il se retourna, l'expression de nouveau impénétrable et darda un regard aussi sombre que séduisant sur la seule femme qu'il était capable d'écouter sans avoir envie des envies meurtrières. La femme abordait un air inquiet qui le força à réagir sans plus attendre.

Le Chant du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant