La Flamme Perdue - Tome 1

Chapitre 10 - Le gardien des rêves

Dormir est l'une des activités que les orphelins préféraient lorsque nous étions enfants. Nous pouvions nous glisser au chaud sous nos draps, réchauffés grâce à des bouillottes par les soins de Darcy, et nous passions des heures à nous raconter des histoires avec ma camarade de chambre. A cette époque là, aucun don ne venait gâcher mes nuits. Morien était ma meilleure amie, celle avec qui je me sentais en confiance, même après que nous ayons eu chacune une chambre en grandissant. Je ne réalise toujours pas que celle que je considérais comme une sœur ait pu me trahir de cette façon. Peut-être aurais-je dû lui dire la vérité ? Peut-être que cela aurait tout changé. Aujourd'hui, la réalité est telle qu'elle est et je ne peux rien y faire.

Les genoux recroquevillés contre ma poitrine, je profite du calme de cette forêt qui n'existe pas réellement. Je ne me souviens pas de ma dernière nuit sans rêves. Voyager dans ce monde est devenu une habitude, même si la nuit est étonnamment calme pour une fois.

Je me concentre sur cet amas de bois que j'ai pris soin de regrouper. Mon but premier était de m'exercer à contrôler mes dons. Selon Indigo, j'ai besoin de repos pour devenir maîtresse de mes pouvoirs. Autant me reposer tout en m'entrainant. Au dernier moment, je me suis ravisée. Premièrement parce que j'ai bien trop peur de blesser qui que ce soit à présent que je sais que ces rêves se répercutent sur la réalité, mais également parce que je ne veux pas attirer l'attention avec de la fumée.

Avant que tout ne s'effritent dans ma vie, je pensais que le monde des rêves était directement relié avec la barrière des rêves. Après tout, les noms se ressemblent. Je réalise que ce n'est pas le cas, autrement je ne rêverai pas de l'endroit où je me trouve actuellement.

Un craquement de branche me fait sursauter et je me retourne brusquement, assise à même la terre. Un oiseau s'envole dans la nuit, les quelques rayons de lune m'éclairent à peine. Ma peau, d'ordinaire si blanche, se noircis par endroit et des crépitements orangés la recouvrent. Mon cœur bat fort contre ma poitrine et je n'ose plus respirer de peur de me faire remarquer.

Si les Dullahan m'avaient suivi, ils auraient déjà attaqué. Je les ai suffisamment affrontés pour connaître leurs tactiques : ils attaquent de front et ne se confondent pas en surveillance et autre perte de temps. Non, je ne connais qu'une personne capable de temps de destruction dans cette dimension. Je me redresse sur mes genoux, me moquant bien de tâcher les vêtements propres qu'Indigo m'a fournis et je me positionne, prête à attaquer ce traître s'il le faut.

— Priam ?

Ma voix n'est pas suffisamment forte pour résonner à travers les arbres. Un nouveau craquement me fait pivoter sur moi même, mon regard s'attarde sur chaque ombre.

— Je sais qu'il y a quelqu'un, montrez-vous.

Le silence me répond. La paranoïa réveille la flamme que je contenais tant bien que mal, avant qu'une vague de fraîcheur ne m'entoure et me calme. C'est une sensation libératrice. Mon corps se détend, mes doigts ne me brûlent plus et ma vision se fait plus claire. Je respire profondément, libérée de ce poids et je sens mes épaules se détendre.

— Je te sens, Priam. Montre toi.

Il n'en fait rien. Certainement par peur que je ne déraille après ce qu'il m'a fait. Il y aurait de quoi, après tout il est le responsable de ma fuite. Pourtant il devrait savoir qu'il est bien la seule personne avec qui j'arrive un tant soit peu à me maîtriser.

— Leewann ? Est -ce que tu m'entends.

La voix vient de partout et de nul part à la fois. La forêt tourne autour de moi, mon attention se porte sur chaque ombre de branches mouvantes à cause du vent. Ce n'est pas Priam. Je connais cette voix, elle m'accompagne depuis mon arrivée. Je continue de le chercher, mais plus la forêt tourne, plus la lumière décline, jusqu'à ce que je ne distingue plus rien.