Koadeg : La forêt monde

Chapitre 3.3

Les cinq animaux se levèrent et montèrent sur scène. Huli remercia sa bonne étoile de ne pas avoir été appelé. Fréki Amarok leur montra les trois tas de pommes présents sur scène puis leur confia un sac. Il leur demanda de le remplir avec le petit tas qui ne devait pas contenir plus d'une cinquantaine de fruits. Ils s'exécutèrent rapidement et le sac changea de couleur : du blanc, il passa au rose pâle. Le loup leur donna un second sac qu'ils durent remplir avec un second tas. Il était bien plus gros et contenait facilement deux cents pommes. Comme ils étaient un peu longs à s'exécuter, le préparateur de mission sollicita l'aide de la deuxième rangée. L'un d'entre eux interpella le loup :

« Mais ce sac est bien trop petit !

—Fais ce qu'on te demande sans poser de questions », lui répondit-il sèchement.

Lorsqu'ils y déposèrent la dernière pomme, le second sac ne semblait pas contenir davantage que le premier. Il avait exactement la même taille. Seule la couleur avait changé : elle était devenue orange. Pour le troisième tas, encore bien plus gros que le précédent, Fréki Amarok demanda à la troisième rangée de se lever. Huli, accompagné de ses quatre voisins, monta sur scène pour remplir le nouveau sac. En y déposant ses fruits, il jeta un coup d'œil à l'intérieur mais ne distingua aucune pomme, seulement les ténèbres. Quand tout fut terminé, le responsable invita les premiers rangs à retourner s'asseoir à leur place puis désigna deux nouvelles personnes, un très grand ours au corps athlétique et une petite fouine plus frêle encore qu'Anatole. Il demanda au colosse de porter le dernier sac qui avait pris une belle couleur rouge. Sans difficulté, il réussit à le soulever et à le mettre sur son dos. Tous furent impressionnés par sa force. Le loup demanda ensuite à la petite fouine de faire la même chose. Elle non plus n'eut aucune difficulté à s'exécuter. Une exclamation de stupéfaction traversa l'assemblée.

« C'est toujours surprenant, n'est-ce pas ? fit le loup amusé. Merci, vous pouvez retourner vous asseoir. Comme vous l'aurez deviné, ces sacs sont enchantés. S'ils gardent toujours la même taille, c'est par leur couleur que vous connaîtrez le volume de leur contenu mais aussi le poids que vous aurez à porter. Ainsi un sac rouge pèse exactement dix pour cent du poids de son porteur, un orange cinq et un rose deux. Ces poches magiques sont aussi extensibles et peuvent multiplier leur volume par cinquante. Ainsi est-il possible d'y insérer de gros objets. Lorsqu'on a terminé de charger un sac agrandi, celui-ci reprend son volume d'origine en dix minutes seulement. Sans que vous ne vous en aperceviez, il vous arrivera donc de transporter de très gros colis. »

L'auditoire était émerveillé par tant de prodiges. Huli, rassuré, réalisait que la corpulence d'un transporteur n'était pas si importante que ce qu'il avait imaginé le matin.

« Les sacs sont scellés par une liane verte », continua le loup en leur présentant une petite graine. Elles poussent uniquement à l'embouchure des sacs ». Il plaça la petite graine sur le sac rouge et une liane y poussa instantanément. En s'entortillant, elle rendit impossible l'ouverture du sac. « Quiconque veut s'emparer d'un produit contenu dans le sac doit retirer la liane. De cette façon, il vous est impossible de chaparder sans vous faire prendre. Pour les petits malins, pas la peine d'aller voler le sac d'un collègue, quand une liane est coupée, c'est le groupe entier qui en paie les conséquences. »

Dehors, le hibou chantait minuit. Les jeunes recrues s'agitèrent pour signifier leur envie d'aller se coucher.

D'un signe de la main, Freki Amarok fit alors comprendre à l'intendante en chef qu'il avait terminé sa présentation.

 « Bien Mme Papillon va vous emmener aux dortoirs. Merci de votre attention, profitez de cette courte nuit car à présent de longues journées vous attendent ! »