Brutal

Chapitre 5 : Respire

  Rose

          C'est le week-end. Comme tous les samedis matin, je me dirige vers mon cours de yoga. Ma mère est une personne très spirituelle. Depuis toujours, le yoga fait partie de notre mode de vie. Petite, elle organisait des séances de méditations avant de m'emmener à l'école. « Respire » disait ma mère, « ferme les yeux et éveil ton esprit. Pense à la merveilleuse journée qui t'attend ». Petite, elle me forçait à faire du yoga dans le jardin. Chaque pose qu'elle n'osait pas essayer, elle me la faisait faire d'abord. J'étais un peu son cobaye. A l'époque, ces séances de yoga improvisées étaient les seuls moment de complicité – si tant est qu'on puisse dire qu'il y a un jour eu de la complicité entre nous – que nous partagions, alors même si je n'étais pas toujours contente de faire ça avec elle, j'obéissais afin de lui faire plaisir.

Bien que je ne m'entende pas vraiment avec ma mère, le yoga est resté une habitude. Hors de question que j'arrête. C'est ce qui me permet de tenir bon quand rien ne va. Rien de mieux pour lutter contre le stress qu'une bonne séance de yoga. Bien que je ne sois pas aussi spirituelle que ma mère, c'est une activité physique qui me plait et qui m'apaise.

Arrivée à mon cours, je salue mon groupe de copines. Je retire ma veste et attends patiemment que le professeur débute. Cédric est un homme d'une cinquantaine d'années. Il ne paye pas de mine, à première vue, mais c'est le meilleur yogi que je connais. Malgré son âge, il est incroyablement souple et fort. Contrairement à beaucoup d'hommes, il est aussi doux et bienveillant. Il se soucis de ses élèves. Avant lui, j'avais essayé plusieurs autres cours, tous plus horribles et étranges les uns que les autres. Par exemples, quelques années plus tôt une amie m'avait conseillé un cours durant lequel la professeur poussait des cris à chaque position. « Un moyen d'extérioriser » selon elle. Cette méthode fonctionne peut-être pour d'autres personnes, mais très peu pour moi. Cédric me convient beaucoup mieux. Je pratique le yoga pour me détendre, prendre conscience de mon corps et m'amuser, pas pour hurler comme une dégénéré pendant que je suis en équilibre en position du corbeau. Cédric est un prof incomparable. La première fois que je l'ai vu, sa douceur et son accueil chaleureuse m'ont tout de suite plu. Il faut dire que la plupart des hommes dans leur cinquantaine ne lui ressemblent pas du tout. Prenez mon oncle par exemple : Il a cinquante-trois ans. Il aime les blagues grossières, parler des femmes comme si elles étaient des objets et il n'est pas du tout athlétique. Je sais qu'en vérité il respecte les femmes, mais voir cet homme au crâne dégarni et eu ventre à bière énorme rigoler de la place de la femme comme s'il leur était supérieur, non merci. Les regards lourds dès qu'une belle femme passe, je les supporte mal. La blague typique selon laquelle les femmes appartiennent à la cuisine, je n'en peux plus. Je sais que mon oncle n'en pense pas un mot, mais c'est une blague lourde qui a déjà été trop faite à mon goût. Et de la part d'un homme au chômage qui n'a jamais vraiment accompli quoi que ce soit dans sa vie, je trouve ça un peu gonflé.

Bref, Cédric est l'opposé de ce qu'est mon oncle. Les femmes composent la majore partie de sa clientèle et il les respecte. Pour de vrai. Pas de blagues lourdes. Pas de regards déplacés ou de remarques perverses. Juste du calme et de la bienveillance.

Aujourd'hui, la séance se concentre sur la sangle abdominale. Les exercices sont lents mais intenses. J'en tremble. Dans le yoga, la respiration est l'un des éléments les plus importants. Il faut savoir respirer sans ouvrir la cage thoracique, inspirer et expirer sur les bons mouvements. Dans le yoga, la respiration est tout un art, alors je me concentre. A la fin du cours, je prends une profonde inspiration, me positionne entailleur, puis expire longuement par la bouche. Je suis détendue. Cette méditation de fin de séances me rappelle ma mère. Elle les a toujours adorées, ces moments de calme après des séances intensives.