La vie à pleines mains

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J'ai dix-sept ans... J'ai déjà appris pas mal de choses. Mais j'aimerais comprendre de mieux en mieux le monde qui m'entoure. J'ai avant tout envie d'apprendre, de connaître des expériences nouvelles.
D'où je suis, le panorama est superbe. La plaine s'étend sous mes pieds jusqu'à la ligne floue de l'horizon. Je suis suspendue entre ciel et terre. Le bruit du vent et les battements de mon cœur pour seuls compagnons. Mais je n'ai guère le temps de rêver. Je continue ma lente ascension jusqu'à un « plafond ». Je vais devoir le passer à la force de mes doigts. Méthodiquement, je scrute la paroi du regard à la recherche d'une anfractuosité. Mes doigts s'y agrippent, évaluent la solidité de la roche. Je pousse sur mes pieds et cherche aussitôt un autre point d'appui. Ma respiration est régulière, ma concentration extrême lorsque je balance mes pieds dans le vide pour passer sur la corniche. Soudain, la roche s'effrite sous ma main droite. Mon taux d'adrénaline monte en flèche, le flux de sang s'accélère dans mes veines pour alimenter mes muscles tendus. Je tente désespérément de me rétablir, en vain. Dans un réflexe de survie, je me balance dans le vide pour essayer de saisir la corde à laquelle je suis encore accrochée. Je n'y arrive pas. J'entends, au-dessus de ma tête, la corde tendue qui craque et lâche. Les pupilles dilatées par la peur, je sens mon corps tomber brutalement. Un rocher un peu plus bas me retient une fraction de seconde. Je m'y agrippe de toutes mes forces. Je parviens à me rétablir et reste là, immobile, le temps de calmer ma respiration et mon esprit... Le vent doux effleure mes joues. La journée est trop belle pour mourir !
Oui, c'est vrai. Ce fut une bien belle journée. Bien calée dans le fauteuil de la salle Imax du Kinémax du Futuroscope, l'alpiniste venait de disparaître de l'écran, mais moi j'avais l'impression d'être encore accrochée à cette fichue falaise. Certains de mes muscles étaient même encore contractés par l'effort de l'ascension ! Au début du film, il me semblait être au pied de la montagne à observer la scène. Mais très vite, c'est mon propre corps qui était suspendu au bout de la corde, à chercher mon chemin.
Le film montrait non seulement l'alpiniste, mais aussi ce qu'il se passait à l'intérieur de son corps. Les images étaient tellement frappantes que je m'étais sentie envahie de sensations encore inconnues. J'avais, par procuration, partagé avec l'alpiniste la beauté du lieu, l'effort physique fourni et même la peur panique au moment de la chute. J'ai quitté la salle dans mon fauteuil roulant avec au fond de moi la sensation d'avoir vécu l'aventure de tous mes muscles, de toutes mes cellules.
Les autres attractions du parc ont été moins marquantes, même si le cinéma «60 images par
seconde» me revient en mémoire. J'étais assise confortablement dans un fauteuil de la salle, moins raide que mon fauteuil roulant ! Le film était pour moi difficile à regarder, tant les images défilaient vite. Et puis, tout à coup, une scène m'a aspirée dans l'action. Et je me retrouvais la tête dans l'eau, la tête sous l'eau. L'air me manquait et j'ai commencé à paniquer. J'ai cru couler !
Je suis rentrée fatiguée de mon expédition au Futuroscope. J'avais volé dans l'espace, grimpé une falaise, navigué, lutté contre la noyade. Pour une personne habituellement en fauteuil roulant, ce fut épuisant !
Merci à Jacques Lapouméroulie pour la formidable journée qu'il nous a offert. Je ne l'oublierai jamais.

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