Il fait noir. Ce n'est pas une noirceur qui me terrifie, au contraire. Je me sens apaisée, c'est un sommeil sans rêve, sans morts.Est-ce à ça que ressemble le comas ? Peut-être. J'ai conscience de ce qui m'entoure, j'entends des voix bien que je n'en discerne pas le sens. La dernière chose dont je me souviens, c'est cette chute interminable. Je me suis débattue dans le vide, secouant mes jambes dans tous les sens comme si cela allait permettre de m'envoler. Plus ma chute me paraissait longue, plus la fraîcheur se faisait présente. Une bénédiction pour la flamme qui me consume. Jusqu'à ce que tout disparaisse.
Peut-être suis-je morte ?
Si la mort ressemble à ça, j'en suis satisfaite. Ici il n'y a ni Dullahan, ni garde royal, seulement un vide bienvenu. Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai paru si sereine.
— Arrêtez de vous amuser et réveillez là avant que je ne m'agace.
Cette voix ne m'est pas inconnue. Des bruits de frottement de tissus - ou peut-être de tente - se font entendre. Je crois distinguer une odeur de fumée, peut-être de tabac. J'aimerai ouvrir les yeux, mais j'en incapable, mes paupières comme cellées. Une main agrippe la mienne, je sens mon corps être déplacé sans pouvoir me débattre. Et lorsque je pense que le pire va arriver, mes yeux s'ouvrent brusquement et je me redresse d'un coup. Mon cœur bat à tout rompre, ma gorge est nouée et je place une main devant mes yeux, éblouie par la luminosité. Je ne vois rien. Je suis vulnérable. Je sens mon angoisse se transformer en une énergie dangereuse et, au moment ou je m'apprête à me défendre, une main s'aggripe à la mienne;
— Calme toi, Leewan. Tu es en sécurité. Regarde moi.
Mes paupières s'ouvrent doucement pour s'accommoder à la lumière alors que mon regard rencontre celui de mon compagnon d'infortune. Ses iris bruns reflètent une inquiétude profonde, rien de très étonnant, une seconde de plus et il ne restait rien de cette... cabane. Mon attention dévie sur mon environnement. Nous sommes sous une tente. Des torches sont allumées, créant une lueur vacillante autour de nous, afin de nous éclairer - une bien mauvaise idée selon moi étant donné le tissu vert qui nous sert de mur.
Le sol est recouvert de tapis usés, une collection hétéroclite de tissus évoquant des voyages passés et des aventures oubliées. Je n'arrive pas à savoir où cette chute m'a fait atterir. Au fond de la tente, un amas de couvertures épaisses et de coussins me laissent penser que des gens vivent ici quotidiennement. Le bruit léger du vent agite les pans de la tente et m'angoisse en ne sachant pas où je me trouve. Je fixe le centre de la pièce où un modeste feu crépite dans un foyer rudimentaire, émettant une chaleur dont je n'ai clairement pas besoin qui contraste avec la fraîcheur de ma chute.
Des étagères improvisées, constituées de planches de bois soutenues par des caisses, sont remplies d'herbes séchées, de cristaux scintillants et d'armes. À côté, une vieille carte détaillée est épinglée sur le tissu de la tente, marquée de notes manuscrites et de croquis. Sauf que cette carte n'a rien de commun. Elle ne représente pas le royaume de Neleria. Je crois qu'elle représente Oneiros.
Nous ne sommes pas seuls dans la pièce. Un homme armé et vêtu de haillons me fixe avec méfiance, sa main fermement agrippée au manche de ce que je devine être une épée tandis qu'un autre se tient affalé sur une chaise, un cigare à la bouche. L'origine de l'odeur, donc.
— Où sommes-nous ? demandé-je d'une voix éraillée.
— A un kilomètre de la mer des songes, nous sommes en plein dans la barrière de rêves.
Indigo semble étrangement calme. J'ai entendu de nombreuses histoires sur la barrière. C'est ici que les créatures créées par les faiseurs de rêves atterrissaient pour ne pas détruire notre monde. C'est une légende, évidemment, les faiseurs de rêves n'existent plus depuis des siècles. Enfin, jusqu'à moi. Mais il n'est pas question de confier une information aussi importante à un prisonnier.
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La Flamme Perdue - Tome 1
FantasyIl y a de ça plusieurs siècles, le pacte signé par le peuple d'Aliaume avec celui des rêves était claire : l'accès au monde des songes doit être condamné car bien trop dangereux pour la paix que la royauté cherche a maintenir. En fermant les yeux ce...