La Flamme Perdue - Tome 1

Chapitre 5 - La cinquième pierre

Mon genoux tressaute nerveusement. L'attente jusqu'à l'arrivée de Priam me paraît insoutenable. J'observe la cible brûlée accrochée sur le mur près de la porte, comme si celle-ci avait quelque chose de passionnant. Je me demande ce que ce serait de vivre ici. Pouvoir développer ses capacités, apprendre à se contrôler tout en vivant dans un environnement stable et sans manque. Ou peut-être est-ce exactement ce qui pousse les puissants à devenir méprisant et élitistes. Je ne pensais pas Priam de cette trempe, je me trompais. Ils ont l'air de tous se ressembler, de mentir, trahir et manipuler. Enfin, il semble y avoir certaines exceptions. Morien m'a bien vendu pour je ne sais quelle raison... Et je ne le saurais probablement jamais.

— Quand compte-t-il arriver ? déclaré-je avec impatience.

Mon agacement transparaît dans la froideur de ma voix. Je n'en peux plus d'attendre. Le temps me semble interminable, je ne rêve que d'une chose : un lit chaud et une bonne douche. Malheureusement le repos n'est pas une liberté qui me sera accordée pour le moment. La reine se détourne des gardes au son de ma voix, sa robe virevoltant autour d'elle à chacun de ses pas jusqu'à créer un courant d'air autour de mes chevilles dénudées. Elle n'est peut-être pas aussi sympathique que ce qu'elle m'a laissé croire, mais je ne peux pas nier que son élégance est impressionnante. Ses cheveux grisonnant dans son illusions sont à présent d'un blond presque doré, encadrant un visage parfaitement maquillé. Ses pommettes sont rehaussées par une couleur pêche, et son regard dur encadré d'une poudre à paupière légèrement plus foncée que son teint à présent hâlé.

— La ponctualité n'a jamais été son fort, la vérité non plus.

Nous avons au moins un point commun, cette situation nous exaspère autant l'une que l'autre. La seule satisfaction que j'en tire, c'est que Priam soit considéré comme un menteur de par mon incapacité à montrer mes dons. C'est une occasion en or pour moi de m'en tirer. S'ils pensent que je ne suis pas celle qu'ils pensent, je pourrais peut-être continuer ma vie comme avant, me faire une place ici et trouver quelqu'un de fiable pour m'aider. Si cela est possible à Aliaume...

— Quand vais-je pouvoir partir ?

— Partir ? répète la reine.

Un rire moqueur lui échappe. Ce son semble rebondir contre la tapisserie partiellement noircie, me créant un frisson le long de mon échine. Cette femme est terrifiante.

— Tu ne pourras pas partir de Aliaume, poursuit-elle. Tu en sais déjà trop.

— Je le comprends. Je voudrais juste savoir si je pourrais sortir de ce château sous peu...

Je définis le lieu par un château, pourtant cela ressemble plus à une forteresse en vue du nombre de gardes. Je me garde cependant de partager ma pensée.

— Pour le moment, tu resteras ici jusqu'à ce que nous jugions de ta fiabilité.

— Je n'ai pas de don, je n'ai pas ma place ici ! la contredis-je.

Melitta de Nelmour me détaille de la tête aux pieds, jugeant certainement de mon physique en plus de mes capacités. Je suppose que mes guenilles à moitié brûlées ne lui plaisent pas, que ma chevelure de jet décoiffée fait désordre, sans compter mes chaussures dont les semelles sont décollées. Non seulement je n'ai pas les capacités pour rester ici à ses yeux, mais je n'ai pas non plus le style de la cours. Je suis bien loin de leurs belles robes. Alors à quoi bon leur servirais-je ?

— Je reste sceptique. Ce n'est pas parce que Priam s'est trompé sur ton don que tu n'en as pas. Les Dullahan ne sont pas morts seuls.

— Vous parlez des créatures que j'ai vu à l'orphelinat ?

Jouer les ignorantes est la seule option qu'il me reste. Mes arguments semblent sans effet, la convaincre que ce n'est pas moi ne sert à rien, surtout que je suis bien coupable. Pour toute réponse, la reine sourit, dévoilant une lignée de dents trop blanches pour ne pas être artificielles.