C'est la vie

La vie devant moi

« J'ai maintenant dix-sept ans et encore toute la vie devant moi. Désormais pensionnaire à Handas, j'imagine souvent tout ce que je vais pouvoir faire de ma vie.
Il y a tant de difficultés quotidiennes à affronter que je me dis que je vivrai toujours en foyer,
mais je n'ai pas envie de rester au même endroit. Enfin... Quelquefois, j'ai envie de rester et quelquefois j'ai envie de partir. J'aimerais bien faire de nouvelles connaissances tout en conservant les liens d'amitié tissés avec certaines personnes de ce foyer, résidents ou éducateurs. Je connais ici des gens qui maintenant font presque partie de ma famille. Je voudrais, si je pars, pouvoir prendre le train ou la voiture pour leur rendre visite.
Je pense que, d'une certaine manière, je m'enfuis de chez moi. Ma vie est maintenant à Handas. À part les week-ends, j'ai toujours vécu en institution. À la maison, je me sens comme moins libre. Pour moi, ce qui pose problème à mes parents, ce n'est pas mon handicap. Non, c'est plutôt une adolescente de dix-sept ans qui grandit et qui veut voir et faire autre chose.
C'est trop dur pour moi de penser à un avenir lointain. Je n'y arrive pas. Je réfléchis plutôt chaque jour à faire quelque chose pour améliorer mon état.
Mon plus grand souhait serait d'avoir un fauteuil électrique. Je pourrais aller en ville toute seule, me balader dans le foyer pour aller aider les autres. Cela me donnerait une plus grande autonomie. Mais je me dis que je ne pourrais pas l'apporter avec moi chez mes parents. Et je me sentirais encore moins libre à la maison...
Souvent, je fais des rêves. Je rêve que je fais toutes sortes de choses comme tout le monde. Je suis une artiste qui se produit sur scène, j'invente des tas de choses pour les handicapés, je fais plein de nouvelles expériences, je tombe amoureuse et je vis en couple. Je rêve et puis après, je me dis que c'est idiot. Je redescends sur terre. De toute façon, comment ces choses pourraient-elles se réaliser ? »