Rose
Après une semaine d'examens intense, je peux enfin respirer. Les vacances de Noël commencent. Pour beaucoup de monde, cette période de fêtes est le moment le plus attendu de l'année, mais pas pour Léo et moi. Chez nous, Noël est synonyme d'un repas de famille gênant et interminable. C'est d'ailleurs ce soir que je dois retrouver mon jumeau en bas de l'immeuble de mes parents afin d'aller fêter le Réveillon avec eux. Hors de question que l'un de nous deux les affronte seul. Nous passerons la porte ensemble, ou nous n'irons pas. C'est tout ou rien. Pas de Rose sans Léo ni de Léo sans Rose.
Angoissée à l'idée de revoir mes géniteurs, j'arrive avec une dizaine de minutes d'avance en face du bâtiment où j'ai grandi. Aucune nostalgie. Aucun souvenir d'enfance que je veuille me remémorer. Je redoute plus que tout cette soirée de l'enfer en compagnie de mes parents.
- T'es où ?
Léo me répond instantanément. Il sera bientôt là. Mon frère me connait par cœur et avait prévu que j'arrive en avance, il a donc pris l'initiative de venir quelques minutes plutôt lui aussi.
Quand j'aperçois enfin les longs cheveux blonds de mon frère, un long soupire quitte mes lèvres.
- Je n'ai pas du tout envie d'y aller. Viens, on fait demi-tour et on passe la soirée tous les deux, suggéré-je.
- Arrête. Ça va aller.
- Non ça ne va pas aller ! On va manger leur bouffe dégueulasse, essayer de sourire à leurs blagues de merde, maman sera bourrée et papa sera défoncé. Je vais finir par m'énerver, comme tous les ans. En vérité, ça n'est même pas la peine d'y aller. On a déjà vécu cette soirée tellement de fois. Alors à quoi bon recommencer ?
Mon frère hausse les épaules et me tire vers la porte d'entrée. Je ne comprends pas pourquoi il persiste à vouloir venir ici chaque année. S'il n'insistait pas chaque Noël, je ne viendrais jamais. Le repas du Réveillon est de loin la soirée la plus désagréable de l'année.
Jean et Carole Martel n'ont jamais été de bons parents, et pourtant, je crois qu'au fond de lui, Léo n'arrive pas à faire le deuil de cette famille dysfonctionnelle. Quelque part, même s'il sait que c'est peine perdue, il espère toujours que mes parents s'améliorent. Il a l'espoir qu'ils nous aiment, sauf qu'il devrait savoir que ça n'arrivera jamais. Nos parents ne s'aiment même pas eux-mêmes, alors comment pourraient-ils nous aimer nous ?
Avant de pénétrer dans le vieil appartement dont l'odeur de tabac est perceptible même à travers la porte close, Léo se tourne vers moi.
- Respire, ça va bien se passer. Même si maman est torchée et qu'elle ne te parle que de yoga, reste calme. Même si papa parle nous ignore ou fait quelques remarques de merde, on s'en fout. Pareil pour Quentin. On s'en fout. On rentre, on mange, on fait acte de présence, et on s'en va.
Ne voulant pas décevoir le seul membre de cette famille que j'aime réellement et qui a toujours été présent pour moi, je hoche la tête et tente de sourire. Léo sourit à son tour, encouragé par ma réponse.
- Ok, c'est parti.
Sans toquer, mon jumeau ouvre la porte et entre dans l'appartement nauséabond. Au milieu de la salle à manger, mon père et ma mère son assis, chacun d'un côté de la table. Ils ne parlent pas. Mon père, vêtu d'un vieux t-shirt qu'il mettait déjà quand j'avais cinq ans, regarde un match de foot bruyant sur son portable tandis que, de son côté, ma mère peint ses ongles d'un rouge pétant assorti à sa robe.
Parfois, je me demande comment mes parents ont fini ensemble. Ma mère, même si elle boit trop, est une belle femme. Coquette, sportive, curieuse et cultivée, malgré son air de tête en l'air. Elle aurait pu trouver beaucoup mieux. Quant à mon père, je comprends qu'il ait été attiré par elle, mais de là à se marier et avoir des enfants ? Jean Martel est un petit homme, gras et égoïste. Seuls le foot et son estomac comptent pour lui.
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Brutal
RomanceLors de sa première année de fac, Rose fait la rencontre de Matisse via un site de rencontre. Plus âgé qu'elle de quelques années, Matisse est intimidant et charismatique. Après quelques rencontres à peine, Rose est accroc. Elle ne peut plus se pass...