Le jeune renard se leva aussitôt, embrassa sa mère et alla ouvrir. Une fois dehors, ébloui par la lumière du jour, il mit quelques instants avant de reconnaître le visiteur. C'était bien Anatole, l'écureuil avec qui il avait fait un nombre incalculable de bêtises. Puni à de maintes reprises par ses professeurs, Huli avait eu, durant toute sa scolarité, un comportement inapproprié qui avait fortement perturbé ses apprentissages et fait de lui un irrécupérable cancre.
« Salut Huli ! Ben dis donc, t'en as une sale tête. T'as pas dormi ou quoi ? Eh... mais attends... T'as pleuré, non ? »se moqua Anatole.
Huli ne répondit pas. Toujours furieux de la conversation qu'il venait d'avoir avec son père, il n'apprécia pas les sarcasmes de son ami. Il prit donc le chemin de l'école pour la dernière fois de sa vie sans attendre ni saluer son compagnon. Celui-ci, surpris par cette réaction, le rejoignit en s'excusant.
« Désolé, je ne voulais pas te vexer mais je m'attendais à te trouver excité comme une puce pas en dépression.
—Je me suis encore pris la tête avec mon père. Il ne veut pas que je sois musicien.
—Qu'est-ce que tu racontes ? C'est ton choix, pas celui de papa poltron et maman froussarde. Tu ne peux pas abandonner ton rêve. »
Contrairement à son ami, Anatole avait des parents très permissifs car rarement présents. Pour tout dire, il les connaissait surtout à travers leurs aventures dans la forêt profonde. Son père, un blaireau et sa mère, une oursonne, travaillaient tous les deux dans une entreprise de transport de marchandises. Ils étaient très souvent en mission et n'avaient pu, de ce fait, s'impliquer réellement dans l'éducation de leurs enfants. Ne les voyant pratiquement jamais, ils ne voulaient pas sacrifier les quelques jours qu'ils passaient tous ensemble à les réprimander, et fermaient donc les yeux sur les bêtises de leur nombreuse progéniture.
Élevé par ses frères et sœurs, qui n'avaient jamais reçu d'éducation convenable eux-mêmes, Anatole avait toujours été considéré comme un petit voyou. Car oui, il était petit. Il faisait pratiquement une tête de moins qu'Huli qui déjà n'était pas grand. Son pelage roux vif, sa longue queue touffue, sa tête toute ronde, ses petites oreilles pointues et ses grands yeux noirs soulignaient sa personnalité survoltée. Il était toujours en tension, animé d'une énergie hors du commun. Extrêmement vif et agile, plus d'une fois il s'était sorti de situations périlleuses. Il n'avait pas froid aux yeux et était toujours partant pour faire les quatre cents coups.
« En tout cas moi, je suis sûr de devenir transporteur de marchandises. Personne ne veut faire ce boulot et il manque toujours de la main d'œuvre.
—Toi, tu as toujours eu de la chance, répondit Huli un peu jaloux de son ami pour qui rien ne semblait jamais compliqué. »
Les deux compères quittèrent Frênebois, le quartier où ils vivaient. C'était une zone d'habitations plutôt pauvres d'une centaine de trous tous identiques. Pour rejoindre Racinevive, leur école, les deux acolytes traversèrent le quartier d'Herbetronc puis le marché de la Souche. En arrivant devant les portes encore closes du gros arbre creux, ils retrouvèrent leurs anciens camarades de classe qui attendaient eux aussi de connaître leur futur métier.
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Koadeg : La forêt monde
FantasyPourquoi la forêt de Koadeg est-elle peuplée d'animaux humanoïdes ? Et qui sont vraiment les dieux étranges qui la gouvernent ? Autant de questions qu'Huli, Anatole et Azéria ne se seraient jamais posées si une force encore plus grande que la magie...