Brutal

Prologue

Trouver l'amour n'est pas chose facile. J'ai longtemps envié ces gens qui, dès le lycée, se mettent en couple, tombent amoureux et restent ensemble pendant des années. Les high school sweathearts.

Les choses n'ont jamais été si faciles pour moi.

J'ai perdu ma virginité l'an dernier, lors d'un week-end entre amis dans le sud de le France. C'était avec l'un des amis de mon frère. Je n'ai pas de regrets à ce sujet. J'en avais envie, et lui aussi. Rien de plus. Pas de sentiments. Pas d'attaches. Pas de romance. Juste du sexe. Même pas du bon sexe.

Malheureusement, Yann n'a pas été aussi performant qu'il aimait s'en vanter. Et heureusement pour lui, j'avais peu d'exigences. J'étais tellement timide et manquait tellement de confiance en moi que je me fichais totalement de prendre du plaisir ou non. J'étais convaincue que me sentir désirée par un homme suffirait à satisfaire ma fragile estime de moi.

Pitoyable.

Au final, ce ne fut ni une bonne ni une mauvaise expérience. Je me suis simplement débarrassée de cette virginité encombrante que je trainais derrière moi depuis quelques temps, comme une boulet à ma cheville, un freint à ma liberté. Je pensais que me faire dépuceler ferait de moi une femme accomplie, pleine d'assurance, sûre de qui elle est et de ce qu'elle veut. En vérité, cette petite expérience n'a pas changé grand-chose à mon quotidien. Je suis toujours la même. Toujours aussi vulnérable et si peu sûre de moi.

Trouver l'amour n'est pas chose facile, c'est évident. Mais ce n'est pas l'amour que je cherchais à ce moment-là. Quoi que. L'amour de moi-même peut-être. M'accepter comme je suis. Apprendre à aimer mon propre corps avec ses faiblesses et ses défauts.

Je n'ai jamais couru après l'amour des autres de toute façon. Avec une famille comme la mienne, inutile de courir après l'amour. Il n'y en a pas. Ou très peu. Je me suis toujours contentée de l'amour de mon frère, la seule personne qui compte vraiment pour moi. L'amour des autres avait peu d'importance à mes yeux.

C'est sûrement à cause de cette famille dysfonctionnelle que je n'ai jamais fait de l'amour une priorité.

Pour beaucoup de femmes, l'amour inconditionnel d'un homme est comme le Graal. Elles le désirent à tout prix. Et même si ça n'est pas mon cas, je dois avouer que j'apprécierais de me sentir aimée et chérie. Juste une fois. Je ne cherche pas l'amour. Ça n'est pas mon but. Mais quand même, être aimée n'a pas l'air si mal.

Trouver l'amour n'est pas chose facile. Et trouver un homme bien n'est pas la tâche la plus difficile à accomplir dans cette quête à la passion. L'étape la plus difficile à mes yeux est la suivante : Une fois l'homme parfait trouvé, comment puis-je avoir confiance en ses compliments si je ne m'aime pas moi-même ?

Les belles paroles qui m'ont été adressées par le passé sonnaient creux car je ne les croyais pas. Les flatteries ressemblent souvent à des mensonges quand j'en suis la destinataire. Inutile de me dire que je suis jolie car je me trouve sommaire. Pas la peine de complimenter mon intellect, je sais très bien que je manque de culture générale et d'esprit critique.

Trouver l'amour n'est pas chose facile. Sauf lorsqu'on s'y attend le moins ? C'est ce que disait ma grand-mère paternelle, en tout cas. C'est quand on arrête de chercher que l'on trouve ce que l'on cherchait.

Je crois que, d'une certaine manière, je hais l'amour. Surtout depuis que j'ai rencontré Matisse.

Je l'ai aimé, encore et encore, toujours plus fort, à tel point que j'ai fini par croire qu'il m'aimerait peut-être lui aussi.

Que nenni.

Ce n'est pas qu'il ne le veut pas, mais pour lui aussi, ça n'est pas facile. Et je le pardonne. Sûrement parce que je l'aime, moi. Oui, je l'aime.

Je l'admets.

Je l'accepte.

J'en souffre, mais ça n'est pas grave.

A présent, je vais devoir vivre avec cette douleur constante, ce vide dans ma poitrine. Pourtant, je ne lui en veux pas. J'en veux à l'amour.