Chapitre 14 : L'art qui me touche.

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Rose

9h35. Mon réveil sonne.

Comme nous nous voyons presque tous les samedis soir, Matisse et moi avons développé une petite routine : Promenade ou cinéma, puis baise intense avant de nous endormir devant un épisode de South Park.

Oui, nous regardons South Park juste après avoir couché ensemble. C'est drôle et ça nous permet de redescendre sur terre après un moment d'intimité intense. Un jour, j'ai fait l'erreur d'en parler à Camille, et mon amie a trouvé ça absolument ridicule. Ça l'est peut-être un peu, mais c'est notre rituel à nous, et ça me convient parfaitement.

Et le lendemain matin, c'est réveil en douceur, suivi d'une nouvelle promenade dans les rues de Paris pour un passage à la boulangerie pour le petit-déjeuner. Pour moi, toujours un croissant. Ensuite, retour à l'appartement où je récupère mes affaires. Et pour terminer, un baiser fougueux me signale qu'il est temps pour moi de m'en aller.

Ce matin, j'attends patiemment que Matisse se réveille. Mon alarme a déjà sonné à deux reprises, mais Matisse est épuisé au point qu'il ne l'entend même pas. Lui qui se réveille d'habitude au moindre bruit ou mouvement, ses paupières restent closes. C'est pourtant lui qui se lève toujours le premier. Je me demande ce qui l'a extenué au point de s'endormir si rapidement et de ne pas entendre l'alarme de mon téléphone qui, posé sur le lit à côté de mon visage, fait trembler le matelas de son vibreur.

Comme je ne suis pas chez moi, je n'ose pas trop sortir du lit avant Matisse. Ce flou autour de notre relation me permet à la fois d'être à l'aise et confiante, tout en m'empêchant de me sentir comme à la maison. Je suis pourtant là toutes les semaines. Je pourrais très bien me lever et préparer le café, mais je ne le ferai pas. C'est chez Matisse ici, pas chez moi.

Et au passage, je préfère rester au chaud, blottie contre Matisse, et profiter de son corps près du mien quelques minutes de plus.

- Mon père doit rendre visite à un de ses amis qui vit dans l'immeuble, déclare Matisse en se réveillant, les yeux rivés sur son portable. On risque de le croiser.

Ça ne me dérangerait pas. Je n'ai jamais rencontré sa famille, ni lui la mienne, mais ça ne me pose aucun soucis. trouvent ça étrange, mais selon moi, ça nous permet de rester dans notre bulle. Notre relation est pleinement notre et personne ne s'en mêle, même pas nos familles.

Matisse se lève et allume la cafetière. Il n'est pas très bavard le matin, alors il me surprend lorsqu'il me propose d'aller voir une exposition temporaire aux Halles Saint Pierre.

Quelque chose cloche dans sa proposition.

J'adore l'art, là n'est pas le problème. Mais c'est une activité que nous n'avons encore jamais faite ensemble. Je suis excitée à l'idée de faire quelque chose de nouveau avec lui, tout en étant déstabilisée. Ça ressemble étrangement à une stratégie d'esquive pour que je ne croise pas son père.

Si je doute que cette proposition soit anodine, c'est pour une raison bien précise : Matisse est un expert en l'art de l'esquive. Il me l'a démontré à plus d'une reprise.

Un sujet ne lui plait pas ? Un baiser.

Une question à laquelle il ne souhaite pas répondre ? Un câlin.

Une conversation trop personnelle et sentimentale ? Il change immédiatement de sujet sans même feindre l'innocence. Il sait que je sais qu'il évite certains sujets.

Et ça, c'est comme les sentiments, ça se lit dans son regard... ou plutôt, dans sa façon de détourner le regard. Ses yeux fuyants font partie intégrante de ses stratégies d'esquive.

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