Chapitre 9 - Hors de contrôle

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Mes paupières ne cessent de monter et descendre. Peut-être qu'à force, la vérité me semblera plus acceptable. Pourtant les secondes s'écoulent, lentement, et la colère ne fait que grandir. Tous les indices étaient sous mon nez. Son costume de garde étrangement bleu aux épaulettes dorées, son autorité face à la reine. Il était impossible que Priam soit un simple garde, il m'a dupé. Je me sens tellement bête de n'avoir rien vu, je me suis mis des œillères et cela m'a conduite à ma propre déchéance. Priam m'a fait croire qu'il était de mon côté, qu'il pouvait m'aider alors qu'il ne vaut pas mieux que sa mère. Lui aussi n'était qu'une illusion. Évidemment, ça ne justifie en rien son aide lorsque j'étais dans l'enceinte du château, peut-être que cette interrogation me taraudera plus tard. Pour le moment, tout ce que je ressens, c'est une colère qui me consume de l'intérieur et qui ne demande qu'à sortir.

— Je veux commencer l'entraînement, déclaré-je sèchement.

— Je ne...

— Maintenant.

L'hésitation d'Indigo est palpable mais il finit par céder. Il sait parfaitement que s'il me refuse ce défouloir, ce camp ne sera plus qu'un souvenir d'ici peu. Je le sens dans mes doigts, dans chacun de mes membres, mes sentiments se répercutent directement sur mes dons. Alors il se redresse, retrouvant sa prestance de commandant et ordonne à l'homme montant la garde devant sa tente de nous rejoindre. Ce dernier se tient bien droit, le regard dur et j'observe la cicatrice qui barre son crâne rasé.

— Thalorian, ordonne à Seraphira de se préparer.

— Quel secteur ? l'interroge-t-il d'une voix dure.

— A l'extrême opposé du camp, je ne veux prendre aucun risque.

Une oeillade dans ma direction me suffit à comprendre où il veut en venir. qu'il n'ait pas confiance en moi est judicieux, j'ignore jusqu'où je suis incontrôlable, si je suis capable d'être aussi dangereuse que ce que la reine pense. Mes membres me semblent engourdis, un fourmillement familier se baladant dans mes doigts. Parfois, j'ai l'impression que la flamme en moi est vivante et danse dans mon corps, indépendante de ma volonté.

Une sensation étrange parcourt mes veines à mesure que nous nous approchons du secteur désigné par Indigo. Je ferme les yeux un instant, essayant de maîtriser le battement frénétique de mon cœur. C'est comme si l'air autour de moi s'épaississait, comme si elle vibrait d'une présence insaisissable. Mes sens s'aiguisent, captant le moindre changement dans l'atmosphère, attendant le moment propice pour se manifester et je retiens la flamme de toutes mes forces pour ne pas me laisser submerger. Je refuse de tuer. Je refuse d'être ce monstre que tout le monde pense.

— Leewan, je te présente Seraphira.

Mes paupières se soulèvent pour découvrir un visage angélique, abimé par une brûlure sur une bonne partie de sa joue. Pourtant même la plus grande des blessures ne m'empêcherait pas de reconnaître ce visage. Ma poitrine semble recouverte d'un poids qui n'a rien à voir avec mon don cette fois-ci et je laisse échapper un sanglot avant de me précipiter sur elle pour la serrer dans mes bras. Seraphi hésite un instant avant de m'entourer de ses bras à son tour et je ne sais plus où j'en suis. Son contact apaise un peu mes tourments intérieurs.

— Comment... Je pensais...

— La fête des moissons. Ils m'ont sauvé.

Sa voix n'est qu'un murmure. Je m'écarte, la chaleur de mes larmes laissant certainement un sillon rouge sur mes joues et je replace ses mèches courtes qui lui arrivaient jadis au milieu du dos. La fête des moissons avait été concluante pour elle. Darcy m'avait raconté à quel point Seraphi avait su impressionner les puissants et qu'elle avait été emmenée à Aliaume pour une vie plus belle. Je n'avais que quinze ans à l'époque. Elle en avait douze.

La Flamme Perdue - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant