Brutal

Chapitre 17 : Mon premier joyeux Noël.

Rose

Pour la première fois de ma vie, je suis sereine à l'approche de Noël. Ce soir, c'est la veille du Réveillon, et l'idée de retrouver Matisse chez lui m'apaise. Même si ce Noël se déroule de manière catastrophique, à l'instar des années précédentes, au moins, j'aurais eu cette soirée. Comme nous nous apprêtons à échanger nos cadeaux, je considère que c'est un petit peu notre Noël à nous, dans notre cocon, dans notre bulle, à l'écart des drames du quotidien. Et cette célébration-là, je ne la redoute pas. Bien au contraire. J'ai si hâte de lui offrir son présent. Il s'agit d'un t-shirt sur lequel se trouve l'un des tableaux observés lors de l'exposition de Stéphane Blanquet. J'ignore si ces œuvres d'art ont marqué Matisse autant que moi, mais j'aime à croire que ce moment que nous avons partagé marque une étape importante dans notre relation. Au-delà de l'art, ce fut un moment privilégié entre lui et moi. Tout ça n'est plus une simple histoire de sexe. Non. Nous partageons bien plus que ça. Et j'ai le sentiment que notre relation ne cesse de s'intensifier. Je ne sais pas où tout cela nous mènera, mais je laisse faire le temps. J'ai confiance.

Notre rapport à l'art, à Matisse et à moi, nous lie aussi. Ce que nous vivons est à la fois charnel, empli d'émotion, et quelque peu spirituel. Durant l'exposition, une chose m'a sauté aux yeux : je n'avais jamais vu Matisse si calme. Face aux tableaux et sculptures, il semblait apaisé. Au fond de son regard, une lueur d'agitation persiste toujours, même dans les bons moments, même dans l'intimité. Mais pendant l'exposition, tandis que nous déambulions dans la galerie d'art, Matisse était serein, pleinement présent. Plus une once de tracas dans le regard.

Et ce jour-là, bien que Matisse ne m'ait pas officiellement présentée à son père (un fait qui me trotte régulièrement dans la tête), j'ai compris qu'il ne souhaite pas cacher notre relation. Il peine à exprimer ses sentiments.

A première vue, il semblerait qu'il ne laisse jamais transparaitre aucune émotion, mais je le connais mieux que ça. Même devant son père, sa main ne s'est pas détachée de ma taille, signe que nous ne sommes pas de simples amis, que nous partageons une intimité. Et avec Matisse, j'ai appris avec le temps que ce que les mots ne disent pas, ses gestes l'expriment. C'est aussi pour cette raison que je suis pressée d'arriver chez Matisse et de découvrir la surprise qu'il me réserve.

Matisse a horreur des cadeaux. Il me l'a dit l'an dernier, à la même période. S'il exprime peu son affection, c'est en vérité un trait de famille, et pas une caractéristique qui lui est propre. Chez lui, les cadeaux étaient assez rares et il n'a pas été habitué ni à en recevoir ni à en offrir. Alors, s'il a pris la peine de me trouver un cadeau, j'imagine que cela doit avoir du sens pour lui. Ça n'est pas anodin.

Chaque matin depuis qu'il m'a annoncé qu'il avait une surprise pour moi, Matisse m'envoie un message et me demande si j'ai deviné de quoi il s'agissait. Je prétends n'avoir aucune idée, pourtant, j'ai une petite intuition.

pas à ce qu'il fasse partie de la décoration de l'appartement de mon nouvel amant. J'ignore pourquoi, mais ce détail m'a marqué. En plus de ça, quand Matisse est distrait, qu'il ne fait pas attention à moi, je le surprends souvent, le regard fixé sur la Vénus. C'est peut-être idiot, mais c'est un signe suffisant pour moi. Ce soir, son cadeau aura un lien avec le célèbre tableau du peintre italien. J'en suis certaine.

Mon amant m'ouvre la porte avant même que j'ai le temps de sonner. Il a dû m'entendre monter les escaliers (les murs sont fins, c'est l'un des nombreux défauts que possèdent les vieux appartements parisiens). J'arrive, essoufflée, et Matisse m'embrasse sur le palier. Il se saisit ensuite de ma main et m'entraine vers sa chambre où je m'assieds sur le lit.

- Est-ce que tu préfères attendre ou échanger les cadeaux maintenant ?

- Maintenant, répondis-je sans une once d'hésitation.