Chapitre 1 - Avancer

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Il avait enlevé son masque de fin tissu et plongeait ses mains dans l'eau glacée. Le jeune homme avait préféré faire une pause pour boire et se passer de l'eau sur le visage. Il avait pris la route vers Azmar, une ville prometteuse pour ses recherches sur Alera. Il la recherchait depuis ce qui lui semblait être une éternité. Il vivait avec son absence, son esprit tristement silencieux. Depuis tant d'années, il ne souhaitait qu'une chose : la retrouver. Il n'avait pu lui faire ses adieux. Du jour au lendemain, elle avait disparue. Effacée. Volatilisée. Il avait souffert, ayant l'impression qu'on lui avait enlevé une partie de lui-même. Et c'était peut-être le cas. Cela avait été pire avec le temps, encore plus avec la trahison des Kane et les nouveaux rapports entretenus avec le Roi depuis.

Sa fuite avait été difficile à organiser, plus encore de cacher ses intentions pendant des années, mais il était parvenu à ses fins. Il était parti sans se retourner, sans remords, sans regrets. À l'époque, il avait pu compter sur l'aide de sa soeur jumelle, Eysa. Une jeune femme douce, déterminée, des cheveux de jais et des yeux d'un bleu un ton plus clair que les siens. Il était proche de sa soeur, qui elle ne souhaitait pas fuir la famille, mais qui l'aidait volontiers. Il aurait aimé la sauver de cet enfer avant qu'il ne soit trop tard. Eysa avait vécu des horreurs. Des horreurs que personne ne devrait avoir à vivre dans une vie.

— Hayden, reprends-toi, murmurait-il, un sanglot coincé dans la gorge.

Il frotta ses yeux et respira longuement. Il n'arrivait pas à leur pardonner leurs actes. Il éprouvait une myriade d'émotions quand il pensait à Eysa. D'abord venait le chagrin, la tristesse étreignant son coeur. Souvent, la nostalgie venait s'en mêler, puisqu'il se remémorait des moments heureux passés à ses côtés. D'autres fois, c'était la culpabilité qui prenait le dessus. En y réfléchissant, il aurait pu changer les choses, et pour cela il s'en voulait terriblement. La colère était toujours présente, profondément enfouie en lui. Hayden haïssait ses parents et ses frères. Sa colère s'accompagnait toujours d'une énergie intense parcourant tout son corps, créant un noeud dans son estomac ou une lourdeur dans sa poitrine. Eysa était sa corde sensible. Il vivait avec son souvenir, chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Il vivait grâce à elle et pour elle. Plus jamais elle ne foulerait ces terres, ou ne verrait les merveilles que le monde recèle. Alors, pour elle, il vivrait pour deux.

Il s'aspergea à nouveau de l'eau fraîche sur le visage. Il était heureux d'avoir quitté l'Ordre, il referait le même choix car il savait au fond de lui qu'il devait la retrouver. Elle seule avait le pouvoir de faire plier le monde, de changer drastiquement la face de ce dernier. Elle pourrait réécrire l'histoire, et rendre le monde peut-être un peu plus juste, si elle le désirait.

Azmar était sa meilleure chance. L'un de ses informateurs, lui avait écrit une lettre afin de le prévenir qu'il avait vu une jeune femme ressemblant à la description que Hayden lui avait donné. Son informateur était un colporteur dont il avait connaissance depuis quelques années. De quatre ans son aîné, il s'était rendu sur la tombe d'Eysa alors que Hayden s'y rendait également. Il avait longuement parlé de l'amour d'Eysa pour les parchemins que Rui lui vendait.
— C'est un parchemin de belle qualité, épais, l'encre ne bave pas trop. Elle l'adorait et avait commencé à rédiger son histoire, lui avait-il expliqué.
Hayden avait fini par mettre la main dessus avant de quitter l'Ordre, deux années plus tôt. Depuis, il était sur les routes traquant et retraçant les pas de son amie, qu'il n'avait pas vu depuis huit années. Il avait déjà été dans plusieurs autres villes et villages, sans succès. Il commençait à perdre espoir quand il avait finalement reçu la lettre de Rui.

Il noua son masque derrière sa nuque et reprit la direction de la ville. Il devait arriver avant la nuit. Là-bas, il prévoyait de s'arrêter dans une auberge pour manger chaud et enfin dormir dans un vrai lit, au moins pendant quelques heures, avant de faire le tour d'Azmar au petit matin. Il foulait la terre battue, son esprit tourné vers le futur et l'espoir qu'il recelait. L'espoir d'un nouveau départ. Foncièrement positif, il refusait d'imaginer le pire. Ne jamais abandonner, toujours avancer. Abandonner serait remettre en cause tous ses choix, et la perte brutale d'Eysa.
— Toujours avancer. 

D'Or et d'AzurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant